Oran pleure son faste perdu

Par Abdelkader Ben Brik – Oran doit redevenir la cité d’antan, El-Bahia, comme le souligne le wali. Un programme chargé, plus au moins coriace à concrétiser sur le terrain, mais pas difficile à exécuter, si toutefois les parties prenantes se mettent au travail. Marginalisée, Wahrân pleure sa jeunesse, son passé, le petit Paris et sa population d’antan, joyeuse et fière de cette cité méditerranéenne. Aujourd’hui ceinturée par des constructions illicites, longtemps tolérées, par un laisser-aller flagrant, le tout couronné par des élus locaux démissionnaires. Son centre-ville n’a pas aussi échappé à la transformation négative. Oran a perdu ses repères, diront les Oranais résiduels. Ses communes avoisinantes ne sont pas épargnées par cette marginalisation. El-Bahia est devenue une ville où le rêve et les fausses promesses se mêlent. La ville longtemps figée dans une lourdeur qui, à chaque coin de rue, nous rappelle la morosité du quotidien d’une vie harassante et d’une ville qui s’est transformée en quelques années en un grand et vaste douar. Fini le temps où Oran portait fièrement le titre de Wahrân El-Bahia. Toutes les tentatives pour rendre la ville agréable et la vie de ses habitants joyeuse sont bloquées par des forces occultes. Bien au contraire, tout se fait pour la rendre insupportable, des égouts évacués dans la nature, des tampons disparus, des ordures entassées dans les ruelles pendant le jour, des câbles de téléphone fixés dans les murs des immeubles prouvant un travail très médiocre de bricolage, fuite d’eau potable au niveau des niches et des conduites, la saleté du parterre en particulier dans les rues principales du centre de la ville telles la rue Larbi Ben M’hidi, la place du Maghreb… des stationnements de véhicules anarchiques, des conducteurs de véhicule et d’autobus irrespectueux du Code de la route, des voies publiques squattées, des constructions illicites partout et sur des terrasses d’immeubles au centre-ville, des immeubles menaçant ruine, re-habités par des intrus qui visent un éventuel relogement, phénomène devenu un business juteux pour y revendre les logements ou les donner en location. La place (d’Armes) du 1er-Novembre n’est plus la place d’antan avec sa minuscule forêt, jadis endroit de rencontres, elle est devenue le lieu de prédilection pour les moustiques et les mouches et toutes sortes d’insectes nuisibles, réunis autour d’un jeu d’eau mal façonné. La rue de la Révolution a perdu son animation, sa chaussée ressemble à des tombes ouvertes, le spectre des agressions règne, le citoyen oranais ne s’aventurerait plus à la promenade de l’Etang où l’insécurité domine. Les Nuits du Liban, le Cyntra, le Champ Elysée, le Gymnase, le Rancho, Luna Club, Baya Club, le Belvédère, lieux de distraction des anciens Oranais, à leur tête la Tahtaha, font partie aujourd’hui de l’histoire ancienne. La pêcherie est devenue un luxe inabordable, la célèbre Tahtaha est polluée, ses voies d’accès, places publiques et ruelles squattées. Oran, victime de l’exode rural, de toutes les régions du pays, des gens sont venus, après avoir mis leurs terres agricoles et demeures en location, la plupart se sont installés illicitement sur des terrains pour y construire un toit précaire et mettre les autorités locales (absentes) devant le fait accompli. Le respect des lois est une vieille mode à Oran, le langage du couteau, du poignard, du sabre, du fusil à harpon et de la hachette est une mode. Des bus très sales circulant en toute quiétude, des véhicules épaves, des poids lourds et des tracteurs agricoles tractant des citernes d’eau traversent les postes de contrôle pour rentrer en ville comme s’il s’agissait d’un douar ! Le refus de priorité est devenu la norme, parfois devant le regard d’un policier passif. L’extension de la ville n’a pas pris l’uniforme adopté déjà en 1970 et 1985, lors du plan quinquennal. Les constructions se sont propagées dans toutes les directions, au grand dam de l’urbanisme, perturbant ainsi les statistiques de la ville longtemps maîtrisées. Les constructions illicites qui prennent de l’ampleur mettent les autorités locales devant un fait accompli, caractérisées par une léthargie ; pourtant, il faut bien assainir cette situation et permettre l’élargissement d’environ 300 mètres de la voie automobile, aujourd’hui confrontée à un embouteillage quotidien. A vrai dire, la déception et l’amertume sont terriblement ressenties par les Oranais résiduels. Et dire que cette ville a vu s’échafauder des civilisations et donné naissance à tant de lumières !
A. B.

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