Guerre et commerce

Accords d'Abraham
A Abraham, la paix est signée entre pays qui ne se faisaient pas la guerre. D. R.

Par A. Boumezrag – Depuis des siècles, on promet la paix au Moyen-Orient comme on promet le paradis fiscal : à condition de signer en bas. Chaque génération de diplomates ressort le même stylo, le même protocole et, surtout, la même illusion : que l’encre peut éteindre un feu qu’on alimente en coulisses. Sauf qu’au XXIe siècle, la paix ne se gagne plus, elle se vend.

Au Moyen-Orient, la paix est un produit de luxe. Elle s’achète, se négocie, se photographie, mais ne se livre jamais. On signe, on applaudit, on encadre le document, on l’expose au musée, pendant que les bombes continuent de tomber à quelques kilomètres du tapis rouge.

On ne cherche plus à éteindre les conflits, on les stabilise juste assez pour les rendre exploitables. Il faut qu’ils brûlent lentement, mais pas trop fort, pour produire l’illusion d’un progrès diplomatique. Le conflit devient la matière première, l’accord de paix, le produit fini.

Prenez Camp David, 1978 : l’Egypte récupère le Sinaï, Israël obtient reconnaissance diplomatique, les Etats-Unis financent les deux. Un deal de paix comme un pack d’alliance stratégique, avec annexe militaire incluse. Résultat : Sadate meurt assassiné, Begin obtient un Nobel, la Palestine sort du cadre.

Oslo, 1993 : le sommet des illusions. Une poignée de main, un Nobel encore, des promesses sans calendrier ni contraintes. Les colonies ? Multipliées par trois. L’Etat palestinien ? Toujours en projet. Mais le business de l’aide, des conférences et des ONG ? En plein essor.

Les accords d’Abraham, 2020 : là, on ne fait même plus semblant. La paix est signée entre pays qui ne se faisaient pas la guerre, en échange de drones, de contrats et de reconnaissance diplomatique. Les Palestiniens ? Absents du deal. Trump sourit. Les Emirats négocient des F-35. La paix devient un bonus géopolitique pour bons clients.

Et ailleurs ? En Ukraine, tant que la guerre rapporte, personne ne parle sérieusement de paix. Trop de contrats, trop d’alliances, trop d’armements en jeu. Au Yémen, la paix est une parenthèse logistique, le temps de recharger les missiles. En Libye, chaque cessez-le-feu débouche sur une vente d’armes et une commission d’enquête. En Syrie, la guerre est gelée, les sanctions actives et les tractations silencieuses. On vend la paix à huis clos pendant qu’un peuple agonise à ciel ouvert.

Et toujours le même rituel : un stylo offert par le «partenaire de paix» – souvent celui qui vend les armes –, une photo officielle, une ligne de crédit, une clause obscure et un peuple sans voix.

La guerre est menée à ciel ouvert, mais la paix se signe à huis clos. Ceux qui signent sont rarement ceux qui subissent. Ceux qui financent ne se battent jamais. Ceux qui applaudissent savent très bien que le conflit doit durer juste assez pour garantir que la paix ne soit jamais gratuite.

La paix ne se gagne plus, elle se célèbre, se contractualise, se monétise. Et si la guerre tue, la paix, elle, se vend très bien. Surtout quand le sang ne tache pas les mains des signataires, mais sèche discrètement sous leur stylo. Symbole sublime d’une époque où même l’instrument de la souveraineté n’est plus à nous. On signe avec ce qu’on nous tend. On accepte ce qui est déjà rédigé. On paraphe ce qu’on n’a pas négocié. Et si on refuse, on devient un «obstacle à la paix».

Alors on signe. Toujours en bas. Toujours dans l’ombre. Toujours au nom d’un peuple qui n’a jamais été invité.

A. B.

Comment (2)

    Oud
    16 juillet 2025 - 15 h 03 min

    Ils ont gagné le monde et perdu leurs âme
    Qu’elle est l’intérêt?
    Quand l’ heure de la mort approchera ils le regretteront amèrement

    🇩🇿 Fodil Dz
    16 juillet 2025 - 12 h 10 min

    Tous les protagonistes des pactes de la compromission (l’entité génocidaire sioniste, les nations traîtres arabes et le parrain américain) sont aux antipodes de ce qu’incarnait Abraham (paix et salut d’Allah sur lui).
    Il aurait été plus logique d’appeler cette honteuse trahison les accords d’abraha.

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