Rapport Benjamin Stora : la France coloniale ne désarme pas !
Contribution de Youcef Benzatat – Le pouvoir français refuse de présenter des excuses à l’Algérie pour le fait colonial, qui est en soi une violence symbolique qui vient s’ajouter à la violence physique commise pendant 132 ans de présence coloniale française, alors que ce refus signifie explicitement un déni de cette violence et du fait colonial en soi, la légitime et lui octroie le droit d’être reconductible dans l’avenir sans qu’elle ne soit considérée comme une violence et une violation de la souveraineté d’un peuple tiers quelconque.
Dans son rapport sur la mémoire de la colonisation française de l’Algérie, Benjamin Stora propose la levée du bannissement du territoire national algérien aux quelque 100 000 familles de harkis et leur permettre de circuler librement entre les deux pays, la France qu’ils ont servie et l’Algérie qu’ils ont trahie.
Comment les victimes et les descendants des victimes de leurs exactions, de leur collaboration avec l’ennemi, de leur trahison de la patrie vont-ils réagir et comment vont-ils les accueillir et partager avec eux une vie commune ?
Une concession de cette ampleur ne va-t-elle pas ouvrir la voie à d’autres plus importantes encore et plus sensibles, comme la demande de restitution de «leurs» biens, qui appellera logiquement la demande de restitution des biens des colons français ? N’est-ce pas là ce pourquoi le peuple algérien s’est battu pour restituer ses terres confisquées par ces mêmes colons venus dans le sillage des bottes de l’armée d’occupation coloniale française ?
Sur le plan psychologique, cette concession ne va-t-elle pas raviver des blessures encore ouvertes et figées dans l’inconscient individuel et collectif des Algériens, pour les porter à leur paroxysme, en exacerbant encore plus les souffrances mémorielles de leurs victimes ?
Les Algériens, qui ont du mal à assumer la libre circulation des terroristes islamistes des GIA de la décennie sanglante des années 1990-2000, vont-ils pouvoir supporter une charge supplémentaire sur les souffrances que leur inflige déjà la vue des criminels islamistes ayant retrouvé leur liberté dans l’impunité ?
Autant de questions qui ne semblent pas encore avoir pu trouver des hommes et des femmes à la hauteur de leur gravité et de leur dangerosité pour pouvoir trouver les réponses susceptibles d’apaiser et de réconcilier les relations entre les deux peuples algérien et français.
A la lumière du rapport de Benjamin Stora, censé proposer des recommandations pour réconcilier les mémoires entre les deux peuples, l’on comprend que la France n’est pas encore assez mûre pour affronter son passé obscur et recevoir un franc-parler induit par tant de déceptions amères et regrettables soixante ans après la résolution du conflit colonial qui l’opposait à son ancienne victime. Un franc-parler qui ne fait sans doute que l’effet, sur une France noyée dans un orgueil démesuré, d’un vent de sable qui viendrait secouer la crasseuse couche de déni et d’amnésie qui enveloppe son inconscient embourbé dans un océan de sang de braves Algériens ayant résisté à sa barbarie coloniale les mains nues et, qui plus est, en ayant obtenu gain de cause, faisant s’effondrer l’empire, vaciller la République et balayer à jamais le monstre colonialiste qui soumettait avec effronterie et arrogance meurtrière tous les «damnés de la terre».
Y. B.
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