Tirs groupés contre Mohamed Charfi : les dessous d’un revirement déroutant
Par Nabil D. – Jusque-là présenté comme le sage, l’homme intègre à la rectitude indubitable, le garant d’élections propres et honnêtes, Mohamed Charfi, le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), a vu sa réputation s’écrouler comme un château de cartes du jour au lendemain, après l’annonce des résultats de la présidentielle du 7 septembre. D’aucuns se sont étonnés de constater que même la direction de campagne du candidat largement vainqueur a joint sa voix à celles de ses deux adversaires pour dénoncer ce qu’ils qualifient de contradictions et de cafouillage lors de la présentation des résultats, ce dimanche.
L’attitude de l’état-major d’Abdelmadjid Tebboune, bien qu’elle paraisse étrange, est cependant compréhensible. En effet, le candidat à sa propre succession entend écarter tout soupçon de collusion entre le pouvoir qu’il incarne et l’instance en charge de la supervision du suffrage. Ce, d’autant que la direction de campagne du président sortant, réélu pour un second mandat, sait pertinemment qu’aucune mesure qui serait prise conséquemment aux recours introduits ne pourrait changer la donne, le président Tebboune pourrait perdre quelques voix, sans que cela influe aucunement sur le résultat final du scrutin.
Le président de l’Anie, ancien ministre de la Justice sous Bouteflika avant d’être limogé pour avoir instruit l’affaire de Chakib Khelil sans en référer au chef de l’Etat à l’époque, a, depuis la première échéance tumultueuse de décembre 2019, accepté de se porter garant de toutes les élections qui ont suivi, jusqu’à celle de ce 7 septembre, qui sera sa dernière, quand bien même il aura expliqué dans un communiqué, diffusé en réponse aux accusations qui l’accablent, qu’il faudra attende la réception de tous les procès-verbaux des dépouillements pour pouvoir statuer définitivement. Ses justifications paraissent vaines devant les tirs groupés dont il est la cible, et il faudra s’attendre à sa démission, d’autant que son âge avancé sera un argument massue pour essayer d’éviter de sortir par la petite porte, après tant d’années passées «au service de l’Etat».
Le chiffre élevé, qualifié de «score stalinien», obtenu par Abdelmadjid Tebboune et qui aura été au centre de tous les commentaires, est passé au second plan après la levée de boucliers par les trois candidats contre l’Anie et son président, auquel il a carrément été reproché son incompétence par certains politiciens, aussi bien dans le camp des deux candidats de l’opposition que dans celui du pouvoir. Le secrétaire général du RND a été particulièrement virulent à l’égard de Mohamed Charfi dans sa conférence de presse, tandis que le directeur de campagne de Youcef Aouchiche n’a pas manqué de relever de «nombreuses défaillances» lors de ce vote. Abdelaali Hassani Cherif s’est, lui, senti obligé de justifier sa participation à la présidentielle «biaisée», après sa cuisante défaite, pour ne pas paraître comme ayant servi de lièvre dans une élection dont l’issue était certaine.
N. D.
Comment (49)