Le nain Macron
Par A. Boumezrag – En Alaska, les regards se sont croisés, les alliances tacites se sont dessinées et les ego se sont mesurés. Trump et Poutine, maîtres de la scène internationale, Zelensky en équilibre sur la corde raide de la guerre, et Macron tentant de rappeler qu’il existe encore dans ce monde de géants.
Le monde est une arène où les loups ne se dévorent pas entre eux, mais se partagent la proie avec une précision chirurgicale. L’Alaska a été le théâtre d’une danse stratégique où chaque geste compte, chaque mot est pesé. D’un côté, Trump, président américain, mélange d’exubérance, d’arrogance et de pragmatisme calculé. De l’autre, Poutine, maître du temps, froid et patient, sculptant sa géopolitique avec la minutie d’un horloger russe. Entre les deux, Zelensky, président d’une Ukraine en guerre, joue un rôle imposé par les circonstances : défendre son territoire tout en jonglant avec les exigences des géants.
Et puis, en marge, Macron. Présent, mais marginal. La France, jadis grande puissance européenne et mondiale, tente de rappeler qu’elle existe encore sur la scène internationale, mais se retrouve souvent spectatrice des décisions qui redessinent le monde. Le contraste est cruel : là où les grandes puissances négocient, imposent et défient, Paris observe, s’invite parfois à la table, mais rarement pour influencer le cours des événements.
L’Europe n’est pas mieux lotie. Fragmentée, divisée et instrumentalisée par les événements, elle laisse le terrain libre aux acteurs majeurs. L’Allemagne, moteur économique mais hésitante diplomatiquement, reste prudente. Le Royaume-Uni, sorti de l’Union, tente de marquer son territoire diplomatique. Et la France, fidèle à sa tradition d’orgueil et de diplomatie, oscille entre visibilité et efficacité réelle. Le nain parmi les géants, c’est cette France qui tente de parler, mais dont la voix résonne comme un murmure face aux grondements des loups.
L’histoire rappelle que les «petits» peuvent parfois surprendre. Napoléon, pourtant minoré par les puissances européennes de son temps, a changé l’ordre du continent. Plus récemment, des Etats secondaires ont inversé des alliances ou imposé des décisions inattendues. La France pourrait jouer ce rôle, mais dans le contexte actuel, elle semble attendre que le monde la laisse s’inviter au banquet des géants.
La réalité géopolitique contemporaine est renforcée par l’émergence de la Chine comme superpuissance économique et stratégique. Pékin observe, investit, influence et étend son rayon d’action avec une patience et une précision que l’Europe peine à suivre. Les Etats-Unis, quant à eux, cherchent à maintenir leur leadership global tandis que la Russie consolide sa sphère d’influence régionale et mondiale. Dans ce triangle de forces, l’Europe, et singulièrement la France, peine à peser de manière décisive.
L’Alaska n’était donc pas seulement un lieu de rencontre : c’était un miroir. Il reflète la hiérarchie mondiale, les priorités des grandes puissances et les rapports de force invisibles mais décisifs. Les loups partagent la proie, construisent des pactes et testent la patience de ceux qui se croient encore au centre du jeu. Macron, le nain, tente de suivre le rythme, de se faire entendre, mais l’écho de sa voix se perd dans le vacarme des géants.
Et pourtant, même dans cette marginalisation apparente, une leçon se dessine : la diplomatie des «petits» exige observation, patience et anticipation. Si le nain sait quand agir et comment surprendre, il peut, parfois, inverser le cours des choses. Pour l’instant, Paris se contente d’applaudir, de noter et de rêver d’un rôle qu’il peine à incarner pleinement.
Entre les géants qui négocient et les loups qui dévorent, il reste toujours un nain qui croit être invité au festin.
A. B.
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