La dernière flamme
Par Saad Hamidi – Il est des moments où l’histoire se fige dans le silence honteux des nations. Gaza est ce miroir tendu à la face du monde, un éclat insoutenable dans lequel se reflètent la lâcheté, l’hypocrisie et la chute de l’éthique occidentale. Depuis des mois, la terre sacrifiée de Gaza saigne sous les bombes, ensevelie sous les ruines, regardant droit dans les yeux une humanité devenue étrangère à elle-même.
Chaque enfant déchiqueté, chaque cri sous les décombres, chaque regard vide dans les camps de réfugiés hurle une vérité que nul ne pourra enterrer : un peuple tout entier est voué à l’effacement sous nos yeux, et ceux qui se taisent en sont complices.
La puissance coloniale israélienne, jadis portée comme une «exception morale» par les capitales occidentales, a révélé sa véritable nature : un Etat d’apartheid, un régime génocidaire au nom de la mémoire – non pas pour honorer les morts de l’histoire, mais pour justifier les crimes du présent.
L’Occident, figé dans ses remords mal digérés de la Seconde Guerre mondiale, a troqué l’universalité des droits de l’Homme contre la raison d’Etat d’un autre temps. Il soutient, arme, et légitime l’oppresseur, au mépris du droit international, de la morale et de l’évidence humaine. Où est donc passée cette Europe des Lumières ? Où sont les chantres de la liberté d’expression et de la démocratie lorsqu’un peuple est lentement broyé sous des bombes à fragmentation ? Gaza les a fait taire.
Il est temps de parler vrai. Le colonialisme, qu’il ait eu le visage d’un croisé, d’un général parachutiste ou d’un Premier ministre à l’égo messianique, finit toujours par s’effondrer sous le poids de son propre mensonge. Richard Cœur de Lion a fini par plier face à la ténacité de Saladin. Bigeard, malgré ses galons, a dû s’incliner devant l’intégrité absolue d’un Ben M’hidi. Et, demain, l’arrogance militariste d’un Netanyahou – aussi féroce soit-elle – finira par échouer face à la détermination d’un peuple debout, porté par la mémoire et l’attachement à sa terre. C’est toujours ainsi que finit l’histoire des dominations.
Gaza n’est pas seulement une ville martyre. C’est une ligne de front de la conscience universelle. C’est ici que se joue la crédibilité morale de notre siècle. L’échec à arrêter ce carnage signe la faillite des institutions internationales, des ONG dévoyées, des médias corrompus et des sociétés civiles complices par leur silence.
Mais Gaza est aussi la promesse du sursaut. Car sous les gravats, la dignité résiste. Elle parle arabe, elle prie, elle aime, elle rêve – même cernée de feu. Elle refuse de mourir sans nom, sans poème, sans combat. Elle est la dernière flamme qui brûle encore dans la nuit morale de ce monde.
S. H.
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