Benmeradi pourra-t-il gagner la guerre contre les barons de l’importation ?
Par Houari Achouri – Le ministre du Commerce résistera-t-il aux lobbies de l’import-import ? Cette question revient à chaque fois qu’un premier responsable du secteur tente de mettre de l’ordre dans ce segment, à sens unique, des échanges extérieurs du pays. Mohamed Benmeradi n’échappe pas à cette interrogation, lui qui a décidé, à son tour, de s’attaquer à ce que l’on appelle le lobby des importateurs.
Il y a près de trois ans, Amara Benyounes, nommé à ce poste sensible, avait lancé un pathétique «Je ne cèderai pas face aux pressions des lobbies de l’importation !». La facture des importations avait atteint en son temps, en 2014, près de 60 milliards de dollars. Il s’est donné comme mission de protéger la production nationale, la même mission que reprendront à leur compte ses successeurs.
Pour annoncer l’instauration du système des licences d’importation, Amara Benyounes s’était lui aussi réuni avec le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (Ugta), Abdelmadjid Sidi Saïd, et des représentants du patronat. Il justifiait cette mesure par la nécessité de promouvoir les produits nationaux et faire barrage aux produits qui alourdissent fortement la facture des importations.
En juin 2015, Amara Benyounes déclarait même ouvertement la guerre aux barons de l’importation, en lançant : «Nous allons toucher à de très gros intérêts.» La presse s’était fait l’écho de son constat alarmant : «Il n’existe aucun pays au monde qui importe comme le fait l’Algérie.» Chiffres à l’appui : matériel électroménager (500 millions de dollars), produits cosmétiques (600 millions de dollars), aliments du bétail (1,6 milliard de dollars), du ciment deux fois et demi plus qu’il n’en faut…
«Des lobbies importants, qui sont installés dans le commerce extérieur et qui sont dans l’importation depuis une quinzaine d’années avec des chiffres d’affaires absolument astronomiques», avait-il souligné.
Amara Benyounes était alors convaincu que «l’Etat est capable de combattre tous les lobbies quels qu’ils soient». Il ne verra pas l’issue de la bataille en tant que ministre du Commerce. En juillet 2015, il finit par céder… son département à son successeur, le défunt Bakhti Belaïb, confronté à son tour à la mission, en apparence impossible, qui consiste à donner un coup de pied dans la fourmilière des importateurs.
On se rappelle de sa déclaration à propos de l’importateur qui a réussi à débarquer des containers remplis de pièces détachées dont l’origine n’était pas connue et défié publiquement le ministère de l’empêcher de faire sortir sa marchandise du port. Bakhti Belaïb avait alors dénoncé des pratiques maffieuses de certains «gros bonnets» de l’importation qui, selon lui, vont jusqu’à menacer des cadres de son département qui refusent de fermer les yeux sur leurs infractions à la réglementation.
Depuis une trentaine d’années, l’abandon par l’Etat de son monopole sur le commerce extérieur a fait le bonheur de certains importateurs algériens et de leurs fournisseurs à l’étranger, parfois une seule et même personne ici et là-bas. Profitant du désengagement de l’Etat – dans les années 1980 – qui a également laissé tomber son pouvoir de contrôle, les importateurs ont transformé le marché algérien en un déversoir de tout et de n’importe quoi, l’essentiel étant de faire sortir le maximum de devises à placer dans les banques étrangères et les paradis fiscaux.
Tant que la manne pétrolière le permettait, ces pratiques étaient visiblement tolérées. En 2009, les opérateurs pharmaceutiques avaient dénoncé le lobby des importateurs qui exerçaient leur diktat sur le marché national et qui se jouaient de la réglementation destinée à «réguler» les importations de médicaments.
Les choses ont changé depuis le deuxième semestre 2014 quand les prix du pétrole ont amorcé leur chute brutale. Mais une limitation des importations n’est viable que si la production nationale est en mesure de remplacer les marchandises interdites d’achat à l’étranger.
H. A.
Comment (13)