Merani jugé pour port d’arme illégal : le tourment d’un homme désabusé
Par R. Mahmoudi – Le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hammed a requis cinq ans de prison contre l’ancien ministre des Affaires religieuses Ahmed Merani, poursuivi pour «port d’arme non autorisé», alors que sont également poursuivies dans le même dossier d’autres personnes, dont le propriétaire de la chaîne Al-Atlas TV (aujourd’hui disparue), son frère, le directeur général du Centre international de la presse et un responsable commercial au sein de cet établissement public.
D’aucuns ont vu dans cette mystérieuse affaire une véritable «cabale judiciaire» menée contre Ahmed Merani pour lui faire payer sa prise de position contre le quatrième mandat sur ladite chaîne de télévision, pour qu’il serve aussi d’exemple dans ce contexte préélectoral aussi tendu qu’incertain. Que pensait réellement l’ex-ministre Ahmed Merani de la vie politique depuis son intervention sur la défunte chaîne privée début 2014 ?
Dans une longue interview à Algeriepatriotique, diffusée le 19 septembre 2015, Merani s’est insurgé contre ce qu’il qualifiait de «règne de la médiocrité» depuis la consécration de ce fameux quatrième mandat pour justifier son retrait très remarquée de la scène politique. «Lorsque j’ai vu que l’Algérie était en danger, et que chacun de nous était appelé à contribuer avec ce qu’il pouvait pour sortir le pays de l’impasse, je n’ai pas hésité à le faire. Or, aujourd’hui, c’est le règne de la médiocrité, de l’indignité, de la corruption et de l’absence de valeurs», a-t-il expliqué.
Il a rappelé qu’il était cependant intervenu sur plusieurs chaînes de télévision pour dénoncer le quatrième mandat qu’il continuait à qualifier de «forfaiture». «Mes interventions étaient si percutantes, poursuit-il, que le pouvoir a déposé une plainte contre moi pour “atteinte à un symbole de l’Etat”. Mais la plainte n’a pas été jugée recevable parce que, dans mes interventions, il n’y avait en fait que de la critique.» Qu’est-ce qui a alors changé depuis cette date ?
Très sceptique sur l’avenir du pays, Merani nous confiait qu’il disait toujours que «ce système politique a lamentablement échoué» et qu’«il conduit actuellement l’Algérie droit vers une grande catastrophe. Je prie Dieu qu’Il nous en préserve. Car toutes les actions, toutes les décisions émanant de ce système sont à l’origine de perversions», a-t-il tonné. Pour lui, tout restait lié à cet insurmontable quatrième mandat : «Quand vous avez un système pourri, tout ce qui émane de lui est forcément pourri. C’est dans ce sens que j’avais déclaré que le quatrième mandat serait une catastrophe pour l’Algérie, et j’ai assumé mes propos.»
Ahmed Merani s’est aussi distingué au cours de ce parcours politique par ses positions courageuses contre la direction de l’ex-FIS, dont il fut membre fondateur avant de s’en séparer, et surtout contre la campagne médiatique lancée, dans les années 1990 à partir d’Europe, pour dénigrer l’armée algérienne. A un moment où certains se laissaient aller à des compromissions douteuses, lui prônait, devant des parlementaires et des médias étrangers, un discours de vérité par lequel il a démontré qu’il n’y avait pas de «qui tue qui», et expliquant clairement que tout ce qu’il y avait, «c’est qu’un parti, le FIS, voulait accéder au pouvoir, qu’un courant au sein de ce parti avait pris les armes et que c’est lui qui tuait. Puis, il y a eu ceux qui sont venus verser de l’huile sur le feu et entretenir la violence et la discorde».
R. M.
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