L’ex-ambassadeur des Etats-Unis à Alger : «J’ai commis de graves erreurs»
Par Kamel M. – L’ancien ambassadeur des Etats-Unis à Alger, puis à Damas, Robert Ford, a admis avoir commis des «erreurs monumentales» en Syrie. «Beaucoup de dirigeants et de responsables, dont moi-même, ont commis des erreurs monumentales dans le traitement du conflit syrien», a-t-il admis dans une tribune publiée dans le média saoudien Al-Arabiya. «Aussi devons-nous faire preuve d’humilité et de remords», a-t-il écrit.
«Nous devons garder à l’esprit les limites de ce que l’intervention étrangère peut réaliser dans les guerres civiles qui éclatent dans des pays tiers», a affirmé Robert Ford, en rappelant les «leçons du Vietnam et des attaques du 11 Septembre». «Les Etats-Unis ont dû apprendre ces mêmes leçons à nouveau en Irak», a-t-il souligné, tout en avouant que le régime syrien a résisté, que Bachar Al-Assad demeurera au pouvoir et que rien ne pourra l’en déloger, anticipant même sur les élections prévues en 2021 qui «verront la victoire [inéluctable] d’Al-Assad» qui devra «s’atteler à l’instauration d’une véritable réconciliation» en Syrie.
«Pendant que Poutine apporte son soutien [militaire et politique] à Bachar Al-Assad, les Etats-Unis et l’Union européenne continuent d’imposer des sanctions contre la Syrie, faisant que le pays comptera encore longtemps sur les aides humanitaires, tandis que Moscou œuvre, au sein du Conseil de sécurité, à faire bénéficier le régime en place de ces aides», a constaté Robert Ford selon lequel ces dernières (les aides humanitaires) «ne peuvent en aucun constituer une solution à long terme dans la crise syrienne».
«Plus grave, le parapluie militaire américain au-dessus de la région autonome dans le Nord-Est syrien complique la situation davantage», a relevé Rober Ford qui parle, cependant, de «quelques succès» que les Etats-Unis «ont pu réaliser à l’intérieur de la Syrie», tout en mettant en avant la «volonté» du coordinateur de la politique américaine en Syrie, l’ambassadeur James Jeffrey, de «coopérer avec la Russie et les Nations unies pour trouver le moyen de forcer Al-Assad à mener des réformes politiques et d’organiser des élections propres en Syrie».
Vœu pieux, selon Robert Ford, qui tempère ses propres ardeurs en confiant que les désaccords entre Moscou et Washington sur l’Ukraine, les sanctions, les missiles nucléaires et l’ingérence politique des deux parties l’une l’autre «concourt à la détérioration du climat général qui caractérise les relations entre les deux capitales». L’ancien ambassadeur des Etats-Unis en Algérie, dont le bureau était devenu, au milieu des années 1990, lorsqu’il était conseiller politique auprès de la chancellerie américaine à Alger, une annexe pour les dirigeants islamistes, a rappelé la récente attaque frontale du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, contre l’administration Trump qui, a-t-il accusé, «fuite des renseignements confidentiels sur les négociations secrètes» entre les deux pays.
Robert Ford conclut en donnant des leçons aux Russes, après avoir admis l’échec cuisant de son pays, de sa diplomatie et de son armée dans ce pays dont il croyait, au début de l’année 2011, qu’il allait «enfin» tomber dans le giron américain une fois le régime déchu. Neuf ans plus tard, il se lamente sur le sort des Syriens en démontrant clairement que lui-même n’a appris aucune leçon de celles qu’il a énumérées, à savoir le Vietnam, les attentats du 11 Septembre et l’Irak, auxquelles il faut ajouter la Somalie et l’Afghanistan. Confessera-t-il un jour les graves erreurs qu’il a commises en Algérie durant la sanglante décennie noire ?
K. M.
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