L’origine du carnage de la dentition algérienne résolue par la science
Une contribution de Khider Mesloub – Dans l’Algérie postindépendance, jusqu’aux années 1990, on ne croisait quasiment jamais des Algériens à la dentition abîmée. Dotés d’une bouche sans dents. Du moins à une échelle collective.
La majorité des Algériens dévoilaient derrière leur éternel sourire empli de sérénité des dents impeccables. L’Algérien exhibait fièrement une bouche solaire couronnée de majestueuses molaires. Une bouche dotée d’une luminosité qui rappelle la pureté de son cœur.
A l’époque, l’Algérien avait le don de vous gratifier de ses dents complètes dressées en rangs serrés, alignées comme une armée de défense morale prêtes à mordre la vie avec passion, à mâcher l’existence avec sagesse, dans un esprit de modernité qui empêchait d’avaler les couleuvres islamistes ou de dévaler la pente de la régression intellectuelle et culturelle. Sa brillante et robuste dentition, reflet de sa pureté d’âme et de sa force de caractère, lui servait de bouclier pour contrecarrer toute «carie mentale», prévenir toute «infection culturelle» pathogène.
Aujourd’hui, depuis au moins trois décennies, ayant perdu ses défenses immunitaires morales et ses remparts ataviques révolutionnaires, l’Algérien arbore une bouche accidentée, édentée, écrasée par la mal-vie. A force de mâcher la vacuité existentielle et de remâcher le dogme salafiste pestilentiel, il a fini par avaler ses propres dents, dévorées avec rage.
Ses dons de sagesse pulvérisés au cours de la décennie noire, il s’est mis à perdre également, rageusement, ses dents, me disais-je, in petto, en guise d’explication sociologique. En réalité, la contemporaine vacuité existentielle n’est pas responsable du carnage de la dentition algérienne. L’avidité sucrière serait l’unique coupable. C’est ma récente découverte. Pour une fois, l’explication sociologique est inopérante, invalidée par la science biologique.
En tout cas, c’est la conclusion que j’ai tirée de la lecture de l’article «Les Romains de l’Antiquité n’avaient pas de dentiste à cause d’un aliment qu’ils ne mangeaient pas !» publié par le magazine Ça m’intéresse.
Selon ce magazine, «des scientifiques nommés par la Surintendance archéologique de Pompéi ont finalement révélé à l’aide de tomodensitogramme (appareil qui vise à examiner les dents de personnes préservées dans des cendres durcies après l’éruption de Vésuve en 79 après Jésus-Christ) la qualité des dents des anciens Romains. Cette étude révélée vient montrer que les dentistes à l’époque antique n’étaient pas une préoccupation comme celle de notre époque et grâce à l’absence d’un aliment».
D’après le magazine Ça m’intéresse, si les Romains de l’Antiquité n’avaient pas de brosse à dents, c’était pour une bonne raison : ils n’en avaient pas besoin. C’est ce qui ressort des analyses des restes dentaires des habitants de Pompéi, préservés dans les cendres de l’éruption du Vésuve, révélant des dents étonnamment saines.
Le miracle de leur bonne santé dentaire résidait principalement dans leur alimentation, selon les scientifiques. Les Romains consommaient peu de sucre, un ingrédient absent de leur régime alimentaire. Un ingrédient, à notre époque industrielle, omniprésent, largement responsable des caries dentaires.
Selon les scientifiques, l’absence de sucre raffiné dans leur régime était un facteur déterminant. Contrairement aux hommes et femmes de notre ère moderne friande de sucreries, les Romains ne mangeaient pas de bonbons, de pâtisseries sucrées ou de sodas, qui sont des contributeurs majeurs aux problèmes dentaires modernes. Pour rappel, les boissons gazeuses contiennent des acides qui érodent l’émail des dents, rendant les dents plus vulnérables aux caries, et donc à leur destruction. De même, les produits sucrés et autres collations salées nourrissent les mêmes bactéries nocives. Selon les scientifiques, les glucides raffinés présents dans le pain blanc et les pâtes contribuent également à l’apparition des caries, à la fragilisation dentaire.
Aussi, «en l’absence de ces produits, l’émail de leurs dents n’était pas soumis à l’attaque constante d’acides produits par la fermentation des sucres par les bactéries buccales». Cette découverte explique pourquoi les Romains de l’Antiquité avaient une bonne hygiène dentaire.
Une hygiène buccale renforcée par des méthodes de nettoyage dentaire efficaces. Pour maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire, malgré l’absence de brosses à dents modernes, les Romains utilisaient divers produits naturels pour nettoyer leurs dents. «Ils se servaient de bâtons à mâcher, souvent issus de plantes aromatiques comme le miswak, connu pour ses propriétés antibactériennes. En outre, ils utilisaient des dentifrices rudimentaires composés de poudres abrasives telles que la cendre, les coquilles d’œufs écrasées et les os d’animaux pulvérisés. Ces substances, bien que primitives, étaient efficaces pour enlever les débris alimentaires et la plaque dentaire. Les Romains avaient également recours à des rinçages buccaux à base de vin et de vinaigre, qui possédaient des propriétés antiseptiques», souligne le magazine Ça m’intéresse.
Quand on sait que les Algériens, ces Méditerranéens longtemps romanisés, avaient jusqu’à une date récente une alimentation identique à celle des populations italiennes de l’Antiquité et employaient des méthodes de nettoyage dentaire similaires, on peut déduire qu’ils avaient également une bonne santé dentaire. Encore remarquable jusqu’aux années 1980. Une réalité que je l’ai personnellement remarquée.
En effet, j’ai grandi parmi ces Algériens à l’émail dentaire d’une blancheur immaculée, dans ces années fastes où Alger était également, authentiquement, blanche. D’une blancheur éclatante. Une blancheur qui spiritualisait l’âme des Algériens, ennoblissait leur cœur et rehaussait leur prestance naturelle. Une prestance avivée par leur flamboyante dentition.
Désormais, la riche Algérie est habitée par des «sans-dents», au double sens du terme. Selon plusieurs études, 50% des Algériens risquent de perdre leurs dents dans les années à venir. Un fléau sanitaire qui affecte toutes les catégories sociales. Cette catastrophe sanitaire dentaire est liée à la transformation des habitudes alimentaires des Algériens.
Un phénomène sanitaire destructif qui rappelle, anthropologiquement, toutes proportions gardées, celui des Amérindiens, disparus sous l’effet conjugué de l’invasion du modèle capitaliste et de ses multiples maladies transportées et répandues par les conquérants européens.
En effet, lors de la conquête des Amériques par les Européens, à la fin du XVe siècle et tout au cours du XVIe siècle, ces conquérants y avaient introduit des maladies nouvelles aux effets dévastateurs. Au cours des premiers contacts qui suivirent la conquête, probablement 90 ou 95% des Amérindiens furent décimés par les maladies importées par les Européens. Variole, typhus et rougeole furent les infections les plus meurtrières auxquelles il faut ajouter le choléra, les fièvres typhoïdes, la grippe, la blennorragie, la scarlatine, la rubéole, la diphtérie, la coqueluche, la syphilis. Ainsi, cette invasion européenne provoqua de terribles épidémies qui fauchèrent les populations autochtones. Cette catastrophe sanitaire n’a pas de commune mesure dans l’histoire de l’humanité. L’infecte système capitaliste a provoqué un épouvantable génocide inégalé dès sa naissance.
Comment expliquer cette catastrophe sanitaire des Amérindiens ? Tout simplement parce que les autochtones n’étaient pas immunisés contre les infections virales et bactériennes graves introduites par les colons européens : variole, grippe, typhus, choléra, peste, oreillons, rougeole ou encore rubéole.
Si, depuis des millénaires, les habitants de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, appartenant à une même masse continentale, pratiquant l’élevage de très nombreux animaux domestiques dans des conditions sanitaires favorisant l’émergence de zoonoses, étaient immunisés, en revanche les populations amérindiennes n’avaient jamais été exposées à ces infections d’origine animale transmises à l’homme. Par un processus de sélection naturelle, les habitants de l’aire géographique de l’Europe, l’Asie et l’Afrique avaient développé des défenses immunitaires, contrairement aux Amérindiens jamais exposés aux zoonoses, du fait de l’isolement de leur continent caractérisé de surcroît par l’absence de l’élevage diversifié.
C’est la raison pour laquelle les «épidémies européennes» avaient décimé, avec une facilité déconcertante et une rapidité foudroyante, les autochtones.
En 1500, il y avait probablement 7 millions d’autochtones en Amérique du Nord. A la fin du XIXe siècle, les Amérindiens n’étaient plus que 375 000.
Pour revenir à notre époque, en particulier à l’Algérie où le rapport de la population à l’alimentation a été profondément bouleversé ces trois dernières décennies, on ne mesurera jamais assez l’impact nocif de l’alimentation moderne sur la santé bucco-dentaire.
Les nouveaux comportements alimentaires introduits en Algérie, de type grignotage, consommation fréquente de sucres ou de sodas auront contribué à l’érosion et aux lésions carieuses dentaires.
Pour information, l’une des principales causes de l’érosion de l’émail est la présence d’acides dans les aliments et des liquides sucrés consommés.
Plusieurs études ont prouvé que les aliments sucrés sont déterminants dans l’apparition de caries. Ce facteur alimentaire nocif, associé à un brossage sommaire des dents et à l’absence de visites régulières chez le dentiste, favorise l’apparition de pathologies dentaires que sont la carie et l’érosion.
Par ailleurs, ces études ont constaté une prévalence significativement plus importante de l’érosion chez les garçons que chez les filles, du fait de leur consommation excessive de sodas et de boissons sucrées. Toutefois, il s’agirait plutôt d’une différence comportementale et non biologique entre les garçons et les filles. Ce phénomène est observable en Algérie. Les hommes semblent plus affectés par les pathologies bucco-dentaires.
On peut affirmer que les régimes alimentaires actuels adoptés par les citoyens algériens sont responsables de pathologies, tant au plan général qu’au plan bucco-dentaire.
L’infecte mode de vie capitaliste consumériste introduit en Algérie pervertit toutes les valeurs humaines et traditions ancestrales «nationales», mais dégrade également la santé bucco-dentaire des Algériens.
Certes, contrairement au sort réservé aux Amérindiens, le capitalisme pathogène – belligène – génocidaire n’a pas décimé physiquement la population algérienne. Mais il a anéanti ses «immunités humaines», autrement dit sa vigueur morale, son inclination empathique, sa puissance vertueuse, son énergie altruiste, et surtout sa robustesse dentaire qui lui permettait de mordre la vie à belles dents et d’affronter l’adversité et l’ennemi avec ses redoutables crocs incisifs.
K. M.
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