Défense absolue et intransigeante de la liberté d’opinion et d’association

liberté d'opinion et d'association
Limiter ou interdire la liberté est une violence de fait. D. R.

Par Kaddour Naïmi – L’interdiction de deux associations féminines à Oran et la déclaration de Noureddine Boukrouh sur ce qu’il subit en ce moment, outre d’autres faits injustes et illégaux, justifient cette contribution. Pour éviter tout malentendu, il ne s’agit pas ici uniquement de ces deux associations et de ce monsieur.

La seule société qui mérite le respect, le seul Etat qui voudrait ne pas être dénoncé comme illégitime sont la société et l’Etat où la liberté citoyenne d’opinion et d’association est absolument libre et totale.

Tant que la confrontation se déroule dans le domaine des idées, la limiter ou, pis, l’interdire relève de plusieurs défauts, et cela, que l’on soit citoyen ou, plus grave encore, un représentant de l’Etat.

Premièrement. Un citoyen qui ne respecte pas ce genre de liberté démontre la faiblesse de ses propres opinions dans la confrontation pacifique des idées. Quant à l’Etat, il manifeste la même carence, mais aggravée par son attitude dictatoriale ; elle est illégitime étant donné qu’aucune volonté populaire ne l’a chargé d’agir de manière autoritaire.

Deuxièmement. Limiter ou interdire la liberté dont il est question est une violence de fait. Le citoyen qui la dénie est susceptible de provoquer une contreviolence dont il est le premier responsable. Quant à l’Etat, cette violence est manifestée par des mesures juridiques (des «lois» sur mesure, mais hors de la mesure reconnue par la justice universelle) ou répressives. Dès lors, il se rend le premier responsable d’une contreviolence qui pourrait contester cette violence.

Troisièmement. Toute société humaine a besoin de la liberté dont il est question pour discuter les problèmes en son sein afin de trouver les solutions adéquates. Autrement, cette société cause des ressentiments légitimes qui peuvent, à la longue, se transformer en confrontation violente. Là encore, le responsable est le citoyen ou/et l’Etat niant la liberté en question.

Quatrièmement. Cette liberté doit être totale tant que son expression réside dans le domaine des idées. Les extrémistes de tous bords, comme les modérés et les conservateurs ont le même droit. A la confrontation publique de montrer le bien ou le mal fondé des idées défendues par les uns et les autres. Si une idée est acceptée par la majorité des citoyen-ne-s, soit elle est conforme à leur intérêt véritable, alors elle devient légitime et il faut trouver les moyens de la concrétiser ; soit cette idée manipule les citoyen-ne-s dans un but inavoué, contraire à leur intérêt véritable, et favorable à une caste dominante ou aspirant à dominer. Dans ce dernier cas, il est inefficace, à long terme, d’interdire l’expression de ces idées ou des associations qui les produisent, car ces idées continuent de manière plus ou moins clandestine à exister. La réelle efficacité est de les discuter et de parvenir à montrer aux citoyen-ne-s en quoi ces idées leur sont néfastes.

On pourrait objecter : laisser ce genre de liberté, a porté les fascistes et les nazis au pouvoir, ou les islamistes réactionnaires à prendre le pouvoir en Algérie et en Egypte. Ce n’est pas entièrement vrai. Car, dans ces cas, la propagande des idées fut menée parallèlement et complémentairement avec l’exercice de la violence physique. Ce fut, chez les fascistes et les nazis, celle de leurs groupes paramilitaires, de manière organisée et systématique ; quant aux islamistes réactionnaires, les agressions physiques, allant jusqu’aux assassinats, commencèrent bien avant l’interruption du processus électoral en Algérie.

Par conséquent, tant que la confrontation demeure dans le domaine des idées et des associations qui les défendent, la liberté est absolument nécessaire. Même si ces idées appellent à une résistance violente ou armée. Tant que cette dernière ne s’est pas concrétisée, c’est par les idées qu’il faut en démontrer l’illégitimité. Et si l’on a peur que le peuple, malgré cela, y succombe, c’est que ce peuple soit est soumis à une servitude telle que la résistance violente lui paraît la seule solution, soit il n’a pas bénéficié d’une correcte explication de la part des personnes qui contestent le recours à la violence et à la lutte armée.

En Algérie, la preuve éclatante est présente : la victoire militaire sur les islamistes réactionnaires n’a pas réellement entamé leur présence idéologique. Dans ce domaine, s’ils ne triomphent pas, ils demeurent hégémoniques (1). Et la preuve que les détenteurs de l’Etat actuel, malgré la manipulation des élections, ne parviennent pas à convaincre de sa légitimité la partie des citoyen-ne-s les plus honnêtes et éclairé-e-s, c’est le harcèlement répressif, sous diverses formes, de la liberté d’opinion et d’association. Cependant, l’histoire humaine universelle l’a démontré et continue à le démontrer : les bourreaux de la liberté citoyenne passeront sans gloire, mais la liberté refleurira par l’action de la partie la plus consciente et la plus honnête du peuple !

K. N.

(1) A ce sujet, voir ma contribution «Hégémonie culturelle : l’enjeu fondamental», http://kadour-naimi.over-blog.com/tag/education-culture/

Comment (2)

    Digoutage
    6 mars 2018 - 15 h 44 min

    Monsieur Kaddour Naïmi , merci pour ce deuxième article ! Vous avez déjà ici sur AP il y a quelques jours fait un bon article qui porte le même titre dans la rubrique « Contribution » , où vous défendez la liberté d’opinion et d’association ! Dans ce présent article, que je trouve bon aussi, vous parlez encore de ces libertés à partir de deux exemples : l’interdiction de deux associations oranaises et les menaces envers Boukhrouh. Il est vrai que limiter ou interdire le liberté est une forme de violence de fait.

    En réaction à votre précèdent article qui porte le même titre , il y a eu des internautes qui ont apprécié vos idées , mais qui ont , en plus, parlé d’autres formes de libertés à respecter comme la liberté de pensée, la liberté de culte et la liberté de conscience etc… etc…. A ce propos, je vais demander l’autorisation à un certain internaute, pour ne pas le nommer @Salim Yahiaoui, qui a répondu à des internautes qui parlent de ces différents types de liberté ! En effet, quand on parle de LIBERTE, il faut parler de toutes les libertés. Aucune liberté ne doit être occultée, aucune liberté n’est taboue ! Et en anticipant sur l’autorisation @Salim Yahiaoui, et s’il me le permet, voici ce qu’il a dit aux internautes qui ont évoqué ces sujets de manière intéressante : ….

    Début de citation :
    Chers @mohand , @LOUCIF , Salem Kaidi @ merci d’évoquer un sujet d’ordre philosophique, sociétal et communautaire qui devrait être débattu pour nous algériens en tout lieu et en toute circonstance. C’est toute la question fondamentale de la liberté de conscience, de la liberté de culte et du respect des minorités religieuses dans les pays musulmans, plus précisément et expressément chez les pays arabo-musulmans !

    On sait que chez nous en Algérie par exemple, les quelques chats (pardon d’utiliser ce terme, mais c’est pour mieux faire prendre conscience de l’aberration) d’algériens qui sont ou ont choisi d’être chrétiens et protestants sont persécutés constamment, sont pourchassés ou menacés et l’Etat et le pouvoir algérien fait tout pour leur mettre des bâtons dans les roues ou même des sabots pour qu’ils n’avancent plus ! On se souvient de la condamnation d’une jeune fille qui avait une bible dans son sac. La religion musulmane dans les pays arabo-musulman est au dessus de la citoyenneté, au dessus de la Constitution et c’est au nom de la religion qu’il est encore plus permis d’interdire ou de rejeter des libertés collectives ou individuelles ! C’est grave pour la conscience humaine, c’est grave sur le plan politique, c’est grave pour la démocratie authentique, c’est grave pour ce qu’on appelle l’Etat de Droit. Cette question est l’une des grandes tares des pays arabo-musulmans d’une manière générale.
    Dans les pays arabo-musulmans les athées sont mis au banc de la société, au banc des accusés. Et le rejet en encore plus grave gars pour tout musulman qui se convertirait à une autre religion ! Aussi, je suis sceptique quant à un changement de mentalité ou des décisions politiques de la part du gouvernement et du pouvoir algérien dans ce domaine là. Je dirais plus : mon scepticisme est total concernant tous les pays dits arabo-musulman dirigés soit par des monarques, des autocrates, des dictateurs ou des ayatollahs.
    Fin de citation.

    Abou Stroff
    6 mars 2018 - 14 h 16 min

    « Cependant, l’histoire humaine universelle l’a démontré et continue à le démontrer : les bourreaux de la liberté citoyenne passeront sans gloire, mais la liberté refleurira par l’action de la partie la plus consciente et la plus honnête du peuple ! » conclut K. N..
    j’adhère totalement à cette sentence et j’irai même plus loin. je pense que la marabunta qui nous gouverne et la vermine islamiste ont des intérêts convergents quand ils ne sont pas identiques. la marabunta et la vermine représentent, objectivement et subjectivement, le monde ancien (le monde de la distribution de la rente et de la prédation) qui ne veut pas mourir, monde arriéré où il n’y a que des ensembles amorphes dirigés par un gourou ou un démiurge ou un quasi-dieu.
    par conséquent, « la partie la plus consciente et la plus honnête du peuple » doit agir pour mettre en place les conditions de dépassement du système rentier qui nous avilit et nous réduit à de simples tubes digestifs ambulants ou à des croyants amorphes attendant l’arrivée du sauveur.

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