Quand Fekete appelait l’Algérie à rapatrier ses dollars et son or en danger
Par Abdelkader S. – Les sanctions imposées par les Etats occidentaux à la Russie ont le mérite de révéler la vulnérabilité monétaire des pays qui refusent de se soumettre à leur ordre hégémonique. De plus en plus d’experts mettent en exergue la nécessité pour les Etats d’asseoir une souveraineté financière et monétaire en s’extrayant de l’obligation de paiement en devises autres que la monnaie nationale. «L’Algérie, comme tout autre pays, assumera les conséquences de la folie qui consiste à déposer son argent dans des comptes en dollars dans des banques relevant de la juridiction de gouvernements étrangers», mettait en garde le professeur Antal Fekete à Algeriepatriotique, en affirmant que les réserves d’or et d’argent de l’Algérie étaient «en danger».
A la question de savoir si, avec des réserves de change avoisinant les 200 milliards de dollars [à la date de l’interview, en 2013] l’Algérie était à l’abri de la crise ou, au contraire, elle risquait de faire les frais du dépôt de ses avoirs dans les banques étrangères, le critique de l’actuel système financier, décédé en 2020, répondait que notre pays «est très vulnérable à plusieurs égards». «En plus du risque qui pèse sur ses réserves de change, au regard notamment de la politique déclarée des Etats-Unis visant à abaisser la valeur internationale du dollar, il y a aussi le risque lié au taux d’intérêt dans la mesure où les réserves algériennes sont investies dans le papier (fiduciaire) du Trésor américain. Quand les taux d’intérêt augmentent, la valeur des bons du Trésor américain s’effondreront. Ces pertes s’ajoutent à celles déjà liées à la valeur du dollar elle-même», expliquait-il.
Le mathématicien partisan de l’étalon-or faisait savoir qu’«il y a toujours un risque à garder les réserves en or d’un pays à l’étranger». «Les gouvernements étrangers, soulignait-il, pourraient faire prévaloir un cas de force majeure et refuser de restituer l’or», donnant l’exemple des Etats-Unis qui ont refusé à plusieurs occasions de restituer l’or appartenant à des gouvernements étrangers. «Les vols étaient justifiés en invoquant la loi sur le commerce avec l’ennemi», ajoutait-il, en indiquant que le rapatriement [de l’or] «est la meilleure décision à prendre». «Il serait sage de rapatrier les réserves d’or algériennes d’abord. De même qu’il serait sage de convertir les 200 milliards de dollars de réserves de change du pays en lingots d’or avant d’ouvrir l’or à la frappe libre de la monnaie. Si l’or n’est pas disponible en quantité suffisante, les réserves minières d’or et d’argent peuvent servir comme proxy – intermédiaire», précisait-il.
Les propos du défunt Antal Fekete sont d’une brûlante actualité, onze ans après l’interview qu’il avait accordée à notre site. Les différentes saisies décidées par les dirigeants occidentaux en représailles à l’intervention militaire russe en Ukraine traduisent l’impunité que ceux-ci s’accordent dans le cadre de l’ordre mondial qu’ils ont imposé à l’ensemble de la communauté internationale, sous plusieurs couverts. Opposé à cette dictature financière, le savant hongrois suggérait de mettre en place un système de compensation des dispositifs d’or de sorte que les pays commerçants commencent à payer leurs importations en établissant des factures en monnaie algérienne, par exemple, comme cela se faisait au XIXe siècle lorsque les fractures étaient établies en monnaie londonienne.
Pour lui, l’ouverture par chaque pays de son or à la libre frappe de la monnaie éloignerait les prédateurs. «Le seul moyen pour ceux qui gèrent le dollar de faire échouer cette démarche serait d’ouvrir l’or américain à la frappe libre de la monnaie également», avait-il dit. «En d’autres termes, le dollar devra être ramené au standard-or aussi», avait-il poursuivi en prédisant que «les impérialistes du dollar seraient impuissants face à une telle démarche car «ouvrir l’or à la libre frappe de la monnaie serait une heure de gloire» pour les pays qui le décideraient.
«L’idée que les pays soient libres de choisir quelle monnaie ils doivent accepter ou refuser en échange de biens ou de services réels est trop dangereuse et trop contagieuse, et représente donc une menace pour le confort des Américains. Ces derniers ont beaucoup à perdre si la communauté mondiale se passait du dollar», a encore expliqué Antal Fekete selon lequel «le financement du commerce mondial par l’établissement des factures à échéance en or au lieu et place du dollar avec la mention je ne vous dois rien est une idée qu’il est temps de mettre en pratique».
Interrogé sur ses prédictions sur l’effondrement économique mondial qui n’avait pas eu lieu, Antal Fekete avait répondu : «Vous n’avez encore rien vu !»
A. S.
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