Cyril Ramaphosa et la Palestine : prêter sa voix à la lutte antiimpérialiste, c’est payer le prix fort
Une contribution de Lama El-Horr – Dans un monde livré à l’arbitraire de la force, les causes justes pullulent. Il en est une, cependant, qui dégage une violence d’une telle ampleur qu’elle englobe tous les dénis de justice à la fois, et suscite la révolte par-delà les frontières : c’est la cause palestinienne.
L’Afrique du Sud de Cyril Ramaphosa a bien saisi la portée mondiale de cette lutte de toutes les luttes, et n’a cessé de rappeler à la communauté internationale que, conformément à l’intuition avant-gardiste de Mao Zedong, la lutte du peuple palestinien constitue le point de convergence de tous les autres combats pour l’émancipation.
De la Chine de Mao à l’Afrique du Sud de Ramaphosa, un mot d’ordre : Palestine
Une semaine avant la guerre des Six-Jours, une déclaration officielle [1] du gouvernement chinois soulignait que «la lutte des peuples arabes contre l’impérialisme américain et le sionisme est une composante importante de la lutte mondiale contre l’impérialisme». Cette déclaration traduisait la vision de Mao Zedong et de Zhou Enlai, pour qui le front antiimpérialiste arabe constituait un bouclier à la fois pour l’Asie et pour l’Afrique.
D’une certaine manière, la Chine venait d’ébaucher une feuille de route pour la lutte antiimpérialiste mondiale : celle-ci doit consister dans une solidarité entre l’Asie et l’Afrique et prendre appui sur le monde arabe, qui se trouve sur la ligne de front.
Dans la foulée de sa libération des geôles de l’Apartheid, Nelson Mandela faisait le même constat : «Nous savons trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens.» La prégnance de cette réalité ne quitta jamais le combattant sud-africain, qui déclarera à nouveau, en 1999 : «Tout discours sur la paix restera creux tant qu’Israël continuera d’occuper un territoire arabe», manière de rappeler que, malgré l’abolition du régime d’Apartheid, l’Afrique du Sud n’avait pas achevé son combat pour la liberté.
Aujourd’hui, dans un contexte de poussée impérialiste qui épouvante le monde, l’Afrique du Sud de Cyril Ramaphosa a décidé de reprendre le flambeau de cette lutte mondiale contre l’impérialisme, en l’enracinant dans la cause palestinienne. A travers ce choix, le président sud-africain rappelle une vérité implacable : l’histoire coloniale que les BRICS et le Sud Global ont en partage les destine à mener le même combat pour l’émancipation.
Le péché originel de Cyril Ramaphosa
Il n’aura échappé à personne que la présidence de Cyril Ramaphosa a produit l’effet d’un séisme sur la scène internationale et donné un élan spectaculaire à la construction de la multipolarité.
Les faits sont éloquents : le pays de Ramaphosa est désormais associé au premier élargissement significatif des BRICS à de grands pays d’Afrique et d’Asie, dont l’Egypte et l’Iran. Il est également associé à l’intégration du continent africain au forum économique du G20, dont l’Afrique était jusque-là exclue. C’est encore l’ombre de l’Afrique du Sud qui plane sur la décision de Washington de boycotter les rencontres du G20 de cette année, organisées par la présidence sud-africaine. Et pour cause : Pretoria a brisé un tabou en s’attaquant à l’allié sans lequel les Etats-Unis ne seraient plus un empire, à savoir le régime d’occupation israélien.
En poursuivant Israël auprès de la Cour internationale de justice pour violation de la Convention contre le génocide, le pays de Ramaphosa a asséné un coup dur à l’oligarchie impérialiste mondiale. A travers ces poursuites auprès de la plus haute juridiction de l’ONU, l’Afrique du Sud a non seulement exposé les atrocités du régime israélien – dont il a été largement démontré qu’il cumule les crimes d’Apartheid, de nettoyage ethnique et de génocide [2] –, mais elle a aussi braqué les projecteurs sur les sponsors et les protecteurs de ce régime colonialiste, à savoir Washington et ses alliés de l’UE et de l’OTAN.
Sans surprise, les commanditaires de ce plan d’annihilation des Palestiniens se sont sentis tout aussi menacés que les exécutants. Il ne faut donc pas s’étonner de la malicieuse inversion accusatoire à laquelle on assiste aux Etats-Unis et en Europe, où l’on traque et persécute tous ceux qui dénoncent ce plan macabre, en les poursuivant, toute honte bue, pour «apologie de terrorisme». La rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, l’Italienne Francesca Albanese, n’a pas échappé, elle non plus, au glaive impérialiste, puisqu’elle s’est vu imposer des sanctions aussitôt après avoir révélé le nom des entités [3] qui tirent bénéfice de ces crimes contre l’humanité. Washington a poussé l’imposture jusqu’à l’adoption d’ordres exécutifs contre le pays de Ramaphosa, en accusant celui-ci de violer les «droits de l’Homme», de commettre un «génocide anti-Blancs», de poursuivre en justice l’allié israélien, ou encore de se rapprocher de l’Iran.
Le combat n’est pas gagné, mais il a fait tache d’huile
Les poursuites engagées par Pretoria contre le régime israélien sont d’autant plus menaçantes, pour Washington et ses satellites, qu’elles matérialisent une coopération politique et juridique entre le continent africain et le continent asiatique, ces deux ensembles que l’histoire coloniale a maintenus dans le mépris et l’ignorance l’un de l’autre. Ces poursuites ont également acquis une dimension planétaire, puisque la liste des pays qui s’agrègent à la plainte de Pretoria ne cesse de s’allonger, le Brésil étant le dernier en date. Cette mondialisation de la rébellion antiimpérialiste est encore confirmée par la création du Groupe de la Haye, cette coalition mondiale [4] contre le génocide en Palestine, codirigée par le binôme Afrique du Sud-Colombie, qui s’est donné pour mission de transformer en actions concrètes les innombrables condamnations du régime d’occupation israélien par les tribunaux internationaux et les organes de l’ONU.
Qui plus est, dans le contexte des guerres de conquête impérialistes en Asie de l’Ouest (des territoires palestiniens jusqu’à l’Iran, en passant par le Liban, la Syrie et le Yémen), les initiatives de Pretoria ont eu pour effet de légitimer la lutte armée des mouvements de résistance régionaux. Ce, en établissant un parallèle sans équivoque entre la lutte armée de l’ANC contre le régime d’Apartheid sud-africain, et la lutte armée de l’Axe de la résistance contre le régime colonialiste israélien et ses parrains euro-atlantiques.
De la même manière, Pretoria a contribué à restaurer la vérité [5] autour de la République islamique d’Iran, victime non seulement d’un assaut meurtrier par le duo Israël-Etats-Unis, mais aussi d’un torrent de mensonges médiatiques destinés à légitimer cette énième violation du droit international par l’axe israélo-atlantique – avec l’approbation sans faille de l’Union européenne.
Pretoria a donc replacé le bon sens au centre du débat : le régime d’occupation israélien est pour le moins illégitime, puisque l’on a affaire à un régime colonialiste, ségrégationniste, expansionniste et génocidaire.
En réussissant l’exploit de fédérer tout à la fois l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine, les initiatives de l’Afrique du Sud de Cyril Ramaphosa revêtent une dimension fatalement post-impérialiste et font écho, non seulement à la soif de liberté de Mao Zedong, mais aussi à la grande marche des BRICS et du Sud Global vers un monde multipolaire, à travers les morsures ensanglantées de la Palestine.
L. E.-H.
Pour Algeriepatriotique
Lama El-Horr est analyste géopolitique, docteure de l’Université Paris-Sorbonne et rédactrice en chef-fondatrice du journal digital China Beyond The Wall, dédié à la géopolitique chinoise.
1) https://www.marxists.org/history/erol/china/support-arab-people.pdf
2) https://docs.un.org/fr/A/79/384
3) https://www.un.org/unispal/wp-content/uploads/2025/06/a-hrc-59-23-aev.pdf
4) https://www.cetri.be/Le-Groupe-de-La-Haye-et-la
5) https://dirco.gov.za/south-africa-condemns-israeli-attacks-on-iran/
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