Brèche stratégique ?
Par Sid-Ali Mokhefi – La frappe surprise ordonnée par Donald Trump sur les installations iraniennes, sans concertation, ni mandat onusien, a provoqué bien plus qu’un séisme militaire. Elle marque un basculement géopolitique, économique et diplomatique. Le monde entre dans une ère plus risquée, plus instable où la peur, les alliances et les marchés redessinent les équilibres.
Dans les heures qui ont suivi, le pétrole a bondi, le dollar a chuté, l’or s’est envolé. Ce ne sont pas seulement les indices qui ont tremblé, mais la confiance dans un ordre mondial structuré. Les marchés réagissent désormais à l’impulsivité d’un seul homme. Une telle dérive de pilotage n’avait pas été observée depuis des décennies.
En mai 2025, Donald Trump entame une tournée éclair dans le Golfe. Officiellement, il s’agit de renforcer la coopération stratégique avec ses partenaires. Officieusement, Doha devient le centre discret de la phase finale d’un plan d’attaque déjà prêt. A la base américaine d’Al-Udeid, les mouvements logistiques s’intensifient. Drones, munitions, systèmes de défense sont discrètement pré-positionnés. Derrière les contrats d’armement annoncés, des instructions sont données. L’opération est scellée.
Le Qatar n’est plus un simple acteur gazier : il devient le cœur tactique d’une coalition silencieuse. La visite de Trump, sa rencontre avec l’émir, l’activation d’unités à Al-Udeid… tout converge vers un basculement programmé. Israël prépare ses cibles. Le 13 juin, il frappe. Le 21, les Etats-Unis suivent. L’enchaînement n’a rien de spontané. Il est le produit d’une mécanique planifiée.
Le choc est mondial. L’Iran, ciblé dans ses installations nucléaires, riposte verbalement et cherche des soutiens. La Chine et la Russie capitalisent sur le discrédit américain. L’Arabie saoudite temporise. Israël verrouillé. L’Egypte, le Pakistan, l’Indonésie calculent. Les BRICS observent, mesurent l’impact.
Au sommet de La Haye, convoqué en urgence, l’Otan officialise sa position. Elle soutient l’opération, mais annonce surtout une montée en puissance historique. Les Etats membres s’engagent à porter les dépenses de défense à 5% du PIB. Une manière de réduire leur dépendance à Washington, tout en consolidant leur présence stratégique. Le secrétaire général parle d’un tournant. L’Europe commence à réarmer. Le Qatar, dans l’ombre, reste central.
Mais au-delà du soutien, que fera l’Otan demain ? Va-t-elle assumer un rôle stabilisateur actif au Moyen-Orient ? Va-t-elle s’impliquer dans les négociations de sortie de crise ? Ou se contentera-t-elle d’un rôle technique, calibré autour de la dissuasion et du réarmement ? Rien n’est encore tranché. Ce qui est sûr, c’est qu’un nouvel ordre s’installe. Moins lisible. Moins contrôlable.
Ce qui se joue dépasse le Golfe. C’est l’autorité même du leadership américain qui se fissure. A vouloir incarner l’imprévu, Trump a peut-être ouvert une brèche stratégique. Dans ce monde en mutation, le respect ne se décrète plus : il se construit, patiemment, par la cohérence, la légitimité et l’alliance des volontés.
Mais pour l’heure, c’est le désordre qui s’impose. Et l’histoire l’a souvent prouvé : les chaos semés par la force finissent toujours par engloutir leurs instigateurs.
S.-A. M.