Enquête – Suicide d’élèves à cause de l’échec scolaire : la cote d’alerte atteinte

Le suicide chez les enfants prend de plus en plus d'ampleur. Archives/ New Press

Une enquête de Kahina Bencheikh El-Hocine – Ramadhan passé, une fille de 13 ans s’est jetée du 19e étage d’un bâtiment de la rue Krim-Belkacem (ex-Télemly), Alger-Centre. Elle est morte sur le coup.

Le 26 de ce mois de juin, c’est une autre fille qui se jette du 9e étage d’un bâtiment, à la nouvelle ville de Sidi Abdellah. Elle décède lors de son transport à l’hôpital. Le suicide de ces deux filles a un lien direct : les résultats scolaires. Pour celles qui ne passent pas à l’acte, elles se réfugient dans la drogue ou fuguent carrément de chez elles.

La psychologie nous dira que le suicide est un phénomène social normal, régulier, que l’on retrouve dans la plupart des sociétés. Seulement, le suicide de si jeunes enfants à cause d’une mauvaise moyenne ou d’un échec à un examen suscite l’inquiétude des parents.

Pour essayer de bien comprendre et prévoir les causes premières de cet inquiétant phénomène, Algeriepatriotique a sollicité l’analyse du docteur Lamia Ladjouzi, psychiatre au Centre de diagnostic et de dépistage précoce d’Alger (CDDS  Port), laquelle a indiqué que «ce phénomène est devenu fréquent, probablement à cause de la télévision», mais, «l’origine principale est la peur des parents, la punition et l’humiliation», a-t-elle insisté, en expliquant que «pour ces adolescents, se suicider n’est qu’un pas sans connaître le fond et le palpable de l’acte. Cela ressemble aux jeux des téléphones pour eux».

Pour docteur Ladjouzi, «c’est une aberration le fait de donner des 19 de moyenne. On exige l’excellence alors que le niveau est nul !» a-t-elle asséné en pointant du doigt la société, laquelle société «a une part de responsabilité dans ce qui se passe».

Des témoignages concordants récoltés par nos soins concernant l’adolescente qui s’est suicidée au Télemly ont affirmé que le père de la victime, qui passait de l’humiliation à l’insulte en cas de mauvaises notes, lui mettait une pression énorme.

Des parents nous expliquent : «Les parents veulent à tout prix que leurs enfants réussissent. Mais oublient le côté psychologique. Il y a aussi la charge du programme. Les parents travaillent avec leurs enfants, ils s’attendent donc à de meilleurs résultats. Il y a un conflit permanent entre parents et enfants parce que le parent révise avec son enfant.»

Pourquoi les parents ont-ils perdu les notions les plus simples dans l’éducation de leurs enfants ? La plupart perdent patience devant des résultats moyens de leurs mômes, privilégient les insultes et l’humiliation au lieu d’établir une communication rassurante et non violente. Une réalité amère qui s’impose à nous de nos jours : c’est le parent qui passe l’examen. Par conséquent, la pression est sur les deux.

L’exigence des parents n’est pas la seule en cause. Il y a aussi le milieu scolaire. Quelle est la part de responsabilité de l’école dans ces drames ? Des parents d’élèves se sont plaints du manque flagrant d’encadrement dans les écoles, aussi bien des enseignants que des psychologues scolaires. Ces derniers pouvant mettre des suivis psychologiques des élèves, de leurs parents et des enseignants aussi.

Le docteur Ladjouzi a estimé qu’«il y a un manque d’éducation psychologique dans nos écoles». «Après, est-ce qu’il y a des psychologues dans chaque établissement ? Font-ils leur travail ? Je ne sais pas», s’est-elle demandée tout en préconisant de «revoir tout le système des examens».

Le suicide d’élèves suscite des débats sur les réseaux sociaux et les impressions de ce sujet qui inquiète plus d’un convergent dans le même sens. Algeriepatriotique a organisé, en partenariat avec un groupe sur Facebook, un débat sur cette question angoissante pour tirer la sonnette d’alarme.

«Ce que font ces parents est très dangereux pour la santé mentale des enfants car ils ne savent pas ce qui se trame dans leur petite tête ; manque de confiance en soi, manque d’estime, manque d’affection puisque tout cela est directement rattaché aux résultats. C’est sûr qu’il faut faire attention à la scolarité de nos enfants puisque notre école est défaillante mais sans hystérie !» recommande une maman.

Une autre abonde dans le même sens et trouve que «c’est un problème grave qui est, à mon sens, aussi important que le phénomène de la harga. Le suicide des enfants doit être pris sérieusement en considération car, au-delà de l’acte lui-même, ce sont les fondamentaux de toute une société qui doivent être revus : le système scolaire, le milieu familial, le regard des autres, etc. L’enfant doit étudier pour lui-même et selon ses capacités et pour aucune autre raison».

Une enseignante a fait part de son expérience et, selon elle, «la responsabilité incombe aux parents en premier lieu car il est vrai que le système scolaire exige une moyenne de 10 pour le passage mais, eux, ils renforcent cela en exigeant la note supérieure. On n’apprend pas à l’enfant que l’échec n’est pas une fatalité. Au contraire, il y a des parents qui dépriment et même décèdent. Les valeurs ont changé dans la société. L’enfant a besoin d’amour, d’intérêt pour lui-même et non pas pour ce qu’il pourrait être ou faire. Le monde n’est pas fait que de médecins. Heureusement. Sinon qui réparerait la machine à laver ? Accompagnez-les, soyez là pour eux, ne les jugez pas. C’est normal que nous soyons différents. N’essayez pas d’en faire des génies alors qu’ils ne le sont pas et surtout que vous n’avez pas pu l’être vous-mêmes.»

Ces deux suicides sont loin d’être deux cas isolés. Les autorités du pays doivent se pencher sérieusement sur ce sujet et le ministère de l’Education nationale doit revoir sa copie afin de soutenir et protéger l’enfant psychologiquement. L’école doit penser une politique éducative qui puisse protéger l’élève de parents obsédés par la réussite scolaire et stopper leur pression sur leurs enfants. Des parents qui, sous prétexte de leur avoir payé des cours de soutien, deviennent insultants et violents avec leurs enfants. On assiste depuis quelques années à une véritable compétition entre parents de qui l’enfant a obtenu la meilleure moyenne et dont nous connaissons les conséquences aujourd’hui.

La sonnette d’alarme est tirée et les parents doivent prendre conscience que la pression subie par l’enfant conduit, parfois, au drame.

K. B. El. H.

 

Comment (9)

    CREUSE ENCORE
    30 juin 2022 - 10 h 23 min

    La photo de l’article est significative: Elle montre montre combien les responables sont vraiement « responsables »: Comment laisser un trou dansgereux pareil dns lequel des enfants pourront tomber et mourir ? En gros, ceux qui ont laissé ce trou ouvert sans signalement et sans protection tout autour ont bien choisi l’endroit ou afficher les résultats ! Les eleves vont trouver leurs résultats dans un gouffre. Pourquoi tout le monde est si stupide et aveugle est un puzzle pour moi. Pourquoi personne ne regarde autour de lui pour pnser un peu aux autres ?

    CREUSE ENCORE
    30 juin 2022 - 10 h 18 min

    Donnez moi le résultat obtenu quand on étudie dans tout le primaire et tout le secondaire en arabe pour aller a la fin finir a l’unversité en francais ! Quel est le but de tout cela ? Et pourtant toute langue bien maitrisée est un butin de guerre. Et pourtant tout les étudiants finissent en majorité en france apres une demande de visa d’études. Vous ne pensez pas que tout ce qui se passe dans l’éducation n’a ni queue et ni tete ? Zamma si un algérien parle chinois ou swahili, il n’est plus algérien ? C’est quoi toutes ces contradictions ? Le nationalisme on l’a dans le coeur et tout ce qui est bénéfique pour le pays est le bienvenu. Le reste on peut jaser politiquement sur tout mais on n’avancera jamais. On a vu tous ces voleurs dont la plupart en prison qui parlaient l’arabe classique et embrassaient le drapeau alors qu’ils détruisaient l’économie du pays en silence.

    Brahms
    30 juin 2022 - 4 h 01 min

    L’échec scolaire,

    Cela vient souvent du cadre de vie de l’enfant. Pour qu’un enfant réussisse à l’école, il faut que les parents protègent leurs enfants et y mettent les moyens (chambre, ordinateur, livres, suivi de l’enfant) et le père doit jouer son rôle en expliquant à son enfant, les enjeux de la vie.

    Il y a également les fréquentations.

    Or, en Algérie vous voyez des enfants qui trainent dans les rues à jouer du matin au soir sans que les parents ne pensent un instant que les années de perdues ne se rattraperont plus.

    Il y a enfin l’alimentation qui joue un rôle important où il faut des repas complet avec beaucoup de poissons pour que le cerveau de l’enfant puisse se développer et que l’apprentissage s’assimile vite et bien.

    En outre, les parents font très souvent une erreur en racontant leurs problèmes personnels à leurs enfants ce qui sera très mauvais dans leurs développements car l’enfant va alors accumuler des blocages d’énergies, des complexes, des gênes, il n’arrivera pas à devenir quelqu’un, à s’affirmer dans la vie.

    Je dis toujours, on fait un enfant, si on n’est capable de l’éduquer pour en faire un champion dans un domaine précis sinon ce n’est pas la peine surtout si le couple n’a pas de moyen matériel et financier.

      Anonyme
      30 juin 2022 - 13 h 31 min

      le docteur a résumé très bien la situation  » on exige des 19 sur 20 alors que le niveau est nul »
      savoir s accepter avec ses échecs est une qualité énorme. eux , ils mentent sans arrêt et friment.
      c est un sport national en Algérie de mentir.
      le jour où l algerie s acceptera, elle verra ses défauts et s améliorera. mais là, c est aussi la mentalité qu’ il faut changer.

      Anonyme
      1 juillet 2022 - 0 h 37 min

      Avant tout l’enfant a besoin d’affection et d’un environnement saint. Point barre

      Anonyme
      1 juillet 2022 - 0 h 58 min

      Selon votre résonnement, le pauvre n’a pas le droit d’avoir des enfants et la réussite est réservée uniquement pour les enfants aisés !?
      Personnellement, je pense qu’un enfant peut réussir pauvre ou riche. A savoir l’enfant pauvre n’est pas moins doté en intelligence que le riche, certes, il moins d’argent, donc moins de matériel, mais pas moins d’intelligence ni de volonté.
      Pour moi, l’enfant a besoin d’écoute, d’affection et d’un environnement saint afin de pouvoir grandir et se construire sur des bases solides.
      Amicalement

    Anonyme
    29 juin 2022 - 20 h 37 min

    Un suicide généralement ça s explique pas et pour n importe qui même pas une question d âge. Perso je peux me tromper mais c est très rare que de jeunes élèves de cet âge se suicident pour l échec scolaire mais plutôt pour les sévices les menaces l harcèlement les moqueries à l école et srtt par Internet portable ect . Il faut faire des campagnes de préventions et d informations par l éducation nationale la police et gendarmerie et tt les pouvoirs publiques et les parents d élèves doivent représenter tt ces élèves algériens ds ces écoles. Nous empêcheront jamais le suicide mais nous pouvons sauver ensembles des vies et ceux sont nos enfants. L état doit prendre ces choses aux sérieux et accompagner les écoles collèges et lycées et srtt les élèves dont l état en a la charge pdt leur scolarité auquel on confie nos enfants pdt leurs cours . À l école professeurs élèves directeurs parents d élèves vous êtes tous ds le même bateau et qu un prof n est pas la juste pour enseigner mais pour protéger ces élèves et lui même en étant l adulte et l autorité. Tt ça accompagner par les pouvoirs publics et chacun doit être ds son rôle mais travailler ensemble pour trouver des alternatives pour ctrer ces incidents scolaires. Le suicide c’est plus compliqué que ça par compte mais il y a des signes qui ne trompent pas sur les élèves et vos propres enfants alors soyez attentifs et faites les Parler sans les y obliger seulmt avec tacts. Ils en ont besoin mais ne vous le dirons jamais et ne vous le demanderons jamais, c est comme ça , à vous adultes d observer et de prendre du temps avec eux sans les bloquer. Voilà j’ ai fini mais c est triste quoi et ça me tue perso de voir des enfants se bouziller comme ça ! J en veux un peu à ce monde pourri qu on laisse à nos gosses.Désolé mais c’est la vérité aussi et on a forcément une responsabilité nous les adultes.

    Samy
    29 juin 2022 - 19 h 36 min

    L’échec à un examen n’est pas un drame à bien y regarder.Parfois des élèves ayant travaillé régulièrement pendant l’année scolaire échouent à un examen et ce n’est pas la fin du monde.L’essentiel c’est de travailler et de retenir la leçon de l’échec et toujours positiver quoi qu’il arrive.Les parents doivent comprendre cela et ne pas mettre la pression sur leurs enfants ni demander l’impossible.Les parents des deux filles du Telemly et de Sidi Abdallah qui se sont suicidées doivent amèrement le regretter s’ils ont mis trop de pression sur leurs enfants.L’échec à un examen ou une mauvaise note ne doivent pas être vécus comme un drame mais comme une leçon pour plus de travail et d’efforts pour réussir honnêtement plus tard.

    anonyme
    29 juin 2022 - 15 h 46 min

    Malheureusement on évoque pas souvent ces sujets
    La société est gravement malade et menacée : crimes , suicides , corruption, drogues et bien d’autres féaux ont fait leur apparition chez nous , des maux qui était autre fois nuls chez nous
    l’avenement d’internet y est pour beaucoup

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