Quand sacrifier un mouton est barbare et raser un peuple à Gaza est civilisé
Par A. Boumezrag – En France, l’abattage rituel sans étourdissement est au cœur des débats. Une association a renouvelé sa demande d’interdiction de cette pratique, jugée contraire au bien-être animal. Des personnalités comme Brigitte Bardot ont également exprimé leur opposition, dénonçant une généralisation de l’abattage rituel en France.
Pendant ce temps, à Gaza, la situation humanitaire est catastrophique. Depuis la reprise des hostilités en mars 2025, les bombardements israéliens ont causé la mort de milliers de civils, dont de nombreux enfants et femmes. Le 7 mai, une frappe aérienne sur la rue Wehda a tué au moins 33 personnes et en a blessé plus de 90. Le 26 mai, une école servant de refuge a été bombardée, causant la mort d’au moins 36 personnes, dont 18 enfants.
La famine menace également la population. En mars, Israël a coupé toute aide humanitaire à Gaza, provoquant une augmentation des prix alimentaires jusqu’à 1 400% et une pénurie généralisée de nourriture. En mai, plus de 66 000 enfants souffraient de malnutrition sévère, selon l’UNRWA.
Hypocrisie en trois actes
Le religieux est archaïque. Un acte de foi ? Suspect. Un sacrifice rituel ? Sauvage. Une tradition millénaire ? Un délit en devenir. Le sacré dérange, car il n’est pas négociable. Alors la République, prudente, préfère les religions édulcorées : sans dogme, sans mystique, sans rite. Un peu de Dieu, mais pas trop.
L’idéologie est légitime. En revanche, l’idéologie, elle, est tolérée – voire célébrée -, surtout quand elle s’appelle «sécurité nationale», «ordre démocratique» ou «stabilité régionale». Elle bombarde avec méthode, nettoie avec précision, opère avec technocratie. Le sang, ici, est stratégique.
La souffrance, c’est politique. La souffrance des uns est émotion, celle des autres est statistique. On pleure l’agneau dans le XXe arrondissement, mais on relativise les morts de Khan Younès. On interdit le couteau du boucher, mais on finance les drones du bourreau.
Il fut un temps où l’on sacrifiait un mouton pour se rapprocher de Dieu. Aujourd’hui, on sacrifie des peuples pour ne pas contrarier les puissants. La République s’indigne d’un rituel, mais détourne le regard devant un massacre. Dans le théâtre contemporain des principes, on brandit la laïcité comme bouclier, pendant que les bombes tombent sur ceux qui n’ont que la prière comme refuge. Le monde moderne ne manque ni de lois ni de bombes. Il manque seulement de honte.
Dans ce grand théâtre du monde, où l’on juge les rites ancestraux plus coupables que les carnages modernes, souvenons-nous que la barbarie n’est pas dans le sacrifice, mais dans l’indifférence. Parce qu’il est bien plus simple d’interdire un couteau que d’arrêter une bombe.
La honte, cette vertu perdue
La honte, autrefois sentiment moral, est aujourd’hui un accessoire de communication. Elle s’active à la carte, en fonction de la géopolitique, du carnet d’alliances et du bon goût médiatique. On a honte d’un tweet déplacé, d’un mot de trop, d’un sacrifice rituel dans une cité HLM. Mais des bombes sur des hôpitaux, des enfants affamés, des peuples rayés de la carte ? Non. Là, on appelle ça «complexité». La honte n’est plus une boussole morale, elle est un filtre de convenance. On ne l’éprouve plus face à l’horreur, seulement face à l’audience.
Au printemps 2025, l’Occident discute du bien-être animal, tout en participant, de près ou de loin, à l’anéantissement d’un peuple. L’agneau fait pleurer dans les salons. Le peuple sacrifié, lui, ne fait que déranger. Parce qu’en vérité la honte n’est plus liée à ce que l’on fait, mais à ce que l’on montre. Ce n’est pas l’injustice qui indigne, c’est qu’on l’ait filmée. Et pendant que les caméras zooment sur un mouton attaché, Gaza continue de saigner – hors champ.
A. B.
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