Patience stratégique

Attaf Barrot
Réunion dans une atmosphère tendue entre Attaf et Barrot à Alger. D. R.

Par Mohamed El-Maadi – La rupture diplomatique, souvent perçue comme une démonstration de force, révèle paradoxalement une faiblesse stratégique. Bertrand Badie, dans L’Hégémonie contestée, démontre que l’initiative de la rupture dessert systématiquement celui qui la provoque. La véritable puissance réside dans la capacité à résister à cette tentation.

Mohammed Ayoob renforce cette analyse en démontrant comment les Etats émergents peuvent transformer leur position internationale en évitant le piège de la rupture précipitée. La retenue calculée devient ainsi l’expression d’une sophistication diplomatique, non d’une faiblesse.

En laissant l’adversaire endosser la responsabilité de la rupture, un Etat renforce sa position internationale. Cette stratégie permet de capitaliser sur les erreurs de l’autre partie, tout en maintenant une posture de responsabilité qui résonne favorablement auprès de la communauté internationale.

Dans ce contexte, l’Algérie face à la France illustre parfaitement ce dilemme stratégique. La tentation d’une rupture, bien que compréhensible, mérite une analyse froide des bénéfices et des coûts. La question n’est pas tant de rejeter catégoriquement la rupture que de déterminer si une telle initiative servirait réellement les intérêts stratégiques algériens.

La patience stratégique s’affirme ainsi comme un instrument de puissance sophistiqué, où la maîtrise du temps devient un atout décisif dans la reconfiguration des relations internationales. Comme le soulignait Sun Tzu : «La suprême excellence n’est pas de gagner chaque bataille, mais de vaincre l’ennemi sans combattre.»

Cette approche stratégique, faut-il le souligner, ne traduit aucunement une faiblesse. Au contraire, elle démontre une maîtrise supérieure de l’art diplomatique, où la raison l’emporte sur l’émotion. Car, dans les relations internationales, l’impulsivité est souvent la plus dangereuse des conseillères.

M. E.-M.

Comment (13)

    Ouchen azguar
    21 avril 2025 - 11 h 28 min

    Excellent article mr el maadi!

    Peregrin
    21 avril 2025 - 11 h 18 min

    Donc si je comprends bien, la rupture avec le Maroc a été une erreur et une preuve de faiblesse ?

      Algérien et patriote
      21 avril 2025 - 12 h 02 min

      Tu parles du pays qui pompait tout gratuitement, pétroles, gaz, électricité, alimentation subventionnée ect , ect , en contrepartie il nous envoie que de la merde , oui se fut une erreur de ne pas avoir coupé toutes relations bien avant mais puisque tu t’inquiètes pour eux il existe westerns union…

        Peregrin
        21 avril 2025 - 20 h 34 min

        Bah moi je suis plus pour une politique d’équilibre et modéré. Je vois les ruptures et les conflits diplomatiques comme une chose néfaste. Si l’Algerie a rompu avec le Maroc c’est à cause de la normalisation avec l’entité sioniste et l’affaire du Sahara. Et concernant le pompage gratuit de gaz dont tu fais référence, il me semble que c’était dans le cadre d’un accords pour faire passer un gazoduc vers l’Europe. Une sorte de droit de passage ce qui me semble légitime et normal. Un contrat win win tout à fait similaire à ce que Sonatrach a signé avec la Tunisie et certaine entreprises étrangères. Je suis d’ailleurs en faveur de cette pratique. Ce qui manque au pays c’est plus d’intégration régionale. Rien de mieux pour avoir de la puissance et de l’influence. Les ruptures et le protectionnisme ne doivent être que temporaire selon moi.

      Anonyme
      22 avril 2025 - 10 h 27 min

      Il convient de distinguer rupture et découplage.

      L’Algérie peut décider de ne pas rompre les relations formelles pour les raisons évoquées dans ce papier c’est un raisonnement tout a fait cohérent et valide.

      En revanche, le découplage économique, culturel, etc avec eux est immédiatement bénéfique compte tenu de l’hostilité assumée de leur classe politique et médiatique qui passe son temps a nous insulter, nous diffamer et qui a l’outrecuidance de nous menacer.

      Luca
      22 avril 2025 - 12 h 01 min

      La coupure avec le Maroc pelle et grain serait évidemment une erreur pour Algéria car chacun sait que l’union est la force en toute chose . Oui ce serait une erreur si le Maroc était un pays , mais ce n’est hélas qu’un protectorat français aujourd’hui encore en 2025

      Mohamed El Maadi
      22 avril 2025 - 14 h 47 min

      Bonjour,

      La comparaison entre la rupture avec le Maroc et une éventuelle rupture avec la France ignore une réalité fondamentale : le poids et la dimension des acteurs déterminent la pertinence stratégique d’une rupture diplomatique.

      La France, membre permanent du Conseil de sécurité, puissance nucléaire et locomotive européenne, pèse d’un tout autre poids que le Maroc sur l’échiquier mondial. Une rupture avec Paris impacterait les relations de l’Algérie avec l’ensemble du monde occidental, l’Union européenne et les institutions financières internationales.

      La rupture avec le Maroc reste gérable car circonscrite à une dimension régionale. Elle n’affecte pas fondamentalement la position internationale de l’Algérie ni ses intérêts vitaux. Les enjeux, essentiellement bilatéraux, permettent cette option sans compromettre l’architecture globale de la diplomatie algérienne.

      La patience stratégique face à la France ne relève donc pas d’une contradiction mais d’une lecture lucide des rapports de force internationaux. L’Algérie applique simplement le principe de proportionnalité : la réponse diplomatique doit être calibrée selon le poids de l’interlocuteur et l’ampleur des conséquences.

      La rupture avec le Maroc et la retenue face à la France illustrent ainsi une même cohérence stratégique : adapter ses outils diplomatiques à la dimension réelle des enjeux. Cette différenciation ne traduit pas une incohérence mais au contraire une parfaite maîtrise des codes de la diplomatie internationale.

      Cordialement.

    Dr Kelso
    21 avril 2025 - 9 h 38 min

    La « diplomatie » french est une diplomatie du mégaphone, niveau bac à sable.
    Quant à l’Algérie ses compétences diplomatiques ne datent pas d’hier et ne sont plus à démontrer.
    La diplomatie Algérienne parle d’elle-même.

      Diplomate
      23 avril 2025 - 6 h 42 min

      Le problème est que l’on a plus de diplomatie.
      Heureusement qu’historiquement, la diplomatie algérienne n’a jamais fait partie du processus d’élaboration ou de prise de décision de la politique étrangère du pays.
      Quand on détruit un domaine avec nos mains, inutile de rejeter la faute sur les autres.

    Achour Bachir
    21 avril 2025 - 8 h 52 min

    Je suis d’accord avec l’auteur de l’article qu’une rupture précipitée risque de desservir celui qui l’a provoque. Mais, l’auteur de l’article ne cite pas d’exemples concrets de pays qui ont décidé une rupture précipitée avec un autre pays, et que cette décision leur a été préjudiciable. Cependant, l’indépendance des pays arrachée de haute lutte, souvent armée, peut-elle être considée comme une rupture précipitée, comme ce fut le cas en Algérie? Bien que l’Algérie à eu beaucoup de difficultés à gérer son économie nationale et ses infrastructures, la rupture précipitée avec la France à été salutaire. Nous pouvons également citer un autre exemple de rupture précipitée décidée par un pays qui a été préjudiciable non pas à ce pays mais au pays qui a subi la rupture précipitée. Il s’agit de la décision des États-Unis de rompre subitement ses relations avec Cuba en 1961. Cette rupture précipitée a eu des conséquences économiques et sociales considérables pour Cuba et non pour le pays qui a décidé la rupture. Pour aller dans le même sens que l’article et étayer les affirmations de son auteur, voici quelques exemples. Après la chute de Shah et l’arrivée de l’ayatollah Khomeini au pouvoir, l’Iran a brusquement rompu ses relations diplomatiques et économiques avec les États-Unis et plusieurs pays occidentaux. Les conséquences ont été : 1) l’Iran a été soumis à de lourdes sanctions économiques, 2) isolement diplomatique prolongé, 3) fuite massive des cerveaux et baisse des investissements étrangers, 4) dépendance croissante vis-à-vis de partenaires alternatifs comme la Russie et la Chine, sans les mêmes avantages technologiques ou commerciaux. A partir des années 2000, le Vénézuela a rompu subitement ou dégradé ses relations avec plusieurs pays occidentaux en particulier les États-Unis, et nationalisé de nombreuses entreprises étrangères; les conséquences ont été telles que: 1) effondrement économique sans précédent, 2) hyperinflation et pénuries massives, 3) isolement diplomatique croissant, 4) effondrement de l’industrie pétrolière, jadis pilier de l’économie. Bien que démocratique et non violent, le retrait précipité du Royaume-Uni de l’union européenne (Brexit, 2016) sans plan clair a entraîné plusieurs conséquences imprévues pour le Royaume-Uni : 1) difficultés économiques et commerciales accrues, 2) tensions internes avec l’Ecosse et l’Irlande du Nord, 3) baisse de l’attractivité économique du pays, 4) déclin de l’influence diplomatique du Royaume-Uni au sein de l’Europe.
    Citons enfin la rupture décidé par l’Algérie avec le voisin de l’ouest. Cette rupture n’a pas été précipitée, mais mûrement réfléchie qui peut être interprété comme: 1) un acte de souveraineté, une affirmation claire de l’indépendance politique et stratégique, un message fort à l’autre partie et à la communauté internationale, une décision assumée dans le cadre du droit international, 2) un geste de diplomatie stratégique, réaffirmer ses lignes rouges sans recourir à des moyens coercitifs, créer une pression politique ou symbolique sur l’autre « état », redéfinir les termes d’un éventuel dialogue futur, en mettant en pause une relation considérée comme surtout nocive.

    lhadi
    21 avril 2025 - 8 h 39 min

    Le débat qui doit être ouvert au jour d’aujourd’hui est un débat de conscience.

    Nous sommes tous habitués à un régime d’inspiration soviétique et nous l’avons accepté comme un fait établi et, de ce fait, nous avons contribué à le voir perdurer. Autrement dit, nous sommes tous, bien entendu à des degrés différents, responsables du fonctionnement de ce système d’un autre temps. Personne n’est que la victime de ce système. Nous avons tous participé à sa mise en place.

    Il serait très raisonnable de considérer le triste héritage de ces soixante dernières années comme étant quelque chose d’étranger qu’un parent éloigné nous aurait légué. Or, nous avons accepté cet héritage comme un péché que nous avons commis pour nous faire du tort à nous-mêmes. Si nous acceptons cette réalité, nous comprendrons que nous seuls pouvons oeuvrer pour une république qui prospère sur le plan économique et qui est juste sur le plan social ; une république bienveillante au service de l’individu et convaincue qu’en retour, l’individu la servira.

    Pour conclure, il est impossible de résoudre les problèmes économiques, sociaux ou culturels sans développement politique.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

    Luca
    20 avril 2025 - 21 h 36 min

    La patience dans la droiture est une forme de coupure, … Il faut couper avec ce pays de personnes âgées, de fonctionnaires, de racisme, de blocage , dirigé par le fn rn de mitterand . Il faut couper pour le bien de tous et surtout de ALGÉRIA. il faut couper sans haine et sans racisme pour un minimum de dix ans

    Anonyme
    20 avril 2025 - 19 h 52 min

    Le peuple sait comment agir aussi pour garantie sa sécurité son indépendance et son cheminement vers le progrès et le bonheur. Grâce à ses enfants authentiquement patriotes et fidèles aux gloires et exploits des ancêtres qui avaient pris grand soin du pays et de ses territoires ces enfants qui forment un rempart inébranlable et imprenable pour les ennemis. C’est cette ressource humaine qu’il faut tjrs modeler dans l’esprit des ces ancêtres ayant su bâtir et protéger l’âme profonde et éternelle de l’Algérie historique et victorieuse . Cette jeunesse authentiquement patriote saura tjrs se dresser comme un roc devant l’ennemi. faisons lui confiance et reconnaissons ses valeurs nationales ses compétences et ses talents.Vive l’ANP

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