Un responsable tchadien : «Pourquoi un consulat à Dakhla est dangereux !»
Ousmane Abderamane Djougourou, ancien secrétaire général de la présidence de la République tchadienne, explique, dans une analyse parue dans Tchad One, pourquoi l’ouverture d’un consulat du Tchad dans la ville occupée de Dakhla est dangereuse, contreproductive et ne sert aucunement les intérêts du Tchad. Il explique également pourquoi son pays a tout à gagner à renforcer plutôt ses relations avec l’Algérie, «deuxième puissance militaire en Afrique et l’une des meilleures diplomaties africaines».
Nous reproduisons sa pertinente analyse in extenso.
«Le Tchad vient d’inaugurer un consulat à Dakhla, en République sahraouie, un territoire faisant l’objet d’un conflit diplomatique épineux entre l’Algérie et le Maroc. Cela signifie que désormais, notre pays reconnaît la souveraineté du Maroc sur cet Etat, abandonnant ainsi une position de stricte neutralité maintenue pendant cinquante ans, qui visait à préserver nos relations avec le Maroc et l’Algérie. Il est à craindre que cette reconnaissance compromette nos relations avec l’Algérie et viole la résolution de l’Union africaine, qui a renvoyé ce dossier à l’ONU pour une résolution.
L’ouverture d’un consulat doit répondre à certains intérêts stratégiques du pays. En vertu de la Convention de Vienne de 1963, les consulats ont pour mission de veiller à la protection de leurs ressortissants, de délivrer des visas aux étrangers souhaitant se rendre dans le pays, de délivrer des certificats de naissance aux enfants nés dans la ville concernée et de servir de relais économique. Cependant, il est douteux que Dakhla réponde à ces critères.
Les Tchadiens devraient s’inquiéter de voir l’ouverture d’un consulat dans une ville qui n’accueille pratiquement aucune famille tchadienne, ce qui pourrait servir les intérêts de groupes peu scrupuleux. Bien que quelques entreprises marocaines soient installées au Tchad, les échanges entre les deux pays sont quasiment inexistants. Par exemple, la Cimaf, qui produit du ciment au Tchad, constitue une exportation déguisée de matières premières marocaines, puisque le clinker, principal composant du ciment, est importé du Maroc. Cela crée évidemment une concurrence déloyale pour nos compatriotes importateurs de ciment. De plus, Moov Africa et Attijariwafa Bank sont des investissements susceptibles de connaître des mutations rapides.
En revanche, les avantages liés à une coopération avec l’Algérie, deuxième puissance militaire en Afrique et l’une des meilleures diplomaties africaines, seraient conséquents à court et long termes. Plusieurs projets gigantesques et porteurs d’avenir pourraient renforcer les intérêts géostratégiques du Tchad :
1- Port méditerranéen : l’Algérie souhaite mettre à la disposition du Mali, du Niger et du Tchad un port ultra-moderne sur la façade de la Méditerranée, permettant à ces pays enclavés, membres du Comité de liaison de la route transsaharienne (CLRT), d’assurer leurs échanges avec l’Europe une fois la route transsaharienne achevée.
2- Route transsaharienne (RTS) : dans le cadre du CLRT, regroupant l’Algérie, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Tchad et la Tunisie, le financement des tronçons routiers Massakory-Ngouri, Ngouri-Bol, Bol-Liwa, et Rig-Rig-frontière Niger a été obtenu, aboutissant à ce projet ambitieux.
3- Dorsale fibre optique : le financement du projet de la Dorsale fibre optique, d’un montant de près de 60 milliards FCFA, a été obtenu grâce à la BAD. Ce projet vise à relier la Dorsale à fibre optique de l’Europe à travers l’Algérie.
4- Gazoduc transsaharien : le Tchad est en voie de rejoindre le Comité tripartite Nigeria-Niger-Algérie pour réaliser un mégaprojet de gazoduc reliant l’Afrique à l’Europe, un enjeu mondial dans les années à venir. Au-delà de ces points, l’Algérie a formé des cadres très compétents qui servent dans presque tous les secteurs d’activité du Tchad. De plus, elle est l’un des rares pays à avoir secouru financièrement le Tchad dans les années 1970 alors que le pays était en guerre.»
Source Tchad One
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