Lamamra au Caire, à Addis-Abeba et à Khartoum : désamorcer la bombe du Nil
Par Mohamed K. – Le ministre des Affaires étrangères se rendra en Egypte, en Ethiopie et au Soudan, a-t-on appris de sources autorisées. Ramtane Lamamra devra discuter avec ses interlocuteurs de la grave crise du grand barrage de la Renaissance qui a provoqué un conflit entre les trois pays, depuis le lancement du projet. Des discussions avaient été entamées sous l’égide de l’Union africaine, mais elles n’ont pas permis de parvenir à un accord tripartite sur le remplissage du barrage et sur les modalités d’opérations de retenues d’eau.
L’Egypte a porté l’affaire devant la Ligue arabe et a demandé un arbitrage des Etats-Unis, avant de recourir au Conseil de sécurité de l’ONU pour pousser l’Ethiopie à sursoir au remplissage du barrage de la discorde. Le Conseil de sécurité a examiné la question et déterminé que l’Union africaine était la plus habilitée à traiter de ce contentieux qui risque de provoquer une déflagration dans la région, d’autant que les autorités éthiopiennes ont mal pris la démarche du Caire, en estimant que celle-ci était «inutile».
L’Egypte revendique un droit sur le Nil au titre d’un traité de 1929, qui lui confère un droit de veto sur tout projet de construction sur le fleuve. Un autre traité de 1959 porte à 66% la part de l’Egypte sur les eaux du Nil et à 22% celle du Soudan, alors que l’Ethiopie n’est pas partie prenante de ces traités et considère qu’elle n’est pas tenue par leurs dispositions.
Le second remplissage du barrage a mis le feu aux poudres après que le gouvernement éthiopien eut rejeté toutes les propositions avancées par Le Caire. L’accord de principe signé en 2015 par l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie a volé en éclats. Il concernait la répartition de l’eau du Nil et l’exploitation du barrage de la Renaissance. Les trois pays avaient alors décidé de faire appel à un groupe de recherche scientifique indépendant pour évaluer les incidences environnementales des calendriers de construction proposés par ces pays.
En 2017, le ministre égyptien des Affaires étrangères s’est rendu à Addis-Abeba «afin de faire avancer les négociations» et débloquer la situation. L’Egypte cherchait à exclure le Soudan des pourparlers et voulait impliquer la Banque mondiale comme «médiateur neutre» dans le conflit. Une visite du Premier ministre éthiopien au Caire était censée aboutir à un «assouplissement» de la position des deux pays, mais l’Ethiopie a refusé l’arbitrage de la Banque mondiale parce que cette institution financière avait refusé de financer la construction du barrage.
Une réunion ayant duré seize longues heures tenue à Khartoum entre les trois pays concernés a échoué, l’Egypte voulant étendre son hégémonie sur la région et l’Ethiopie considérant son barrage comme un symbole de fierté nationale. Toutes les négociations ont abouti à une impasse, au moment où l’Ethiopie vient d’annoncer, ce 22 juillet, avoir «atteint le niveau de remplissage du barrage prévu pour la première année d’exploitation».
Sachant que les eaux venues des plateaux éthiopiens représentent 86% de l’eau consommée en Egypte et 95% en période de crue et que, à lui seul, le Nil bleu fournit 59% du débit du Nil, la mission de Ramtane Lamamra dans cette guerre [froide] de l’eau n’est pas une sinécure. Réussira-t-il à faire taire les bruits de bottes dans cette partie de l’Afrique ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
M. K.
Comment (16)