Kamel Daoud est un squatteur à l’image du réfugié de la Jungle de Calais

Par Youcef Benzatat – Le premier squattant le vide dans la pensée, l’autre, le trop-plein de la luxuriance. Tous les deux, poussés par la déchéance de leur désir de souveraineté sur le réel, débarquent dans une intrusion fracassante dans l’espace de l’autre, celui qui s’est bâti sur cinq siècles de destruction, de meurtre de masse et de pillage, prenant tour à tour les noms de découvertes, de colonisation, de néocolonisation, pour se cristalliser in fine dans une globalisation immorale, plus destructrice encore, plus génocidaire et prédatrice au paroxysme. Un espace fantasme, dont les fondations plongent leurs racines dans un océan de sang que recouvre un leurre d’humanisme, comme la neige recouvre la terre de son manteau de mensonges. La désertion des intellectuels orientaux vers l’Occident et leur silence acheté au prix de leur insertion dans cet espace d’élection donneront l’opportunité à des Kamel Daoud, Boualem Sansal, et tant d’autres, de venir monnayer à leur tour leur adoption dans la lâcheté qui caractérise la servitude, en assumant le rôle de caisse de résonance à un silence qui en dit long sur l’avilissement de leur peuple. Les réfugiés, par milliers, par dizaines de milliers et bientôt par millions, abandonnés de tous, n’auront plus d’autre choix que de venir irriguer des flots ininterrompus d’envahissement de cet espace d’élection circonstancié. Un espace de conjure, se substituant dans leur imaginaire pollué par tant de frustrations et de promesses non tenues et tant de trahisons de la part de ceux qui se sont autoproclamés dépositaires de leur destin, leur léguant des pays en faillite dans les bras et les plongeant dans le vacillement d’une interminable gueule de bois, dont le squat résonne comme une vengeance sur leur néantisation. Tel un big passage à l’acte, annonciateur de fin des temps, avec son lot de violence et d’incompréhension. Ceux de Cologne en sont la parfaite illustration. Des viols, attouchements et vols de Cologne la nuit de la Saint Sylvestre, on ne retiendra qu’une meute de réfugiés musulmans pervers, endoctrinés par leur religion pour commettre les pires actes de barbarie sur terre contre les infidèles. Tel est le verdict sans appel de Kamel Daoud, qu’il ne faudra en aucun cas contredire ou nuancer sous peine d’être accablé de jalousie ou de quelque bigotisme obscurantiste. Telle une parole prophétique, que les lobbies en campagne contre le réveil de ces peuples en ébullition révolutionnaire permanente, par djihadistes interposés, voudraient hisser comme ultime vérité sur l’énigme de cette orgie sexuelle sur la place publique d’un pays non musulman. Dans cette logique islamophobe, après que l’enquête ayant révélé que la majorité de ces violeurs étaient d’origine nord-africaine, dont beaucoup sont Algériens, établis en Allemagne bien avant «l’invasion» des réfugiés incriminés dans cette affaire, on peut s’autoriser d’émettre l’hypothèse que ceux-ci venaient d’accomplir collectivement la salat el-icha(prière du soir) dans une mosquée environnante avant de passer à l’accomplissement de leur forfait dans une concertation collective. Telle une milice en campagne ! Un acte criminel à connotation raciste, prémédité, conclura de ce fait une justice aveugle. Un comportement inconscient, peine à renchérir Kamel Daoud, dû aux frustrations d’une éducation sexuelle religieuse dépravée. Un passage à l’acte qui retournera Sigmund Freud autant de fois dans sa tombe jusqu’à l’abdication pour sa théorie sur le refoulement sexuel ! Laissant croire que le monde musulman serait le théâtre de toutes sortes d’actes pervers de cette nature à longueur d’année, rendant la vie des femmes quasi impossibles dans l’espace public, sous peine d’être violées à longueur de journée par les mâles qu’elles croiseraient sur leur chemin ! Bien que la religion musulmane, plus que ses paires chrétienne et judaïque, qui confinent la femme à un statut inférieur à l’homme et considèrent le rapport sexuel hors mariage comme sacrilège, générant frustrations et perversions chez ses sujets, ne suffit pas à expliquer un tel comportement obscène par cette causalité à elle seule. Pour dépasser cette contradiction, Kamel Daoud insinue, en le justifiant, qu’un tel passage à l’acte sélectif n’aurait été possible que par l’autorisation du viol des femmes non musulmanes que leur religion cautionne ! Pourtant, l’histoire est truffée de ce genre d’orgies crapuleuses, anéantissant la quiétude et l’équilibre psychologique de tant de femmes innocentes, victimes de ce genre de barbarie. En temps de guerre, le vainqueur à de tout temps usé et abusé d’orgies similaires contre les femmes des vaincus. Sans pour autant que ces viols collectifs ne soient dictés exclusivement par le sentiment d’appartenance religieuse. A l’image du viol colonial en tant que viol symbolique, celui d’une nation belliqueuse sur une autre nation souveraine et son lot de viol des femmes. Alors que c’est sous la bannière des lumières, de la modernité et de la civilisation que le viol colonial s’était accompli et que les conquérants sur le terrain commettaient les pires viols de femmes et même d’enfants. Pas d’amalgame, donc ! Ni les lumières ni la pensée moderne, encore moins les religions n’ont professé de tels barbarismes ! Servir les clichés islamophobes les plus éculés dans un pot-pourri ne peut être d’aucune utilité à la condition de la femme et à son émancipation. Bien au contraire, il ne fait que durcir la résistance des bigots de tous bords à l’ouverture de la société aux valeurs de modernité et de contemporanéité du monde. Se greffer sur les pots-pourris en prétendant servir la cause de la femme relève de la malhonnêteté intellectuelle. Si violence il y a, toutes les religions se valent. Il n’y a pas de religion plus violente qu’une autre. Il suffit de se rappeler la justification par François Mitterrand de la mise à sac de l’Irak, la qualifiant de «guerre juste», en référence à la chrétienté guerrière. Une guerre juste qui ouvrira les portes à l’Occident judéo-chrétien pour semer le chaos dans le monde musulman pour l’asservir. Le peuple, contrairement à l’intellectuel de service, ne se trompe jamais dans son jugement, étant celui qui a les pieds sur la braise. Aux moments forts de la barbarie coloniale française en Algérie, le peuple algérien n’allait pas par trente-six chemins pour qualifier ses bourreaux par frança bent el kelb(la France, fille de chien). Quant aux questionnements sur d’éventuelles circonstances élargies ayant abouti à cet acte barbare, que Kamel Daoud et la meute affectée au chevet de son délire névrotique considèrent comme l’exclusive des conséquences éducatives de l’immoralité religieuse musulmane et unique source d’interrogation pour faire toute la lumière sur cette affaire. Il n’est nul doute que les auteurs de ces questionnements hors des sentiers battus se verront taxés d’apologie de viol et autre bigotisme aveugle, voire de triviale jalousie, pour dissimuler un déficit d’arguments qui traduit une mauvaise foi complice. Que d’énergie protubérante gaspillée dans une forme en mal d’harmonie d’avec son fond. Kamel Daoud se piège lui-même, tel Narcisse succombant aux narcotiques que dissimule son image dans le miroir de son piège culturel. Le style c’est l’homme, lorsque celui-ci entre en conflit ouvert contre le piège culturel qui le conditionne et le détermine, en en faisant la forme de ses souffrances, de ses désirs et de leur dépassement. Tout le fond. Non pas un fond sélectif, à travers lequel il se fraye un chemin privilégié vers des raccourcis qui mènent droit au reniement de soi et à la compromission, pour venir alimenter encore plus le leurre des satrapes.
Y. B.

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