Gleizes, Zidane et le chantage : l’Algérie ne se gouverne pas sur un plateau télé
Une contribution de Mohamed El-Maadi – Quelque chose de prévisible et d’assez indécent se joue sur les écrans français : la famille de Christophe Gleizes, condamné en Algérie pour espionnage, s’exprime au journal de 20h, appelant Zidane et le «monde sportif» à faire pression sur les autorités algériennes. Comme si la justice d’un Etat pouvait être renversée par l’icône d’un ballon rond. Comme si l’Algérie n’était qu’un département d’outre-nostalgie gouverné depuis les studios de TF1.
Cette scène n’est pas seulement grotesque. Elle est révélatrice. Elle en dit long sur la perception que certains en France continuent d’avoir à l’égard de l’Algérie : celle d’un pays infantile, émotionnellement corruptible, encore sous la tutelle symbolique de ses anciennes idoles. On convoque Zidane comme on appelait autrefois l’évêque local à intercéder auprès du chef berbère. Un messianisme sportif pour régler des litiges diplomatiques.
Soyons sérieux.
Christophe Gleizes n’a pas été condamné pour avoir écrit un article ou prononcé un mot de travers. Il a été condamné pour atteinte à l’intégrité territoriale, à l’issue d’un procès conduit dans un cadre juridique souverain. L’Algérie, que cela plaise ou non, n’est pas un terrain vague juridique. C’est un Etat, avec ses lois, ses juges, ses procédures. Et l’on n’efface pas une condamnation pour crime d’Etat par un prime-time lacrymal.
On ne peut pas, d’un côté, affirmer respecter la justice algérienne quand elle emprisonne un trafiquant ou un terroriste, et de l’autre, la délégitimer dès qu’un citoyen est condamné pour une activité gravissime. Cette politique de deux poids et deux mesures n’est pas seulement un aveu de mépris, c’est une persistance coloniale.
Et puis, il y a ce recours absurde au «monde sportif». Tant qu’à faire, pourquoi ne pas faire appel à Mbappé pour influencer la politique migratoire ? A Benzema pour régler le conflit israélo-palestinien ? On ne demande pas à Zidane de plaider pour des détenus algériens injustement condamnés en Europe, souvent dans le silence assourdissant des caméras. Alors, pourquoi l’exhiber, ici, comme un joker émotionnel ?
Ce procédé est une forme de chantage moral, inacceptable dans les relations internationales. Il vise à contourner les voies diplomatiques classiques en provoquant une pression de rue, en activant les ressorts compassionnels de la société française. Mais cette méthode s’effondre devant un fait fondamental : l’Algérie n’est pas une République de l’émotion, elle n’a pas à obéir aux larmes, aux caméras ou aux icônes.
Le plus tragique dans cette affaire n’est pas tant la tentative de manipulation que ce qu’elle révèle : une France qui peine à admettre qu’elle n’a plus de levier sur Alger. Alors, elle tente autre chose. Le pathos. Le sport. La télévision. En espérant que l’Algérie fléchira devant une vague de tweets.
Mais une nation qui a résisté à 132 ans de colonisation, une guerre atroce, une décennie de terrorisme et des vendettas économiques ne s’effondre pas parce qu’un plateau télé a versé une larme.
Alors non ! L’Algérie ne cédera pas. Elle jugera. Elle décidera. Sereinement. Et si la France veut faire valoir ses arguments, elle sait où se trouvent les canaux diplomatiques. Pas dans les couloirs de TF1.
M. E.-M.
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