Connaissons-nous vraiment notre propre histoire et l’enseignons-nous ?

Moulaya
Le fleuve Moulaya, une frontière enracinée dans l’Antiquité. D. R.

Une contribution de Mouanis Bekari – Il est étonnant que l’affirmation de Boualem Sansal sur une prétendue marocanité historique de l’Ouest algérien ait suscité si peu de réactions parmi les historiens algériens, alors même que l’histoire antique des frontières nord-africaines est l’une des mieux documentées du monde méditerranéen.

Une frontière enracinée dans l’Antiquité

Au centre de cette géographie historique se trouve la Moulouya (appelée Malva dans les textes anciens), fleuve sinueux de près de 600 km. Dès le IIIe siècle avant notre ère, elle marque une frontière nette et durable. A l’est, le royaume massaesyle de Syphax, qui annexe, en -206 de l’ère moderne, le royaume massyle, unifiant ainsi la Numidie – ancêtre territorial de l’Algérie. A l’ouest, le royaume maure de Bocchus, matrice territoriale du Maroc.

Cette frontière naturelle demeure stable sous Massinissa, après sa victoire à Zama (-202 de l’ère moderne). Aucun texte antique ne signale de contestation de la Moulouya comme limite occidentale de la Numidie. Ce n’est qu’en -104 de l’ère moderne que Rome autorise Bocchus Ier à empiéter temporairement vers l’est, en rétribution de sa trahison et pour lui avoir livré Jugurtha. Une faveur de courte durée : en 42 de l’ère moderne, Rome annexe les deux royaumes, instaurant une frontière administrative officielle, la Moulouya, entre la Maurétanie césarienne (Cherchell) et la Maurétanie tingitane (Tanger). Cette division, calquée sur les réalités antiques, perdure près de cinq siècles.

Continuité historique

Avec l’islamisation, la Moulouya conserve son rôle structurant. Idrissides, Almoravides, Almohades, Zianides ou Mérinides, tous maintiennent cette ligne comme seuil d’influence entre Fès et Tlemcen. Ce découpage hérite directement des logiques antiques et romaines, soulignant la cohérence géopolitique de la région.

L’épisode de 1692 : la bataille de la Moulouya

En mai 1692, le dey d’Alger, Hadj Chaaban, affronte sur la Moulouya les troupes de Moulay Ismaïl, désireux d’étendre son territoire à l’est. Malgré l’infériorité numérique (13 000 Algériens contre 19 000 Marocains), la bataille tourne à l’avantage d’Alger : 5 000 Marocains tués contre une centaine de pertes algériennes, selon Léon Galibert (1). La suite – la reddition de Fès et les mots de Moulay Ismaïl («Tu es le couteau et moi la chair») – actent symboliquement la reconnaissance de la frontière.

La rupture ottomane et l’impéritie coloniale

Ce n’est qu’avec le déclin ottoman que la frontière est remise en question. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, Alger repousse les visées marocaines sur Oujda. En 1795, affaiblie, elle cède : le Maroc s’y installe, déplaçant la frontière vers l’Oued Kiss. Une rupture tardive d’avec une tradition vieille de deux millénaires.

Paradoxalement, la colonisation française aurait pu corriger cela. En se proclamant héritière des Ottomans, la France, via l’article 5 de la convention de Tanger (1844), évoque un maintien des frontières anciennes. Mais la convention de Lalla Marnia (1845) entérine au contraire les gains marocains. Mas Latrie (2) y voit l’effet combiné de l’incompétence française et de la duplicité marocaine.

Une mémoire géopolitique prégnante

A l’indépendance, l’intangibilité des frontières coloniales consacre cette distorsion historique. Pourtant, comme le souligne Mas Latrie, «un fait qui persiste depuis vingt siècles constitue un droit respectable, que ne sauraient effacer quelques usurpations récentes». (3)

La Moulouya, pendant plus de deux mille ans, a séparé des entités politiques distinctes au Maghreb. Cette mémoire géographique n’a pas disparu : elle éclaire encore le contentieux frontalier qui a perduré jusqu’au Traité d’Ifrane en 1972.

Dans ce contexte, les affirmations de Sansal apparaissent moins comme une opinion que comme une falsification historique. Leur retentissement, plus encore que leur contenu, interroge cependant : connaissons-nous vraiment notre propre histoire ? Et surtout, l’enseignons-nous ?

M. B.

1) Léon Galibert : L’Algérie : ancienne et moderne depuis les premiers établissements des Carthaginois jusqu’à la prise de la Smalah d’Abd-el-Kader, Paris, Furne et cie, 1844.

2) André de Mas Latrie : «A propos du Maroc et de la frontière algéro-marocaine», conférence Castres, 13 février 1909. BNF.

3) Id.

Comment (4)

    en tout cas ce n'est pas à toi que je confie l'écriture de notre histoire
    13 mai 2025 - 15 h 27 min

    ce mouanis bekaris vient avec son histoire au rabais pour nous l’imposer à nous.
    1 le fleuve moulouya a toujours été la frontière « nord » de l’algérie depuis l’antiquité à 1830. oujda était une ville algérienne construite te fondée par ziri ibn atiya. au sud les frontièrees algéériennes vont bien audelà de nos frontières actuelles. le maroc était juste deux petites provinces de marrakech et de fez. d’ailleurs lemaroc s’appelait marrakech et non pas le maroc. en espagnole te ne angalis morocco ou morocos vient de marrakech. il suffit de voir toutes les cartes de l’Afrique du nord depuis leur existence vers le 15ieme siecle à 1830, le maroc était tout le tremps un petit territoire de marrakech./ même le roi de marrakech attestait lui même suite au traité de paix avec l’espagnee n 1767, que les frontières du maroc s’arrêtent au oued Noune au sud du maroc, même pas les frontières du maroc reconnu par le droit international et l’ONU, nos guerriers sanhadjas occupaient tout le sud est du maghreb, et le sahaar occidental s’appelait toujours « terre de sanhadjas » et on le voit sur toutes les cartess du monde depuis le 15ieme siecle !

    je rappelle cet historien mouanis, que les « expéditions punitives » du Dey d’alger contre le roi du maroc, étaient nombreuses et toutes étaient soldés par des victoires écrasantes des algériens sur les terres marocaines à Fez. ce qui enclenchait ces expéditions punitives, c’est quand le roi du maroc s’approchait toujours en vain de tlemcen. même à 20 contre 1 les marocains n’ont pu prendre la ville des zianides et du redoutable guerrier Abou Qurra que les idrissides (quand ils envahissent et créent marralkech), reconnaissaient sa supériorité et sa puissance, au point de lui construire ne guise de cadeau (voire de soumission) une mosquée à tlemcen.

    je vais t’en donner d’autres sources, et mes sources datent d’avant la colonisation française, qui depuis la colonisation française de l’algérie , la france a tenté de détourner toute notre histoire vers le maroc. si la franec a demand au roi de marrakech de changer de nom en 1908, passant de marrakech à maghreb en arabe, c’est juste pour détourner notre histoire. car avant 1908, quand on parlait de maghrébins dans le monde arabe, on faisait allusion aux algériens et non pas aux marocains qui ne pesaient rien du tout face aux algériens. je cite comme exemple ce mathématicien algérois très connu « ibn hamza el maghribi », depuis que le maroc a volé le nom du maghreb en 1908, ce mathématicien a été rebaptisé  » ibn hamza al jazairi » par les arabes eux même pour empêcher que le maroc nous vole nos héros/.

    pour cette bataille de 1692, comme c’est décrit dans nos tachrifates que la france refuse de les restituer à l’algérie, c’est en faisait suite à l’attaque sur tlemcen par l’armée du roi du maroc, en contournant oujda et passant par le sud, que le dey chabane a envoyé une armée d’alger pour protéger tlemcen. malgré leur supériorité numérique, les marocains étaient 12.000, les tlemceniens étaient à peine 1000 ou 2000. malgré cela, les tlemceniens ont infligé de lourdes défaites aux marocains 1000 marocains tués contre 247 tlemceniens. ils ont tenu le siège jusqu’à l’arrivée du renfort d’alger. et l’agression marocaine se termina en sempiternelle débâcle de l’armée marocaine. source « Tachrifat, recueil de notes historiques sur l’administration de l’ancienne régence d’Alger », par A. de Voulx. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57888627/f12.image.r=tachrifat#
    mais 1699 il y a eu plusieurs autres expéditions punitives du dey chaabane, dont une où 10.000 guerriers algériens ont détruit à Fez l’armée du roi, composée de 60.000 soldats source : on gallica « Histoire du royaume d’Alger avec l’état présent de son gouvernement, de ses forces de terre & de mer, de ses revenus, police, justice politique & commerce »
    et une autre « La bataille s’engagea le 28 avril 1701, à midi, et se termina à quatre heures par la déroute de Muley Ismaël, qui fut blessé, et faillit tomber entre les mains du vainqueur. Trois mille têtes de soldats marocains et cinquante de Caïds furent rapportées à Alger, où la victoire fut fêtée pendant plusieurs jours, » page 270 source Histoire d’Alger sous la domination turque (1515-1830), par H.-D. de Grammont. (5 juin 1886.) BIEN ENTENDU L’ALGERIE N’A JAMAIS ÉTÉ SOUS DOMINATION TURQUE, CE MENSONGE HISTORIQUE FRANCO MAROCAIN EST JUSTE POUR JUSTIFIER LEUR COLONISATION POUR LES UNS ET LEURS DEFAITES HUMILIANTES FACE AUX ALGERIENS POUR LES AUTRES.

    oujda comme c’est écrit dans cet article n’a jamais été marocaine et pour preuve, la france reconnait son erreur d’offrir au maroc nos terres à l’est du fleuve moulouya :  » Il est à regretter que nos agents se soient laissé duper par ceux du sultan et qu’au lieu de la frontière naturelle de la Moulouïa, ils aient accepté une frontière ouverte qui laisse au Maroc, avec Figuig, la roule du Touat et du Sahara. » page 28 « Histoire de l’Algérie » / par A. Renard, (Charles Abel). Auteur du texte
    Éditeur : Hachette (Paris)
    Date d’édition : 1910

    les cavaliers de l’émir abdelkader ou de cheikh bouamama, veillaient à ce qu’aucun marocain n’osait franchir le fleuve moulouya sans avoir la tête tranchée : « Cependant Muley-Hachem, neveu de l’empereur régnant, et son kaïd El-Hamar, se rendirent parmi les tribus encore indécises pour les engager dans un mouvement qu’ils préparaient contre l’émir Abdelkader. Mais celui-ci, instruit de ces tentatives, se résolut à porter un coup qui frappât de terreur ses nombreux ennemis. Deux cents cavaliers marocains étaient assemblés à quelque distance de son camp ; il courut à leu rencontre et les culbuta. En même temps un de ses aghas, Ben-Jahia, attaquait un camp marocain, et l’enlevait avec une grande vigueur : le khaïd marocain El-Hamar fut pris et eut la tète tranchée. » Histoire de l’Algérie, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, par J.-J.-E. Roy PAGE 287 SUR GALLICA

    Anonyme
    13 mai 2025 - 14 h 43 min

    Oui, a grande majorité des algériens, et je parle de ceux qui ont eu la chance de faire des études en particulier universitaires, ne connaissent pas l’histoire de notre pays. Comment voulez-vous qu’ils la connaissent quand en 1962 à l’indépendance de l’Algérie au moins 90 % de la population était analphabète. En 1962, j’ai fait ma 1ere rentrée scolaire à l’âge de 10 ans (je ne parlais que chaouia ma langue maternelle), mon maître de cours d’arabe était un taleb de Coran il a eu « la chance’ d’avoir fait de la prison avant 1962. A cette occasion on lui avait enseigné les rudiments de grammaire arabe. Et l’instituteur de français avait juste le niveau d’école primaire. En Europe pour être instituteur vous devrez avoir Bac plus 5 années d’université, réussir un concours et suivre une année de formation de pédagogie et de stage pratique.
    Maintenant 63 ans après l’indépendance, on commence à peine à se réaproprié une partie de notre histoire. Il n’est pas trop tard de rectifier notre frontière à la lumière de toutes les preuves dont on dispose et boucler la gueule du Makhzen une fois pour toute. Nous avons les moyens nécessaires pour arriver à ce but.

    Nermal
    13 mai 2025 - 12 h 09 min

    Pourquoi ils donneraient de l’importance à ce soûlard ?

    Non & Non
    13 mai 2025 - 12 h 00 min

    Connaissons-nous vraiment notre propre histoire ? –
    L’enseignons-nous ?
    .
    La société civile essaie de Corriger les Carences et les Manques des Institutions Éducatives et Culturelles, mais cela ne peut pas être la seule Solution

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