Dominique Sopo : «Eric Zemmour a la nostalgie de l’Algérie perdue !»
Par Nabil D. – Le président de SOS Racisme a diagnostiqué chez Eric Zemmour une «nostalgie de l’Algérie perdue». «Derrière la haine raciste de ce polémiste et candidat à la présidentielle française de 2022 […] se cache une revanche qu’il a juré de prendre sur l’Algérie, celle que ses parents ont dû quitter», écrit, en effet, Dominique Sopo dans une tribune parue dans Jeune Afrique. «Il est sans doute impossible de comprendre le personnage et la spectaculaire haine raciste qui l’anime si l’on élude une vérité qui me semble aveuglante : cet homme qui fait mine d’être motivé par la défense de la grandeur de la France n’est mu en réalité que par la seule Algérie que ses parents ont dû quitter et à l’encontre de laquelle il a juré de porter une revanche que ses parents ne lui ont sans doute jamais demandé de prendre», explique-t-il.
«Zemmour se déclare d’ailleurs juif berbère et parle volontiers de cette terre où sont enterrés des ancêtres dont les plus récents sont vus comme le produit conjugué de la conquête de l’Algérie par la France (dont il défend même les crimes les plus ignobles, ceux perpétrés sous la férule du général Bugeaud), du décret Crémieux (qui donna la citoyenneté française aux juifs d’Algérie) et d’efforts d’assimilation. Des efforts qui, dans sa vision du monde, offrent un utile contrepoint à l’attitude de ces Arabo-musulmans qu’il présente comme marqués, aujourd’hui en France, par le refus d’une pleine adhésion au pays», souligne l’ancien militant du Parti socialiste, selon lequel il faut sans doute voir dans ce racisme pathologique de Zemmour les «multiples revanches» qu’il «semble vouloir prendre plus généralement sur […] l’Algérie, toujours l’Algérie» !
Dominique Sopo fait remarquer que le premier meeting d’Eric Zemmour en tant que candidat à l’élection présidentielle française s’est tenu un 5 décembre, «date de la très officielle Journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la Guerre d’Algérie […]», souligne-t-il, en notant que le candidat à l’Elysée est «manifestement traumatisé par le déracinement familial». Il décrit un homme «dont la posture raciste est une protestation contre lui-même». «Premier de sa famille à être né sur le sol métropolitain, explique l’auteur de La Grande Peur des belles âmes, Eric Zemmour essaie d’embringuer les Français les plus racistes dans la haine des Arabes qu’il partage avec eux en se posant en gardien légitime de l’histoire de France.»
Mais «tout cela finira mal pour lui», prédit le président de SOS Racisme, qui se dit convaincu que Zemmour en est pleinement conscient. «Car, pour une partie substantielle des élites intellectuelles et économiques qui le soutiennent et chez qui il a fait remonter la tourbe trop longtemps enfouie de leur racisme, il ne sera jamais qu’un juif venu d’Algérie, ce qui est fort peu chez ces gens», argumente-t-il, en décelant chez lui une volonté inavouée de «conjurer cette réalité» qui est une «raison supplémentaire pour se réfugier dans le décor dessiné par des livres d’histoire depuis longtemps recouverts d’une épaisse couche de poussière et d’y jouer le rôle de personnages sortis de romans d’antan».
«L’on aurait tort de prendre cet homme à la légère car son projet politique est effrayant», met en garde Dominique Sopo, pour lequel «la France sous Zemmour [est une] fable dystopique»(*), en ce qu’il promet aux Français que, lui président, il les «sauvera en sacrifiant les étrangers», comprendre «les descendants, fussent-ils français, des hommes et des femmes qui brisèrent le joug colonial en Algérie et, au-delà, dans nos anciennes colonies d’Afrique», conclut ce fils d’immigré togolais.
N. D.
(*) Récit de fiction qui décrit un monde utopique sombre.
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