Ultime recours

Iran
Téhéran ne pliera pas. D. R.

Par Mohamed El-Maadi – Téhéran a désormais compris qu’on ne négocie pas avec l’histoire quand celle-ci est braquée. Le bombardement de ses sites nucléaires le 22 juin dernier par les Etats-Unis – avec la bénédiction d’Israël – n’a pas seulement détruit 18 000 centrifugeuses et plongé le programme atomique iranien dans l’ombre. Il a surtout éclairé un fait géopolitique majeur : seule la possession de l’arme nucléaire garantit aujourd’hui la survie des régimes souverains dans un Moyen-Orient que Washington rêve de transformer en parc d’attractions géostratégique, où chaque contrat vaut plus qu’une Constitution et chaque bombardier plus qu’une promesse.

Ce qui se joue dépasse l’Iran. C’est la question de savoir si un Etat, non-aligné sur les standards de Tel-Aviv et de Wall Street, peut encore exister sans subir les foudres d’une coalition américano-sioniste obsédée par le remodelage de la région. L’épisode de juin 2025 n’est que le dernier acte d’un cycle : l’Irak a été envahi, la Libye pulvérisée, l’Iran désormais ciblé. Chaque fois, le prétexte fut le même – armes prohibées, menace régionale, nécessité démocratique. Et chaque fois, l’objectif réel fut l’effondrement des Etats résistants.

L’Iran a appris. Depuis vingt ans, il avance dans le clair-obscur, négocie à reculons, gèle sans renoncer. La dernière salve américaine n’a pas brisé cette logique. Elle l’a radicalisée.

David E. Sanger, dans un papier dense du New York Times, montre bien que malgré l’ampleur des frappes, malgré les effets d’annonce de Trump, une incertitude majeure demeure : que reste-t-il réellement des capacités iraniennes ? Et surtout : combien de temps avant que Téhéran ne reconstruise en silence ce qui fut détruit dans le fracas ? Car si les installations sont tombées, les ingénieurs, les savoirs, les schémas, eux, sont intacts. L’Iran joue désormais à cache-cache avec les satellites, recompose ses infrastructures dans les entrailles de ses montagnes, dissémine ses technologies. L’objectif n’est plus la transparence mais la survie.

Ce n’est pas un hasard si, à peine la poussière des frappes retombée, le Parlement iranien votait l’expulsion des inspecteurs de l’AIEA et la suspension de toute discussion avec l’AIEA. Ce n’est pas un recul. C’est une bascule. L’Iran sait désormais que seule l’arme atomique le protégera du sort réservé aux pays qui refusent la soumission.

Washington, lui, ne cherche plus à convaincre. Il impose. À la table de Trump, entre un briefing sur les frappes et une réunion avec ses bailleurs évangélistes, traînent des ouvrages sur le sionisme chrétien – cette idéologie fusionnelle qui veut faire du destin d’Israël le cœur battant de l’Amérique impériale. Ce n’est pas un détail. C’est la matrice. Pour cette administration, le Moyen-Orient n’est qu’un immense casino messianique où l’Amérique doit miser, gagner, et que les Arabes doivent servir ou quitter.

Et pour mieux faire passer cette vision, Trump nomme des émissaires comme Thomas J. Barrack Jr., 78 ans, promoteur immobilier recyclé en diplomate informel. Son rôle ? Convertir la région aux Accords d’Abraham 2.0, où la paix se signe au prix de l’effacement palestinien, du désarmement iranien et de la soumission des capitales arabes.

Mais Téhéran ne pliera pas. La République islamique ne peut ignorer que la parole américaine, surtout sous Trump, ne vaut rien : un ultimatum donné pour deux semaines s’est transformé en bombardement deux jours plus tard. Le deal n’est qu’un leurre. L’Iran le sait, et le monde le comprend de plus en plus : il n’y a rien à négocier avec un empire qui pose la force avant le droit.

Alors l’Iran accélère. Il ne cherche plus l’accord mais le précédent. Et ce précédent, c’est la Corée du Nord. Elle, au moins, a franchi la ligne. Et depuis, personne ne l’a bombardée.

Ceux qui pensent encore que l’Iran reculera pour éviter une guerre se trompent : l’Iran est déjà en guerre, depuis 1979, sur tous les fronts – économique, cyber, militaire, idéologique. Ce qu’il cherche désormais, ce n’est pas la paix, mais la parité. Et cette parité passe par l’atome. Pas pour l’utiliser, mais pour se faire respecter.

L’Iran ne se bat pas seulement pour lui. Il se bat pour que demain, ni l’Algérie ni aucun pays libre ne soit sommé de choisir entre le désarmement et l’effacement. C’est pourquoi il résistera. Et c’est pourquoi le monde – au-delà des alignements artificiels – devrait l’écouter

M. E.-M.

Comment (7)

    Abou Stroff
    5 juillet 2025 - 14 h 37 min

    « il n’y a rien à négocier avec un empire qui pose la force avant le droit. » souligne M. E.-M.

    et dans le même « mouvement,

    M. E.-M. avance: « Ceux qui pensent encore que l’Iran reculera pour éviter une guerre se trompent ».

    conclusion imparable produit des deux sentences ci-dessus: l’Iran sera broyé, démembré et disséqué comme le furent l’Irak, la libye, le soudan, la syrie, et ….. et M. E.-M. continuera à étaler sa prose rythmée pour donner l’illusion aux arabes en particulier et aux musulmans, en général, de participer à l’Histoire qui se fait, dans les faits, sans eux.

    wa el fahem yefhem.

    PS: je pense que la défense du régime des mollahs est aussi codamnable que le défense du régime sioniste. en effet, les deux régimes (des régimes racistes basés sur la religion) ne font que justifier l’existence l’un de l’autre, et leur confrontation, enveloppée d’un voile religieux, permet de dissimuler la nature de vestige colonial du régime sioniste.

    wa re el fahem yefhem.

    Gertrude
    5 juillet 2025 - 14 h 07 min

    Qui croit encore aux valeurs et aux principes démocratiques occidentales?
    Qui croit encore que le modèle américain est un exemple?
    Qui croit encore que l’ONU sert à quelque chose?
    Qui croit encore que le sionisme est un mouvement pacifique et légitime?
    Qui croit encore que ce qui se passe à Gaza n’est pas un génocide?
    Quelle bande de salauds!

    🇩🇿 Fodil Dz
    5 juillet 2025 - 13 h 05 min

    Pour l’axe américano-sioniste, le monde est comme un gigantesque casino où la valeur marchande de biens et de services est plus importante que la valeur de vies humaines. Il voit le monde selon leur standard inique. Leur stratégie consiste à faire plier par tous les moyens toutes les nations qui ne veulent pas se soumettre à leur idéologie de mort.
    L’empire veut conserver son hégémonie. Il ne compte pas se faire damer le pion par la Chine. Il a donc décidé de remodeler la région du Moyen-Orient afin d’y asseoir l’idéologie impérialo-sioniste. Ce plan prend peu à forme. Toutes les guerres depuis des décennies: en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen, au Liban, en Palestine occupée et maintenant en Iran … c’était pour ça. Un plan pour un projet. Leur projet diabolique.
    L’Iran avance depuis vingt ans dans le « clair-obscur ». Il ne compte pas plier. L’avenir est plus qu’incertain. L’événement à venir projette déjà son ombre …

    « Le Ciel est le joueur, et nous, rien que des pions.
    C’est la réalité, non un effet de style.
    Sur l’échiquier du monde Il nous place et déplace.
    Puis nous lâche soudain dans le puits du néant. »
    Omar Khayyam (v 1048 – 1131), poète et savant persan.

    Anonyme
    5 juillet 2025 - 12 h 00 min

    Il n était pas nécessaire d inclure l Algérie dans votre contribution Mr El Maadi.
    Il y a des choses qui n ont pas besoin de bruits pour aboutir.
    Des exemples, on en a.

    Ali1233
    5 juillet 2025 - 11 h 44 min

    Bel article , c’est ce que nous Algériens voulons pour notre Nation pas de souveraineté sans l’atome , demain ces charognards viendront se pointer chez nous .Nous voulons les moyens de les dissuader de tenter une reconquista .Monsieur le Président dois aller dans ce sens protéger l’Agerie du sionifaciste.
    Oui comme la Corée du Nord s’il faut se priver de tout pour l’avoir alors c’est le prix à payer.

    Anonyme
    5 juillet 2025 - 11 h 43 min

    Le sionisme est une idéologie bien plus inhumaine, néfaste et dangeureuse que le nazisme,

    C’est pourquoi des deux, la première rayonne alors que la seconde survit à peine en Europe.

    Sprinkler
    5 juillet 2025 - 11 h 25 min

    TRUMP fut le patron du Trump Taj Mahal, l’un des plus grands casinos du monde…Le poker menteur, ça le connait…Avant de mettre la clef sous le tapis et 3000 employés sur le carreau, son établissement survivra à trois faillites…Si TRUMP a sifflé la fin de la partie au Moyen Orient c’est qu’il sentait, là aussi, qu’il perdait la main…Comme il a lâché le fanfaron troubadour Zelenski, il abandonnera l’encombrant boucher de Gaza sur les ruines fumantes de Tel Aviv…Le régime génocidaire de l’entité métastatique ne vaut certainement pas un cataclysme géopolitique et le locataire de la Maison Blanche ne veut pas y laisser des plumes…Ce cessez le feu qui a sauvé la mise à SATANYAOU avait comme un « parfum » de capitulation…Un aveu d’impuissance face au déluge de feu balistique d’un Iran qui n’a jamais douté de sa puissance et de sa détermination à frapper le Peuple Déchu au cœur de la Terre Compromise…Ce ne sont pas ces branquignoles ronds-de-cuir de la CIA, MI6 et du MOSSAD qui ont donné toute la mesure de leur crasse incompétence à « prévoir » cette « pluie » de missiles qui seraient en capacité de percer les secrets du programme nucléaire iranien…Et c’est en cela seulement que je divergerai avec cette excellente contribution, ayant la conviction que les iraniens disposent bel et bien d’un arsenal nucléaire opérationnel !

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