Pourquoi Chakib Khelil évite de porter plainte contre les médias algériens pour «diffamation»

L’annonce faite par le très controversé ancien ministre de l’Energie sur sa page Facebook d’ester Le Point explique, paradoxalement, pourquoi il n’a pas entamé la même démarche en Algérie. Par cette prompte réaction à un article du magazine français, Chakib Khelil a commis l’erreur de révéler corollairement deux faits importants. L’ancien membre du gouvernement sait pertinemment que le recours à la justice en Algérie, pour traîner des journaux et des sites électroniques devant les tribunaux, l’enfoncerait inéluctablement. Non que la justice algérienne pourrait le débouter, mais parce qu’il mettrait le pouvoir dans une gêne extrême. Si, en effet, la justice condamnait les médias incriminés, l’opinion publique crierait en chœur au scandale, car cette même justice s’abstient, jusqu’à ce jour, de convoquer le «plaignant» pour l’entendre – ne serait-ce qu’en tant que témoin – dans les affaires qui ont éclaboussé le secteur aux destinées duquel il présidait au moment des faits reprochés au dirigeants du groupe Sonatrach, jugés et emprisonnés. Par ailleurs, une victoire judiciaire de Chakib Khelil créerait un cas de «jurisprudence» qui contraindrait les juges à appliquer la loi avec la même rigueur, dans le cas où des plaintes similaires étaient déposées – et elles seraient nombreuses – par l’opposition contre les médias à la solde du pouvoir qui multiplient les dérapages impunément. Chakib Khelil a donc tout intérêt à s’abstenir d’ouvrir la voie à une réaction en chaîne qui serait fatale à ses soutiens, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que la justice serait mise dans une situation délicate et achèverait de la discréditer aux yeux des citoyens déjà sceptiques. Ensuite, cela remettrait sur la table les affaires révélées par les différents dossiers médiatiques, dont le plus récent, les «Panama Papers», et susciterait ainsi une vague de colère qui déstabiliserait sérieusement le régime actuel et pourrait même provoquer des manifestations dans ce contexte marqué par les nombreux dangers qui menacent la sécurité du pays. Face à cette incapacité à «actionner» la justice algérienne pour «faire taire les voix récalcitrantes», Chakib Khelil a donc trouvé la parade qui lui permettrait, si la justice française lui donnait gain de cause, de se servir du verdict comme argument dans sa campagne de blanchiment et de disculpation extra-judiciaire qui a commencé au salon d’honneur de l’aéroport d’Oran, où il eut droit à un accueil solennel du premier magistrat de la wilaya à sa descente d’avion. Mais plus Chakib Khelil et le pouvoir prennent des détours, cherchent des échappatoires et adoptent la position de l’esquive, plus ils s’enlisent et moins ils auront des chances de convaincre les Algériens de leur bonne foi et de leur honnêteté.
Karim Bouali

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