Algérie : les langues, l’idéologie et la géopolitique

langues préjugés
L'ignorance de l'histoire des langues a débouché sur des préjugés. D. R.

Une contribution d’Ali Akika – Avant d’aborder le sujet des langues du pays malmenées par certains idéologues ou soumises à la géopolitique que certains pays utilisent pour amener leurs victimes dans leur giron, voici l’extrait d’un texte que j’ai écrit pour prendre la défense les langues populaires.

Le mot hasard, d’origine arabe, signifie chance (au jeu). Mais ce mot, en échouant sur les rives de la langue française, a été emporté par les tourbillons de la langue de Molière. Il a été habillé d’un autre sens en devenant hasard, synonyme d’inattendu, de surprise, comme si la langue qui l’adoptait avait trouvé un mot pour combler une lacune ou bien pour ne pas tomber dans le ridicule, en assimilant le sens originel de chance en arabe à une sorte de main invisible d’une divinité ; en un mot, un mystère inaccessible à la raison. Les mots sont de précieux auxiliaires qui proposent leur aide pour se confronter à l’énigme de l’étrangeté de lieux de nulle part. Les mots n’abandonnent pas ceux qui les respectent. Ils révèlent en revanche le manque de goût des goujats qui infligent au style et à la grammaire leur paresse ou leur inculture. D’où la nécessité d’identifier des idées ou des certitudes qui s’évaporent aussi vite que des volutes de fumée. Il est préférable, alors, de dénicher les mots qui zigzaguent au milieu des récifs pour se rapprocher des rivages propices à la fertilité et à la densité de nouvelles ivresses.

C’est au théâtre, cet art propice à la tragédie, né nullement par hasard dans la Grèce antique, pépinière des philosophes, que les mots sont bien traités. Et ce n’est pas par hasard, une fois de plus, que le théâtre a survécu aux tumultes de l’histoire par la grâce du sens original du mot chance qui signifie dans la langue mère un concours de facteurs travaillés par l’homme pour résoudre les mystères rencontrés sur son chemin. Que de chance d’avoir doté les hommes d’un si précieux trésor !

Il ne faut pas être nécessairement historien des langues pour savoir que celles-ci, hélas, peuvent se perdre et mourir. Mais par bonheur, il leur arrive d’échapper à ce funeste destin dans des sociétés qui subissent les malédictions de l’histoire. Car une langue, les langues sont des fruits de l’histoire et celle-ci n’y peut rien si ses utilisateurs ne les protègent pas ou ne les irriguent point de sang nouveau. La langue est devenue un trésor au même titre que l’eau et l’air. Oui un trésor car elle n’est pas simplement un outil de communication mais une immense grange qui abrite tant d’autres choses qui ont permis à l’homme de sortir de sa jungle pour comprendre, cultiver, transformer le vaste monde. Transformer, c’est le verbe utilisé par le savant chimiste Lavoisier qui nous apprend que tout se transforme dans notre monde. Et les langues qui ont échappé à la calamiteuse fatalité du destin citée précédemment ont dû leur sauvetage à son utilisation quotidienne et ce, dans tous les domaines de la vie. Et cette pratique a permis de faire des sauts qualitatifs en passant de la parole à l’écrit. Une dernière chose à dire sur la langue, celle-ci n’est pas constituée de matière comme celle sur laquelle a travaillé le chimiste Lavoisier. Elle est une abstraction comme les mots qui la nourrissent et la font fonctionner. Les mathématiques sont aussi des abstractions qui, à l’aide de lettres et de chiffres, aident les autres sciences à percer tant de mystères. Cette petite introduction, parsemée de notions, résume grosso modo les secrets de l’histoire et les qualités des langues.

Ainsi, l’ignorance de l’histoire ou la mauvaise compréhension des notions autour des langues a débouché, hélas, sur des préjugés qui ravalent certaines langues au statut de simples dialectes ou patois. Ces mauvais ou malsains esprits oublient tout bonnement que les langues qu’ils méprisent ont acquis leur titre de noblesse dans les sociétés qui ont jeté dans les caniveaux les préjugés en question. Comment ? En s’ouvrant à leur environnement et en adoptant, quand c’est nécessaire, les mots, les langages, les expressions du voisinage. En empruntant des chemins tortueux, l’homme a fini par se poser des questions, autres que les besoins élémentaires de sa survie, se nourrir et se défendre contre l’hostilité de la nature. La sortie du processus de cette lointaine préhistoire a engendré chez l’homme, grâce à la langue, d’autres préoccupations, notamment les angoisses de la vie et les plaisirs de l’esprit. Et les œuvres de l’esprit qui nous sont parvenues depuis l’aube de l’Humanité sont matérialisées par le dessin, la peinture et l’écriture, et la science a fait le reste en enrichissant les moyens des représentations artistiques.

Comment l’Algérie, une fois redevenue souveraine après la brutale et noire séquence coloniale, comment a-t-elle fait face aux langues qui sont un des éléments constitutifs de la personnalité de la société algérienne ? On se souvient de l’introduction de la langue arabe dans l’enseignement puis l’arabisation de l’administration. La langue amazighe, quelque cinquante après l’indépendance, fut aussi introduite dans les régions amazighes. Quoi de plus normal qu’un pays se réapproprie sa ou ses langues ? Le hic, c’est que l’idéologie mal définie et mal digérée est démunie face à pareille aventure où les moyens humains, technico-pédagogiques, sans oublier l’invisible et grand acteur appelé Temps. (Spinoza parle de l’impuissance de l’homme devant l’écoulement du temps.) Ainsi, au lieu de penser l’architecture de la langue dans sa relation avec le temps, comme la planification des ressources et des objectifs en économie, mais aussi le rôle du facteur temps dans la guerre (on voit les déboires de certains en ce moment en Ukraine), nos idéologues à nous ont fait perdre un temps précieux en opposant langue «savante» et langues populaires. Une opposition imbécile et néfaste (1).

Ainsi, l’idéologie a désigné les langues populaires comme l’arabe algérien et le tamazigh comme des obstacles gênant l’arabe el fousha (arabe classique) comme si celle-ci, belle et riche par son vocabulaire, était menacée. Les hordes et la meute des colonisateurs qui ont déferlé aussi bien au Machreq qu’au Maghreb n’ont pas réussi à égratigner cette langue, adossée à la poésie d’abord et ensuite à la religion, a été une langue des sciences, et a fait découvrir aux ancêtres des futurs colonisateurs les lumières des philosophes de la Grèce antique (2). La thérapie de la surdose idéologique appliquée à l’arabisation a plutôt miné le chemin de l’architecture de l’arabisation évoquée plus haut. Elle a même servi à certains pour introduire leur vision du monde faite de charlatanisme, d’intolérance qui ne pouvait que perturber et fragiliser la société et notamment ses jeunes.

Quant à la géopolitique, d’aucuns s’en servent comme argument dans le choix des langues étrangères à enseigner dans nos écoles. La priorité et l’urgence sont de s’occuper des langues nationales pour qu’elles ne perdent pas pied devant d’autres langues dont les grandes puissances s’en servent pour vendre leur camelote/gadgets ou acheter les votes à l’ONU. Introduire l’étude des langues étrangères dans nos écoles, c’est autant de fenêtres sur le monde scientifique et artistique de la planète. Le monde que nous voyons se construire dans la guerre et contre les injustices offre des opportunités pour ne pas tomber sous les fourches caudines de puissances qui imposent leurs diktats. La sphère des sciences et des technologies n’est plus le privilège d’un pays, un continent, une «civilisation». Ainsi, le monde en devenir met sur la table des notions de solidarité jusque-là ignorée par l’arrogance des puissants. Le pays n’a pas à subir les jeux de la géopolitique, comme certains l’ont fait pour des raisons idéologiques. Il me semble évident que le pays ne doit pas ignorer son environnement géographique et culturel. Comme le pays est à la fois africain, arabe et méditerranéen, aujourd’hui comme hier, ces trois pôles géographiques sont présents dans le pays à travers l’histoire et la démographie.

Un mot pour conclure, la langue, les langues, n’oublions pas qu’elles sont un organe vivant. Les chérir et les tenir à distance des idéologues qui confondent le savoir, les connaissances, l’histoire avec le charlatanisme qui n’est que fuites en avant devant la complexité de la réalité.

A. A.

1- La langue arabe du Coran n’est pas que l’on sache en rupture ou en opposition avec la langue existante dans les tribus de l’Arabie de l’époque de l’islam. Cette langue d’une grande qualité a été immortalisée par les Mouâlaquate, les plus beaux poèmes de l’époque avant la naissance de l’islam.

2- On sait que l’Europe a d’abord connu Aristote par la traduction en langue arabe de ce grand philosophe.

Comment (19)

    Le Chat Botté
    29 juillet 2023 - 18 h 34 min

    Quand on se plait dans sa complaisance rien ne pourrait aboutir, n’est-ce-pas? Les enjeux concernant la langue spécialement Arabe a plusieurs avenues dont celle de la compréhension du CORAN.
    Le Célèbres prédicateur Cheikh Ramadan El-Bouti Rahimahou ALLAH avait noté dans un passage d’un verset Coranique que les Juifs connaissent mieux que quiconque le CORAN dans sa langue (Arabe):
    Par ce Verset Coranique: Ceux à qui nous avons envoyé le livre saint le connaissent mieux que leurs enfants et curieux comme il l’était s’étonnait du même coup comment un peuple de mécréants le lisent et le comprennent mieux que quiconque. Il s’en va donc vérifier le véracité de ce verset avec un Rabin dans une synagogue et le Rabin de lui expliquer que les juifs font des pieds et des mains pour éviter aux Tribus Arabes et autres de le comprendre parce qu’il y va de notre survie et le reste de l’humanité. Il n’a pas fait long feu en l’assassinant dans une mosquée à Damas. Donc il y a anguille sous roche.
    Le problème chez nous comme le faisait remarqué la célèbre écrivaine Algérienne dans son livre apparu en Grande Bretagne que le problème des arabo-musulmans et spécialement Algérien est plus culturelle que linguistique en faisant un parallèle entre les colonisations Françaises en Anglaises.
    Elle disait entre-autre que les français en envahissant un peuple/pays commencent par détruire sa culture avant toute chose avant de s’attaquer à leurs richesses contrairement aux Anglais eux qui se foutent de leurs cultures mais ce qui les intéressent c’est leurs richesses et leurs biens. Elle a reçu une montagne d’insultes de la part du gouvernement Franzi. Il y a juste qu’à voir les anciennes colonies Anglaises et Françaises, ceux qui ont émergé de leurs colonisations et ceux qui se battent encore jusqu’à ce jour pour sortir du gouffre que les colons les ont emprisonné Donc vous voyez l’ironie du sort.
    Quand on détruit la culture de tout un peuple il sera à la merci de n’importe quelle issue de sorti et toutes les voix de garages lui seront un tremplin pour sa survis. Un exemple des plus concret HAITI, le pays le plus pauvre de la planète et qui avait acquis son indépendance bien avant l’Algérie, le 1er pays à recouvrir son indépendance et jusqu’à dâte il se bat avec son dialect et patois à quémander les autres pour la survis de son pays.
    Comme le disait souvent El Marhoum; il ne faut pa que la langue Arabe ne devienne un outil de Théâtre et de poèmes à l’emporte pièce mais un garant levier pour l’émancipation d’un peuple tout en gardant sa culture ancestrale.
    À bon entendeur, Salut

      Lounes
      29 juillet 2023 - 23 h 37 min

      Rappelons que le cheikh Al-Bouti ainsi que plusieurs fidèles (qu’Allah leur fasse miséricorde) sont morts suite à un attentat et que le prédicateur de la haine Youssef Al-Qardaoui a une responsabilité morale dans ces lâches assassinats suite à ses nombreux appels aux meurtres durant le conflit syrien.

    Algérien Pur Et Dur
    27 juillet 2023 - 17 h 43 min

    Pourtant il suffit d’une seule “petite” chose pour mettre fin a toutes ces palabres sans fin: une toute “petite” analyse ADN au niveau de toute la population, pas seulement dans certaines régions, pour rétablir la part des choses ou mieux encore la vérité. Helas, je sais que par la grace d’un dicton qui fait d’ailleurs de nous les algériens que nous sommes, une espèce différente des autres, cette idée même appliquée ne fera pas son chemin: maaza oula taret dans son parler originale. Ce dicton, on le connait tous: maâza oula taret en derja ou ghât oula hafar dans la langue originale du dicton. Je sais que ça a été déjà fait mais seulement sur un echantillon. Moi je parle de toute la population. Echich!

    Texte stimulant car...
    27 juillet 2023 - 9 h 26 min

    … portant quelques contrevérités et approximations.
    Vous écrivez : « Que de chance d’avoir doté les hommes d’un si précieux trésor ! ». Pardonnez mon niveau peut-être insuffisant, mais je reste curieux de savoir qui a doté les hommes de ce trésor?
    Plus loin : « Car une langue, les langues sont des fruits de l’histoire et celle-ci n’y peut rien si ses utilisateurs ne les protègent pas ou ne les irriguent point de sang nouveau. » Parlez-vous des utilisateurs de l’histoire ou bien des langues?
    Pour contribuer à chérir un peu plus les mots, ce que vous essayez de faire avec raison comme tous les amoureux, le mot histoire est polysémique, a plusieurs sens, selon le lieu d’où l’on en parle : « à la fois l’étude et l’écriture des faits et des événements passés » selon l’académisme, puis praxis, activité quotidienne en interaction avec l’environnement selon d’autres.
    Par ailleurs, il semble difficile de prouver que la langue-mots- ou l’histoire, faits ou récit, puissent être « irriguées de sang ».
    Encore plus loin : « Une dernière chose à dire sur la langue, celle-ci n’est pas constituée de matière comme celle sur laquelle a travaillé le chimiste Lavoisier. Elle est une abstraction comme les mots qui la nourrissent et la font fonctionner. »
    Pardonnez à un amoureux des langues, comme vous l’êtes, de porter quelques précisions :
    1- La langue est d’abord un « organe du corps, charnu, musculeux, allongé et mobile, placé dans la bouche ».
    C’est-à-dire de la matière.
    Abstraction : si l’on décide de forcer un chouia sur l’abstraction, il faudrait la préciser avec le prédicat « concrète »; abstraction concrète car la langue est un organe dont sont dotés une multitude d’êtres vivants.
    Et il semblerait que c’est seulement dans ce cas que l’on puisse parler d’abstraction.
    2- Langue(s) : « système évolutif de signes linguistiques, vocaux, graphiques ou gestuels, qui permet la communication entre les individus ».
    La langue est constituée de mots, chaque mot est l’expression d’un objet concret ou d’une idée relevant de la seule pensée pure. Dans le premier cas les mots et la langue sont des outils d’abstraction d’objets réels, dans le second d’abstraction pure, de simples idées et seulement idées, donc fictives, sans réalité objective.
    3- Algérie, notre pays : vous posez la QUESTION qui doit l’être pour tous les domaines et merci à vous et à tous ceux qui osent le faire, ainsi qu’à ceux qui permettent que l’on puisse en débattre, car cela relève tout simplement de la nécessité.
    Votre question : « Comment l’Algérie, une fois redevenue souveraine après la brutale et noire séquence coloniale, comment a-t-elle fait face aux langues qui sont un des éléments constitutifs de la personnalité de la société algérienne ? »
    Vous apportez votre réponse, hélas courte, trop, mais je comprends que ce ne soit pas le lieu pour la développer.
    J’arrête par LA question et pardon d’être un peu long.
    Merci de votre initiative.

      ???????? République de SINGAPOUR
      29 juillet 2023 - 12 h 07 min

      Singapour a 4 langues officielles
      – anglais, malais, mandarin et tamoul.
      L’anglais est la lingua franca, avec son usage exclusif dans de nombreux services publics.


      ÉDUCATION
      …..
      Les ÉLÈVES de Singapour ont excellé dans de nombreux repères mondiaux en matière d’éducation en mathématiques, en sciences et en lecture.
      En 2015, ses élèves du primaire et du secondaire occupaient la première place du classement mondial des performances scolaires de l’OCDE dans 76 pays, décrit comme la carte la plus complète des normes éducatives.
      En 2016, les élèves de Singapour ont obtenu la première place du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) et du Programme des tendances internationales en mathématiques et en sciences (TIMSS).
      Dans l’indice de compétence en anglais EF 2016 pris dans 72 pays, Singapour se classe 6e et a été le seul pays asiatique dans le top 10.

    Abou Stroff
    27 juillet 2023 - 7 h 33 min

    « Ainsi, au lieu de penser l’architecture de la langue dans sa relation avec le temps, comme la planification des ressources et des objectifs en économie,…. nos idéologues à nous ont fait perdre un temps précieux en opposant langue «savante» et langues populaires. » soutient A. A..

    je pense que la question de la langue ou des langues est une question essentiellement politique qui reflète des rapports de force et indique l’état de ces dits rapports de force à un moment donné.
    Ceci étant dit, je me permets d’enrichir le débat engagé par A. A., en avançant ce qui suit :

    1- la langue fait partie de la superstructure (l’idéologie, la culture, les règles de droit, etc) et, en tant que telle, elle reflète ou doit refléter l’infrastructure (les rapports de production en particulier et les rapports sociaux, en général), tout en agissant sur cette dernière qui la produit.
    2- l’arabe classique, en faisant abstraction de sa dynamique avant l’apparition du texte coranique, est une langue que le texte coranique (ou, si l’on préfère les idéologues musulmans) a figé et fixé pour, d’après certains idéologues, éviter, aux musulmans, de perdre le fil de leurs idées et de ne plus comprendre le texte coranique.
    3- or, l’histoire (en particulier, les rapports sociaux en perpétuelle transformation) des peuples dits arabes ne s’est pas arrêtée au 1er siècle de l’hégire mais a évolué, au même titre que l’histoire des autres peuples.
    4- au regard de l’évolution des peuples dits arabes, la langue au moyen de laquelle ils s’expriment, évolue, se complexifie, ou se simplifie pour refléter de nouveaux rapports sociaux, d’où l’émergence de « langues maternelles » au sein des divers peuples dits arabes.
    5- or, tel n’est pas le cas pour l’arabe classique car, il s’avère que la langue arabe classique, contrairement aux « langues maternelles », n’a pas évolué et ne peut pas évoluer puisqu’elle est rivée, fixée et ligaturée au texte coranique.

    Conclusion imparable : l’arabe classique est une langue étrangère (pour ne pas dire morte) pour tous les « arabes » lambda. l’arabe classique, au regard de sa fossilisation, ne peut pas appréhender le vécu, la dynamique et les questionnements des peuples dits arabes contemporains. Car, l’arabe classique est le produit d’une ère à jamais révolue, à moins que l’on veuille opérer une marche arrière qui ramènerait les peuples dits « arabes » vers le 1er siècle de l’hégire.
    la dernière proposition implique que tous ceux qui s’accrochent à l’arabe classique sont des schizophrènes en puissance puisque l’infrastructure et la superstructure au sein desquelles ils « évoluent » ne sont pas dialectiquement liées.

    d’ailleurs, il suffit de regarder vivre les « arabes », en général et les algériens, en particulier pour découvrir qu’ils vivent constamment entre deux (sinon plus de) mondes et sont incapables de se penser en tant qu’êtres humains en perpétuelle création, la création linguistique étant une partie intégrante de la création humaine, en général.
    en effet, pendant que les nations développées travaillent, produisent, innovent, NOMMENT leur production et développent et enrichissent leurs langues, les tubes digestifs ambulants que sont la plupart des arabes, en général et des algériens, en particulier dissertent sur la meilleure manière de continuer à regarder les « autres » s’émanciper du règne de l’animalité pour devenir plus humains (je rappelle que le travail fait l’homme et que le tube digestif ambulant ne travaille pas).

    Ceci étant dit, je me permets, en outre, d’avancer que :
    1- l’arabe algérien, i. e. la « daridja », est une langue à part entière dans la mesure où elle reflète notre histoire spécifique et notre être historique en devenir (il suffit que des linguistes la codifient pour qu’il soit possible de l’enseigner en tant que langue à part entière). je rappelle qu’un « patois » ou un « dialecte » deviennent des « langues » dès que les locuteurs concernés prennent le pouvoir (politique, bien entendu) et les imposent en tant que langues.
    2- militer pour le remplacement du français par l’anglais est le signe d’une schizophrénie certaine, d’une fuite en avant irrationnelle et d’une catastrophe annoncée, à moins que l’on soit prêt à défendre l’idée saugrenue que les futurs 50 millions d’algériens vont TOUS se mettre à publier dans la revue « Nature » ou dans la revue « Applied Econometrics » ou dans la revue « annual review of astronomy and astrophysics » ou ……. (en fait, l’anglais ne peut servir qu’à une minorité d’universitaires, pouvant publier à l’étranger, dont le nombre est quasi-négligeable par rapport à la masse des universitaires qui se contentent de grignoter la part de rente qui leur est allouée).

    moralité de l’histoire: des tubes digestifs ambulants n’ont nul besoin d’une langue sophistiquée pour appréhender un vécu qui se résume en deux « activités » principales: consommer ce que d’autres produisent et déféquer.
    en d’autres termes, pour engager un débat sur les langues, il faudrait d’abord engager le débat essentiel sur le travail et la production (la langue fait partie de la superstructure et reflète l’infrastructure tout en participant à sa transformation). une société qui ne produit pas des biens matériels ne produira pas les concepts qui appréhenderont son vécu et sa dynamique.
    pour faire court, le débat sur la langue est un débat byzantin qui tourne en rond car, la base sur laquelle il repose est constituée par un plein idéologique (chaque camp défend une position qui ne transparaît guère dans l’argumentation) que les protagonistes essaient, par tous les moyens, d’évacuer.

    PS: je pense que la décision de remplacer le français par l’anglais est une décision irréfléchie et démagogique qui sert, en premier lieu, les arabisants monolingues, borgnes par construction et qui veulent aveugler les francophones (qui ont la possibilité de voir le monde autrement qu’avec des lunettes religieuses, entre autres) pour mettre tout le monde au même BAS niveau. Je rappelle qu’une langue n’est pas neutre et sert toujours des intérêts inavoués.

      Karma
      27 juillet 2023 - 14 h 43 min

      Votre commentaire me fait penser à une intervention surjouée de mohamed sifaoui quand il déclamait sans vergogne sur le plateau de l’émission de france 5 « c’est dans l’air » que la langue arabe était synonyme d’obscurantisme avant d’être regardé par le politologue algérien Hasni Abidi. Même les journalistes français témoins de la sortie « hasardeuse » de sifaoui avaient été choqués par ces propos insensés.
      Depuis, l’ami de bhl, fourest et compagnie s’est fait pincé dans l’affaire du Fonds Marianne. Il n’a pas eu de chance pour ainsi dire!

        Karma
        27 juillet 2023 - 22 h 00 min

        *Rectificatif : il faut lire « …avant d’être recadré par le politologue algérien Hasni Abidi ».

        Merci.

        Abou Stroff
        28 juillet 2023 - 7 h 16 min

        si je vous fais penser à sifaoui, permettez moi de vous répondre par ce qui suit:

        en vous lisant, je n’ai pas pu m’empêcher de me rappeler l’histoire de l’hurluberlu auquel on montre la lune mais qui se concentre sur le doigt qui la lui montre.

        ceci étant dit, je n’ai jamais dit que l’arabe était synonyme d’obscurantisme mais j’ai simplement dit que l’arabe dit classique, étant figé par le texte coranique, ne réflétait pas et ne pouvait pas refléter notre être historique en devenir.

        la preuve que ce que j’affirme: aucun peuple dit arabe ne parle l’arabe classique mais tous les peuples dits arabes s’expriment avec des variantes dont les syntaxes diffèrent de celle de l’arabe classique (il suffit, par exemple de remarquer la négation « ech » de notre daridja qui repose sur la langue amazigh et qu’on ne retrouve pas au moyen-orient dit arabe).

        PS1: concernant l’arabe dit classique, il suffit de remarquer qu’il ne fait partie de l’être d’aucun peuple dit arabe et on peut même ajouter que le lien entre l’arabe dit classique et les parlers des peuples dits arabes est de même nature que le lien qui unit le latin à différentes langues dites latines (le français, l’italien, l’espagnol, le roumain, etc.).
        en termes simples, si le Coran n’était pas là, les peuples dits arabes auraient suivi le chemin des nations européennes et se seraient différenciés les uns des autres en hissant leurs « dialectes » respectifs au rang de langues à part entières.
        PS2: au regard de son fort accent, je parie que abidi est un pur « arabisant » qui a appris le français sur le tard.

          Karma
          28 juillet 2023 - 18 h 51 min

          @Abou Stroff, j’ai écrit que votre commentaire me faisait penser à une intervention surréaliste de sifaoui quand il a voulu attaquer la langue arabe en disant qu’elle était synonyme d’obscurantisme. Des propos tenus sur une chaîne publique française pour tenir son rôle préfabriqué d’imposteur.
          Concernant ce sujet, je m’exprime alors que je ne suis pas arabophone. Je vous donne mon avis, c’est tout. Vous dites que la langue arabe classique est figée, or il me semble que l’arabe est une langue vivante. Car, et vous le soulignez, elle a su évoluée et s’adapter dans les territoires où elle s’est imposée. D’où la formation des dialectes arabes. Je pense que vous avez un petit soucis avec la religion musulmane que vous projetez sur la langue arabe. Un peu comme sifaoui qui a fini par toucher le fond…Marianne. Plouf ???? (je sais c’est bidon, mais c’était maintenant jamais!????).
          Et pour terminer, concernant Hasni Abidi, j’aimerais vraiment parler arabe comme lui parle français. Et peu importe l’accent. L’essentiel c’est d’éviter la sifaouisation des esprits. ????????

          Abou Stroff
          29 juillet 2023 - 14 h 20 min

          petite réponse à Karma
          28 juillet 2023 – 18 h 51 min

          Parlant de la langue arabe vous avancez: « elle a su évoluée et s’adapter dans les territoires où elle s’est imposée. D’où la formation des dialectes arabes. »

          Désolé de vous contredire, je pense que ce n’est pas l’arabe classique (qui oserait changer la syntaxe des sourates du Coran ou toucher à la moindre virgule du texte sacré ?) qui a évolué mais ce sont les peuples dits arabes qui ont évolué (dans le bon ou dans le mauvais sens, peu importe) en s’inscrivant dans des rapports sociaux en perpétuel mouvement. Ainsi, ces peuples ont progressivement délaissé l’arabe dit classique (qui ne reflétait plus leur être historique) comme les peuples européens ont construit, à partir du latin, entre autres, des langues reflétant leur être historique en devenir.

          En termes crus, votre raisonnement se tient sur la tête et il suffit de le renverser pour appréhender, d’une manière pertinente, l’émergence de « dialectes » qui auraient pu se transformer en langues si la domination de la religion, en général et le poids du texte coranique dans la pensée des peuples dits arabes étaient moins prégnants

          ceci étant dit, je vous informe que je n’ai aucun problème avec la religion en tant que telle, du moment que je considère qu’elle n’est qu’un produit humain qui permet, dans un premier temps, d’atténuer l’angoisse existentielle de l’être humain qui sait qu’il va mourir pour se transformer, dans un deuxième temps, en instrument d’asservissement d’une majorité par une minorité.

          Karma
          29 juillet 2023 - 15 h 55 min

          Cher @Abou Stroff, une langue évolue dans le temps et l’espace si les conditions nécessaires à cette évolution se présentent. Pour la langue arabe, les conditions étaient donc bien présentes puisqu’elle a su s’adapter aux territoires et aux populations oû elle s’était imposer.
          L’arabe classique utilisée dans le Coran permet à près de 2 milliards d’habitants d’avoir un héritage commun. Elle n’est donc pas figée puisque des centaines de millions de fidèles continuent à transmettre perpétuellement le message contenu dans ce texte sacré. Ne serait-ce qu’en récitant les 7 versets de la Fatiha. On se demande si derrière votre obsession de la considérer comme figée dans le texte et la syntaxe, ne se cache pas autre chose. Le texte du Coran est fixé, ne vous en déplaise. On a vraiment pas besoin d’un pseudo réformateur apparemment allergique à la religion, pour nous faire la leçon.
          Vous dites que la religion a été produite par l’homme dans le but de répondre à ses angoisses existentielles et qu’elle finit par l’asservir. Et vous prétendez ne pas avoir de problème avec l’islam.
          Vraiment surréaliste votre façon d’argumenter. Une pensée qui semble figée dans un continuum espace-temps qui donne à la logique un goût de déjà vu et déjà lu.
          La moralité: @Abou Stroff, ne seriez-vous pas une sorte de médium en fin de compte?
          P.S: et surtout ne me répondez pas.

      Dogmatisme marxiste contre Marx.
      30 juillet 2023 - 18 h 12 min

      « je pense que la question de la langue ou des langues est une question essentiellement politique qui reflète des rapports de force et indique l’état de ces dits rapports de force à un moment donné. »
      Maskine Marx doit se dire : » comment est-ce que ma vision fondée sur le mouvement du monde et des choses en perpétuel devenir a-t-elle été sclérosée en dogme religieux fixiste, fiévreux jusqu’au délire? ».
      Peut-être conclura-t-il : « Je valais tout de même un chouia pour que l’on fasse un effort de travailler un petit peu pour me comprendre et ne pas me transformer en prophète ».
      Ahlilou!

        Abou Stroff
        31 juillet 2023 - 7 h 36 min

        Primo, je vous remercie de me lire.
        Secundo, je ne puis que vous remercier pour la contribution Ô combien précieuse et fortement travaillée que vous apportez à notre compréhension du thème (Algérie : les langues, l’idéologie et la géopolitique) abordé par A. A..
        Tertio, je vous remercie une troisième fois car, votre court commentaire, confirme l’adage qui soutient que, lorsque l’on n’a rien à dire, on la … pour éviter de montrer son stupidité.
        Quarto, en vous lisant, je me sentis plus intelligent et je vous remercie donc pour la quatrième fois.

    Ali Ammar
    26 juillet 2023 - 23 h 42 min

    Le bel article de Ali Akika et surtout sa référence au mot « hasard » qui a changé de sens en passant de l’arabe au français, une chance qui prit étrangement la forme fortuite d’un accident circonstanciel, me fait penser à l’origine du mot « handicap ».
    Celui-ci vient de « hand in cap », en français « la main dans le chapeau « , qui était un jeu d’échange d’objets d’origine anglaise pratiqué au 16 ème siècle. Il consistait ainsi à mettre des objets de différentes valeurs dans un chapeau. Chaque joueur prenait ainsi à l’aveugle un objet du chapeau sous le contrôle d’un arbitre. Un jeu de « hasard » ou plutôt une forme de troc qui a donné naissance au mot « handicap » tel qu’on le connait aujourd’hui.
    Être handicapé ou la calamiteuse fatalité du destin lorsqu’on a tiré le gros lot du chapeau!
    Lorsque retentit le grelot qui est attaché au collier du chat. C’est qu’il a du bol. Surtout s’il y a du lait pour le minet.
    Et que dire du gentil chat qui s’est invité pendant les prières nocturnes du mois béni de ramadan dans une mosquée de Bordj Bou Arredj. Cette belle rencontre avec l’imam autour de la parole d’Allah. Tout était si parfait qu’on pouvait se poser une question: fût-ce le fruit du hasard ou le signe de la chance?

      akika
      27 juillet 2023 - 7 h 43 min

      Ali Amar, merci à vous aussi pour votre post, pour le plaisir de ce voyage des mots que vous rapporté et l’humour qui se cache derrière votre anecdote. Bon courage.

        Ali Ammar
        27 juillet 2023 - 15 h 14 min

        Du courage de l’ancien français corage, du latin cor « coeur » et du suffixe -âge.
        Ce mot tire son origine du cœur, le siège des sentiments et le fait qu’il soit dans votre commentaire me fait vraiment chaud au mien, de cœur.
        Du courage, c’est vrai qu’il en faut et certains, comme vous, mettent le leur à l’ouvrage. Car quand le cœur et l’œuvre se rejoignent pour un objectif noble, alors on arrive parfois à faire des prodiges.
        Je termine donc par un hadith du Prophète saws tiré d’un recueil d’Ibn Rajab. « Certes il y a dans le corps un morceau de chair qui, s’il est sain tout le corps est sain. Mais s’il est corrompu tout le corps est corrompu. Il s’agit du cœur. »
        Il fait évidemment écho à l’adage universel « un esprit sain dans un corps sain ».

        Merci donc pour vos articles de qualité mon cher Ali Alika et pour votre commentaire chat-l’heureux.
        Bonne journée à vous.

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