Dérapage sur l’Algérie, cas Aïchi, scandales : Macron incarne-t-il vraiment le changement ?
Si la prise de fonction d’Emmanuel Macron a été plutôt bien négociée, au fil des jours, la suite paraît de moins en moins un long fleuve tranquille et pour cause. Outre ses propos tenus lors de son premier déplacement sur le continent africain, des propos vite rectifiés par le porte-parole de l’Elysée, à l’adresse du Mali et de l’Algérie, pays où il avait été reçu «en ami», et contre lesquels il a adressé un avertissement à peine voilé qui suggère que le président français entend rester le gendarme de l’Afrique, en plus de l’actualité internationale, marquée notamment par l’attentat terroriste qui a frappé le Royaume-Uni, dont l’impact est bien évidemment mesuré en France –, les premiers jours du nouveau président à l’Elysée se trouvent émaillés de couacs pouvant remettre en question sa capacité à objectivement incarner ce changement tant attendu auquel il avait, alors candidat, appelé de ses vœux tout au long de la campagne.
D’une part, le rétropédalage sur les investitures au profit du Modem de François Bayrou – une quarantaine de candidats prévus initialement avant de passer à une centaine après que le centriste a manifesté son mécontentement – est perçu comme un accord d’appareil, et dénoncé par ses adversaires comme la continuité des traditions en vigueur dans le paysage politique français. Des modes de fonctionnement obéissant aux injonctions clientélistes et aux pressions qu’ont l’habitude d’exercer les lobbies sur le pouvoir politique. A ce sujet, le cas de la sénatrice franco-algérienne Leïla Aïchi, investie puis retirée par En marche !, suite au chantage marocain, est révélateur du poids du passé.
Ensuite, rattrapé par les soubresauts et les impondérables de la campagne électorale qui, elle aussi, a laissé des traces, Emmanuel Macron doit faire face, malgré lui, aux nouvelles révélations du Canard enchaîné dans sa livraison du mercredi 24 mai. Selon l’hebdomadaire, Richard Ferrand, le nouveau ministre de la Cohésion des territoires et un fidèle parmi les fidèles du président pour avoir été la cheville ouvrière du mouvement En Marche !, serait impliqué dans une affaire immobilière. Une accusation qui tombe au moment où une loi sur la moralisation de la vie publique, portée par le garde des Sceaux et ministre de la Justice, François Bayrou, devrait être présentée avant les élections législatives de juin prochain. Les Républicains comptent d’ailleurs saisir les procureurs de la République et national financier sur cette affaire qui ressemble à celle du candidat de la droite, François Fillon, dont l’on connaît les conséquences.
Face, enfin, à la menace terroriste qui plane, amenant le chef des Armées à demander au Parlement de prolonger l’état d’urgence en vigueur depuis novembre 2015 jusqu’au 1er novembre prochain, en attendant une nouvelle loi sécuritaire permettant notamment la création de la Task Force, une cellule d’une cinquantaine de personnes rattachée à l’Elysée, Emmanuel Macron devrait aussi s’occuper de cette France qui grogne – près de la moitié du corps électoral si l’on ajoute l’abstention. Celle qui a, en 2017, avec engouement donné de la voix et voté pour les extrêmes. Tout comme il lui faut trouver un emploi à la France qui ne travaille pas (un peu plus de 6,5 millions de chômeurs) et prêter une attention particulière à toutes celles et ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté (près de 9 millions).
Même si 67% des Français estiment que «les premiers pas du nouveau président vont dans la bonne direction», il n’en reste pas moins que le drame pour lui serait que, par le fait qu’Emmanuel Macron eût trop promis et eût donné le sentiment d’être l’homme providentiel, les Français déchantent quoi qu’il fasse. Dès la rentrée, et possiblement au lendemain des législatives, l’occupation des rues de Paris et de provinces n’est pas à écarter.
De Paris, Mrizek Sahraoui
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