Macron, passé, Ukraine, UE, putschs : ce que Lamamra a dit aux Français
Par Nabil D. – Le ministre des Affaires étrangères a fait le tour de la situation géopolitique actuelle dans un entretien qu’il a accordé au journal français L’Opinion, à l’occasion du déplacement de la Première ministre française, Elisabeth Borne, à Alger, accompagnée d’une forte délégation composée de pas moins de seize ministres.
Ramtane Lamamra a été franc, tout en ne s’éloignant pas du langage diplomatique à lire, toutefois, en filigrane pour saisir les messages implicites qu’il adresse aux Français, à commencer par la récente visite du président Emmanuel Macron en Algérie, qui «a permis de faire un diagnostic sans complaisance de la relation et des difficultés». «Les deux Présidents se sont compris et bien compris», a-t-il souligné, en ajoutant qu’«il est attendu de tous les acteurs un engagement conséquent».
«C’était un moment fort avec beaucoup de réalisme et de responsabilité», a insisté le chef de la diplomatie selon lequel le souci de l’Algérie «est de préserver la relation afin que les sujets irritants ne puissent plus dégénérer en crise». Lamamra a expliqué qu’«au-delà des déclarations», Alger et Paris avaient «besoin de tirer les enseignements de la manière dont nos liens ont été mis à rude épreuve».
Abordant la question du contentieux mémoriel, il a indiqué que l’Algérie «assume» ses «droits et devoirs envers l’ex-puissance coloniale» et demeure «ouverte à toutes les opportunités de partenariat, de l’exploitation des ressources naturelles dans l’optique d’un développement technologique aux aspects géopolitique et énergétique».
Appelant à «agir dans l’équilibre et l’harmonie» des intérêts des deux pays, Ramtane Lamamra a néanmoins dressé un bilan négatif de l’Accord d’association avec l’Union européenne qui «n’a pas tenu ses promesses». «Lors des négociations initiales de cet accord, l’UE n’a pas voulu tenir compte de la volonté algérienne de remettre à niveau son industrie, au sortir de la décennie noire», a-t-il fait constater. «On espérait pourtant établir une relation stratégique mais l’instrument produit n’est pas à la hauteur de cette ambition et son application n’a pas permis de mettre l’Algérie à l’abri des nombreuses formes de protectionnisme déguisé, même s’il y a un accord de libre-échange», a expliqué le ministre des Affaires étrangères, pour lequel cet accord «n’a pas permis non plus de recueillir l’afflux d’investissements espéré au bénéfice d’un codéveloppement».
Au sujet de la guerre en Ukraine, Ramtane Lamamra a fait part du besoin que le monde ressent pour le retour aux «valeurs et pratiques des pays non alignés comme l’Algérie». «Nous avons toujours gardé cette rectitude, y compris dans les pires moments de la Guerre froide», a-t-il précisé, en estimant que «le rapport de force ne peut engendrer qu’une solution injuste, non équilibrée et non durable» et qu’il faut «résister à l’option militaire». «Nous faisons en sorte de ne pas nous laisser entraîner dans des décisions et des phénomènes qui nous échappent, en soutenant des principes et une attitude de neutralité pour contribuer à un assainissement politique de la situation», a encore dit Ramtane Lamamra, en réponse à une question sur les sanctions imposées par l’Occident à la Russie. «Les conséquences de ce conflit sont lourdes sur tous les plans. Elles peuvent être catastrophiques si la situation dégénère sur le terrain», a-t-il mis en garde.
Le ministre des Affaires étrangères a, enfin, pointé «les échecs des classes politiques successives» en Afrique, «qui expliquent, sans les justifier, les problèmes de changements de gouvernants». «Il faut éviter la contagion à l’ensemble des pays», a-t-il préconisé, en affirmant que «de toute évidence, le Sahel est à un moment déterminant de l’évolution de son histoire», allusion à la volonté exprimée par les pays de l’Afrique subsaharienne de s’affranchir de la tutelle française. «Il y a la nécessité de repenser les contributions des acteurs internationaux au niveau de la région. Incontestablement, il y a aussi besoin d’actualiser le logiciel d’aide de la communauté internationale pour aller au-delà du militaire», a-t-il conclu.
N. D.
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