Quand John-Fitzgerald Kennedy décrivait la faillite du colonialisme français en Algérie

Trois ans avant son entrée à la Maison-Blanche pour succéder au président Eisenhower, John-Fitzgerald Kennedy, alors jeune sénateur démocrate du Massachussetts, prononça le 2 juillet 1957 au Sénat, un discours en faveur de l’indépendance de l’Algérie, resté dans l’histoire. Le site électronique Les crises.fr animé par la communauté DiaCrisis, a eu la judicieuse idée de le sortir des archives sous le titre : «L’impérialisme occidental, ennemi des libertés, par J.-F. Kennedy». Le site qualifie ce discours de «retentissant» pour sa dénonciation de la présence coloniale française en Algérie et son appel à l’indépendance de notre pays. En effet, Kennedy y décrit la faillite du colonialisme français en Algérie et plus largement dans les pays de l’Afrique du Nord. La relecture de ce discours, avec près de 60 ans de recul, est pleine d’enseignements. Le premier concerne l’implication de l’Otan dans la guerre menée par les forces coloniales françaises contre notre peuple qui était en lutte pour l’indépendance. J.-F. K. commence par affirmer que «la guerre d’Algérie, impliquant plus de 400 000 soldats français, a ôté aux forces continentales de l’Otan assez d’hommes pour les rendre squelettiques». Il dénonce l’utilisation de l’équipement militaire américain – en particulier des hélicoptères, précise-t-il – «contre les rebelles». Le jeune sénateur relève également l’impact de la guerre sur l’Europe du fait que la France eût été contrainte d’adopter une économie de guerre avec toutes les restrictions sur ses échanges extérieurs notamment avec les Etats-Unis et avec les autres pays européens. Il fait ressortir l’impact de la guerre sur les relations américaines avec la Tunisie et le Maroc, qui étaient les bases arrière des nationalistes algériens. A ce propos, il fait remarquer que «sur chaque vote aux Nations unies sur les questions du Maroc et de la Tunisie, nous avons échoué à voter contre les Français et pas même une fois avec les nations dites anticolonialistes d’Asie et d’Afrique». Il avertit les Etats-Unis sur la mise en danger de «l’existence des bases aériennes américaines stratégiques» et sur la menace sur «les avantages géographiques acquis au détriment de la zone d’influence communiste». Pour Kennedy, aucune question de politique étrangère n'a été autant négligée par son pays que celle de la guerre d’Algérie. «Il est donc temps, lança-t-il, que l’on prenne en main le véritable problème qui nous est posé en Algérie – problème qui ne peut plus être évité ni par les Nations unies ni par l’Otan». Il pensait que «le nœud du problème est que, bien que la France affirme, d’une part, que l’Algérie fait partie intégrante de la France métropolitaine, les Français n’ont jamais vraiment reconnu les Algériens en tant que citoyens français». Et il ajouta que «l’égalité du droit de vote n’a pas été donnée à l’ensemble de la population algérienne de plus de huit millions». Il voulut que les Etats-Unis s'engagent en faveur de l'indépendance de l’Algérie et déposa, dans ce sens, un projet de résolution devant le Sénat américain qu’il conclut ainsi : «Si aucun progrès substantiel n’a été noté lors de la prochaine session de l’Assemblée générale des Nations unies, les Etats-Unis soutiendront un effort international pour obtenir pour l’Algérie la base de la réalisation de l’indépendance.» Ce discours prononcé un 2 juillet, «à quelques jours de l’anniversaire de l’indépendance des Etats-Unis», comme il le souligna, permit à Kennedy de faire constater que sur la question algérienne, «on ne pouvait considérer avec fierté le bilan américain».
Houari Achouri

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