Guerre entre l’Iran et Israël : le premier qui tire boira le poison de la défaite !
Par Ali Akika – Avant toute chose, une guerre se juge sur les raisons de son déclenchement, sur sa conduite politique et militaire mais, en définitive, ce sont les résultats qui comptent au regard des objectifs fixés par les protagonistes de ladite confrontation. Déroulons le film de cette guerre qui débuta dans la nuit du 12 au 13 juin. «Vous avez commencé la guerre mais c’est nous qui la finirons !» Cette phrase, nous l’avons retrouvée depuis le 13 juin dans les discours de l’Iran dont le pays venait de subir l’agression d’Israël. Douze jours plus tard, dans un silence de cimetière, l’agresseur allait boire le calice jusqu’à la lie de la défaite, et son allié Trump était plus à l’écoute de l’Iran.
En effet, la riposte iranienne aux bombardements américains, la menace de quitter le Traité de la non-prolifération des armes atomiques ainsi que la fermeture du détroit d’Ormuz prouvent que l’allié israélien ne pèse pas lourd face aux intérêts des Américains, renforcés par le refus d’une partie du peuple américain contre la guerre. Evidemment, toutes ces données sont allégrement mises de côté au profit des «exploits» du Mossad, qui tue des savants dans leurs lits et fascine les hâbleurs des médias. Les mêmes qui ont raconté les mêmes idioties sur la Russie, les mêmes haines et silence complice sur Gaza, et voilà qu’ils recommencent sur l’Iran. Le mieux est d’énoncer les faits bruts de décoffrage, à l’opposé du supplice des mensonges, des fanfaronnades et des sentiments haineux de nos légendaires perroquets. Mais avant de dresser la liste des faits et leur développement, rappelons les buts de toute guerre, une fois déclarée.
Pour Israël, les objectifs énoncés par Netanyahou en personne sont : détruire totalement toutes les installations nucléaires de l’Iran, et devant l’échec prévisible de ce «noble» but, arrive en second point l’assassinat du Guide de la République islamique iranienne et, cerise sur le gâteau, mettre fin au régime iranien. Quant aux buts de l’Iran, ils sont clairs et précis : la guerre cessera quand l’ennemi arrêtera son agression et le droit à un nucléaire civil est non négociable. En dépit du décalage entre les faits et les discours formatés, nos perroquets ont élu Netanyahou «vainqueur» comme ils ont élu Poutine vaincu après un éventuel coup d’Etat fantasmé par leur petite imagination rabougrie. Voyons les faits et les images sans œillères.
– 13 juin, Israël lance son attaque préventive sous prétexte d’une menace «existentielle». La notion de préventive n’existe nullement dans le droit international mais l’agression d’Israël est cependant «justifiée» par des pays qui se veulent des modèles du droit et de la «démocratie».
– 23 juin, bombardements déchaînés d’Israël sur Téhéran, notamment sur trois lieux symboliques : place de la Palestine, la prison d’Erwin, la Télévision iranienne et l’entrée des tunnels sur les flancs de la montagne Fordo où sont enterrées des installations nucléaires iraniennes.
– Quelques heures avant le cessez-le feu, l’Iran a tenu sa promesse de répondre à l’attaque de ses installations nucléaires par les Américains, en bombardant leur base militaire au Qatar où siège le Centre de commandement américain de tout le Moyen-Orient. Avant l’entrée en vigueur du cessez-le feu à 5h du matin, des missiles tombent sur la ville de Beersheba qui provoquent 4 morts et des bâtiments en ruine. Rappelons que Beersheba est le centre du complexe atomique d’Israël de Dimona, tout un symbole, que les Iraniens ont voulu rappeler au monde entier. Trump annonce un cessez-le feu demandé par l’intermédiaire du Qatar, lequel le proposa à l’Iran, et ce dernier accepta. Trump voulait aller au sommet de l’Otan en Europe, auréolé de sa «victoire» à travers le cessez-le feu imposé à Israël.
– Quant à Israël, dans le ciel iranien, il finissait leurs bombardements en Iran avant de retourner à leurs bases pour appliquer le cessez-le-feu. Dès l’annonce officielle du cessez-le-feu, Netanyahou intime l’ordre à ses ministres de se taire. Un vent mauvais sentant l’odeur de la défaite enclencha une avalanche de déclarations en Israël comme celle de l’ancien ministre de la Défense Lieberman, qui avait l’impression de goûter au poison de la défaite. Quant à l’actuel ministre des Finance, la rage guidait son comportement, et seule la future destruction de Gaza apaiserait son angoisse en espérant que le retour des soldats du front iranien allait se traduire par la conquête de Gaza.
– Le cessez-le-feu est fixé à l’heure de l’Iran 5h du matin (6h en France), évidemment violé par Israël dont le ministre de la Défense Katz promettait un bombardement de Téhéran d’une grande intensité. Son comportement exaspéra Trump qui le fit savoir devant l’avion qui l’emmenait à sa réunion de l’Otan.
Pour analyser les événements dont je viens de faire la liste, il faut y ajouter le bombardement à Téhéran de trois lieux symboliques : la place de la Palestine, la prison d’Erwin et la Télévision iranienne. Ces symboles en disent long sur l’infantilisme qui nourrit les propagandistes. Effacer le nom de Palestine et bombarder une prison. Pourquoi bombarder une prison ? Pardi pour libérer les prisonniers politiques et aider au «soulèvement populaire» qui va dissoudre le régime. Le simple fait de penser un soulèvement dans de pareilles circonstances renseigne sur l’impuissance politique et la médiocrité intellectuelle de leurs auteurs. Cette impuissance est le péché mignon de ceux surestiment et la force bestiale et brutale et sous-estiment leur ennemie.
Dans le cas de la guerre actuelle, c’est la croyance dans un exploit réussi du Mossad le 13 avril qui s’est traduit par l’élimination d’officiers supérieurs et de scientifiques qui a fait sensation. Bien que ces assassinats soient de grandes pertes, ils n’ont aucun effet stratégique sur le projet, sauf quelques mois de retard dû à la transmission des savoirs. La sidération de l’opinion et le spectacle médiatique qu’il a engendré ne peuvent avoir de conséquences dans un pays reposant sur une histoire millénaire, une culture scientifique, un art de la guerre et qui plus est, aguerrie par une quarantaine d’années d’embargo et de sanctions. La preuve a été donnée par le remplacement des cadres assassinés et la riposte rapide dans la nuit du 13/14 juin. A cela, il faut ajouter l’utilisation rationnelle des ressources matérielles et des compétences dans les manœuvres tactiques qui servent les objectifs fixés, à savoir perdurer dans le temps et exploiter les faiblesses de la société de l’ennemi.
La suprématie de l’arme de l’aviation de l’ennemi et ses gains tactiques n’ont pas détrôné les avantages des profondeurs stratégiques de l’immense territoire iranien. Les perroquets et autres ignorants ne retenaient que la maîtrise technique du ciel et oubliaient les coûts de l’énorme logistique des avions qui volaient à des milliers de kilomètres entre le décollage et le retour à leur base. A l’inverse, le bombardement par missile est plus «léger», les rampes de lancement sortent de leurs tunnels ou bien à l’abri des profondeurs stratégiques du territoire ont rivalisé avec les bombardements de l’aviation de l’ennemi. Et nos perroquets comptaient sur l’épuisement des stocks de missiles qui mettrait fin à la guerre.
Netanyahou était conscient du piège d’une guerre longue et le déclara publiquement. Il faut croire que Gaza lui a appris la leçon de la guerre prolongée qui est l’apanage des guerres révolutionnaires et non de conquête qu’il pratique. A ce propos, il faut se rappeler la magistrale leçon de l’art de la guerre donnée par l’Iran lors de sa riposte à l’attaque de son consulat en Syrie en avril 2024. L’Iran envoya un essaim de drones et une centaine de missiles pour saturer à la fois les Dômes de fer et les localiser sur tout le territoire (1).
Dans la confrontation actuelle, les renseignements recueillis en avril 2024 ont grandement servi au barrage de missiles envoyés durant ces douze jours de guerre. Ces missiles ont percé le rideau de protection du Dôme de fer et ont fait augmenter l’inquiétude des habitants de Haïfa et Tel-Aviv.
En conclusion, dans mon dernier article, j’écrivais que le sort de la guerre dépendait des contradictions qui traversent la société des acteurs de la guerre. A l’évidence, les oppositions rencontrées à l’intérieur par Trump l’ont poussé à en finir avec la guerre Iran-Israël. Il prit conscience des pièges tendus et réussis de Netanyahou et a fait bombarder le site nucléaire de Fordo pour reprendre la main sur son allié. Il fit ce bombardement qui entraîna une riposte sur la base militaire au Qatar. Il prit ce double risque vis-à-vis d’une partie de son électorat opposé à la guerre et à l’encontre de l’Iran qui jura de riposter à toute opération militaire sur son territoire.
Apparemment l’opposition de Netanyahou n’était pas un mur infranchissable vu la dépendance d’Israël, politique et militaire, à l’égard des Etats-Unis. Colère de Trump, avant de prendre l’avion pour les Pays-Bas, où se tient une réunion de l’Otan, contre Netanyahou qui voulait violer le cessez-le-feu et faire capoter l’accord arraché avec l’aide du Qatar. Cette ultime tentative échoua heureusement car elle risquait de relancer la guerre, comme le sabotage du rendez-vous du 15 juin où Américains et Iraniens devaient se rencontrer pour faire des avancées sur l’accord sur le nucléaire. Netanyahou piégea de la même façon le président Macron qui dut reporter la réunion de l’ONU sous la double présidence de la France et de l’Arabie.
En résumé, la dynamique enclenchée par la guerre, le 13 juin, n’a pas été vraiment maîtrisée par le duo Trump-Netanyahou. La colère de Trump contre Netanyahou en témoigne. Ce dernier va avoir des déboires avec sa classe politique dont j’ai cité quelques noms plus haut. Quant à Gaza, beaucoup l’attendent au tournant, à commencer par les familles des prisonniers de la résistance qui, ces derniers temps, ont réussi des faits d’armes non négligeables.
A l’évidence, bien que l’Iran ait subi des pertes, ses installations nucléaires malmenées sont réparables tant que le savoir et l’expérience du nucléaire demeurent. Le précieux uranium enrichi est entre les mains de l’Iran. La guerre de ces douze jours va influer sur le paysage politique et militaire de la région. D’abord, à Gaza que l’Europe, si proche par la géographie du Sud dit Global, ne peut plus ignorer la Palestine avec une telle légèreté sans perdre un peu de ses intérêts et influence politique. Quant aux régimes féodaux de la région qui ont vu leurs «Accords d’Abraham» partir en fumée le 7 octobre 2023, ils ont intérêt à maîtriser la nouvelle dynamique en cours pour assurer leur sécurité.
La présence des bases étrangères et le survol de leurs pays par des puissances étrangères allant bombarder un pays voisin sont des facteurs de menace à l’avenir. L’exemple du bombardement de la base américaine au Qatar la nuit du 23 juin par l’Iran est à méditer.
Dernière minute, CNN affirme que les installations nucléaires de l’Iran ne sont pas détruites. Les perroquets de la désinformation vont être douchés dans leur joie.
A. A.
(1) Article : https://www.algeriepatriotique.com/2024/04/18/iran-le-14-avril-ou-la-magistrale-lecon-de-lart-de-la-guerre/
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