Le Sahel volontairement maintenu dans la crise ?
Dans une tribune publiée par Wathi, un think tank citoyen en Afrique de l’Ouest, l’économiste et analyste politique béninois Gilles Yabi se demande si la région ouest-africaine ne risque pas de devenir «un champ de bataille permanent». Il s’interroge également sur les implications militaires toujours plus visibles et bruyantes des puissances mondiales «qui ont rarement mis fin durablement aux conflits» qu’elles promettaient de résoudre par la force. «Des puissances qui savent, elles, protéger leurs citoyens et électeurs en faisant la guerre le plus loin possible de leur sol», constate Gilles Yabi.
En Afrique de l’Ouest, et particulièrement au Mali, fait-il encore remarquer, l’enthousiasme suscité par les opérations françaises Serval puis Barkhane s’est évanoui. «Malgré les troupes, les avions et les drones français et américains, les groupes armés se sont multipliés et ont considérablement élargi leur zone de nuisance» observe-t-il.
De son côté, l’agence IRIN indique que «l’époque où l’ancien président français François ‘’Papa’’ Hollande était accueilli chaleureusement de Bamako à Tombouctou est révolue depuis longtemps». «Une partie de l’opinion malienne n’hésite pas à reprocher à l’ancienne puissance coloniale d’être présente dans le pays pour défendre ses propres intérêts. Et les Maliens ne sont pas les seuls à le dire», poursuit la même source.
L’altermondialiste nigérien Moussa Tchangari, dont le pays se trouve aussi au cœur de la crise au Sahel, fait remarquer dans une étude fouillée intitulée «Sahel, aux origines de la crise sécuritaire» que la guerre dévastatrice qui ravage la région n’est pas une catastrophe pour tout le monde. «Ce déferlement de violence, dont beaucoup peinent à saisir la finalité, n’est certainement pas le signe d’une folie. Il s’inscrit dans un vaste projet dont seuls semblent connaître le but ultime ceux qui ont les moyens de l’arrêter et qui ne le font pas. Cette guerre est une aubaine, d’abord pour les grandes puissances occidentales, en premier lieu la France, qui semblent en tirer avantage pour leur influence», pointe Moussa Tchangari.
Et de s’interroger sur «le tabou bien ancré tant au Niger qu’au Mali sur l’option d’un dialogue politique avec les groupes armés se réclamant de la mouvance djihadiste». Ceux-là mêmes, poursuit-il, qui servent de justification à la présence militaire extérieure. «Personne n’ose apparemment envisager la perspective d’une ouverture du champ politique aux partisans de l’islamisme politique», observe-t-il.
S. S.
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