Le journal français Le Monde ou la tribune officielle du mensonge sioniste éhonté

Le Monde
Le Monde s’est mué en office du mensonge éhonté. D. R.

Une contribution de Khaled Boulaziz – Il faut désormais une singulière dose de cynisme pour lire Le Monde sans sentir le parfum éventé de la morale sélective. Ce quotidien qui se drapait jadis dans une éthique de la distance est devenu la tribune ouverte d’un récit à thèses, où l’oppresseur se voit continuellement muni d’excuses métaphysiques et l’opprimé sommé d’endosser la faute. Dernier épisode de cette liturgie : l’«écrasante responsabilité du Hamas», prêchée par Jean-Pierre Filiu avec l’assurance du chroniqueur de cour. Le trucage rhétorique est enfantin : déplacer l’axe, faire tourner l’histoire autour d’un acteur dominé, brandir une faute réelle pour effacer une structure criminelle, confondre la cause et le prétexte, puis signer le chèque moral qui blanchit le plus fort. Il ne s’agit pas ici de défendre un parti, mais de refuser une imposture intellectuelle : on n’abolit pas un siècle de dépossession par décret de chronique.

Le Monde met en scène la vertu comme on arme une opinion : à la chaîne, en séries, avec la caution de l’expertise estampillée. Le lecteur est prié d’oublier qui contrôle l’espace, l’air, la mer, les registres fonciers, l’eau, l’électricité, les déplacements, les permis, les prisons ; bref, la vie nue d’un peuple pour contempler, comme à travers une vitre sans tain, les errements d’une faction. On exige à la fois de la résistance qu’elle soit immaculée, stratégique, aimable, et de l’occupation qu’elle demeure abstraite, procédurale, presque administrative. Cette torsion est la marque d’un journal devenu caisse de résonance : il confond la charge de la preuve (toujours au Palestinien) et la présomption d’innocence (toujours au belligérant qui tient la gâchette).

Qu’on cesse la fable des origines honteuses que Le Monde recycle en boucle. Rappeler Haj Amin Al-Husseini pour assigner la cause palestinienne à une tache originaire, c’est le procédé préféré des paresseux : essentialiser une trahison, transformer un épisode en essence et assimiler un peuple à son pire visage. On passe sous silence la révolte de 1936-1939 écrasée dans le fracas britannique, l’ingénierie foncière et démographique du mandat, la militarisation organisée d’un projet de colonisation, la logique d’expulsion de 1947-1949. On maquille l’architecture, on agite l’écume. Et Le Monde applaudit, rectifie, moralise, mais ne nomme pas l’infrastructure du crime : la dépossession prolongée, administrative, policée, juridiquement rationalisée.

Evidemment, il faut un écrou pour tenir un échafaudage. Le 7 octobre a fourni ce rôle : la douleur authentique d’un massacre de civils est devenue l’artefact dramatique qui permet tout – siège, famine organisée, destructions massives, démolitions à l’échelle d’une société, torsion du droit humanitaire – à condition qu’on maintienne le projecteur sur la faute inaugurale. La morale de plateau s’en donne à cœur joie : on pleure là, on détourne ici, on gomme partout. Or, la chronologie est têtue : siège et colonisation précèdent, confiscation et enclavement précèdent, impunité et punition collective précèdent. La faute n’est pas le moteur du système : elle est l’argumentaire de sa perpétuation.

La division palestinienne ? Vieille musique. Le Monde en joue comme d’un thème rassurant : «surenchères maximalistes», «factions rivales», «égoïsmes partisans». Tout cela existe, nul n’en disconvient. Mais nulle rivalité interne ne bâtit des colonies, nulle surenchère ne trace des routes réservées, nulle querelle de clan n’érige des murs ni ne gère des registres d’état civil sous contrôle militaire. La fragmentation n’est pas une fatalité indigène : c’est un dispositif. Et ce dispositif, Le Monde le traite comme un brouhaha local, jamais comme la technologie politique d’un pouvoir. On psychologise l’opprimé, on politise l’oppresseur, et l’on appelle cela «mettre en perspective».

Il faut dire que le journal cultive une dramaturgie de l’innocence professionnelle. Il brandit ses mécanismes d’«indépendance» comme un scapulaire, explique la noblesse d’un pôle d’indépendance, vante le transfert des parts d’actionnaires vers un fonds supposé sanctuariser l’autonomie de la rédaction, et répète qu’aucune main invisible ne guide sa plume. Les communiqués officiels ont la clarté de l’eau bénite : Daniel Kertinsky sort, Xavier Niel transfère au fonds, le sanctuaire est consolidé, circulez.

Mais la vraie question n’est pas de savoir qui détient, c’est de savoir ce qui tient : un cadre de narration, une grammaire des priorités, un lexique de l’acceptable. Et ce cadre, jour après jour, incline dans la même direction : une compassion conditionnelle pour les Palestiniens et un sursis permanent pour l’Etat qui les écrase.

Il suffit d’ouvrir le journal, d’aligner les colonnes, d’observer les titres, de noter les silences. L’occupation, quand elle apparaît, est dissoute dans le passif : «des heurts ont éclaté», «des frappes ont visé», «des civils ont péri». Le sujet s’évapore au moment crucial ; la syntaxe blanchit la responsabilité. A l’inverse, l’acteur palestinien réapparaît dans le plein régime de la volonté : «le Hamas a décidé», «les factions ont refusé», «les dirigeants ont saboté». C’est une fabrique grammaticale. Même l’expertise «équilibrée» reproduit l’asymétrie : l’occupé est psychologisé (radicalité, culture politique déficiente, rivalités), l’occupant est rationalisé (sécurité, dilemmes stratégiques, pressions internes). On ne lira pas, ou si peu, l’illégalité des colonies comme matrice, l’interdiction de la punition collective comme impératif, l’obligation de protection comme devoir positif. On lira des «débats», des «controverses», des «accusations mutuelles». La neutralité stylistique devient une politique.

Le plus amer est que l’institution se réclame encore d’une direction «garante», d’un pilotage éditorial «responsable», d’une équipe de rédaction qui prétend au pluralisme. Noms et organigrammes changent, promesses et chartes s’ajustent, mais l’angle retombe toujours sur la même épaule. A quoi bon mimer l’équilibre si on refuse de s’adosser au droit ? A quoi bon promettre l’indépendance quand on s’interdit, par réflexe pavlovien, de nommer le système de domination pour ce qu’il est ? Qu’un directeur, une directrice de la rédaction, un président du directoire passent et repassent ne change rien si la matrice reste intacte ; et la page «qui sommes-nous» peut bien se targuer de titres et de fonctions, le produit final parle de lui-même.

Il se trouvera toujours des lecteurs pour brandir l’autorité du signataire : Jean-Pierre Filiu, professeur, historien, connaisseur du terrain, auteur de colonnes où il arrive même qu’il égratigne Tel-Aviv pour mieux sécuriser l’argument d’ensemble. L’autorité, ici, ne sauve pas la thèse ; elle la polit. Elle rend l’inversion accusatoire respectable, l’absolution de l’occupant fréquentable, la responsabilisation illimitée de l’occupé recevable. On en sort avec la sensation d’avoir été informé, alors même qu’on a été rééduqué à une économie morale : la compassion encadrée, la colère domestiquée, la réalité sous tutelle. Oui, Filiu publie beaucoup ; la cadence n’est pas un gage de vérité, elle est l’indice d’un magistère moral installé.

Qu’attend-on, alors, d’un journal ? Qu’il décrive le réel avec les mots du réel. Qu’il rappelle, sans relâche, que l’occupation n’est pas une atmosphère mais un statut juridique ; que les colonies ne sont pas «discutées» mais illégales ; que la punition collective ne se relativise pas ; que les enfants ne meurent pas d’«incidents» mais de bombes, de blocus, d’effondrements planifiés. Qu’il cesse de calibrer la compassion selon l’identité de l’auteur de l’explosion ; qu’il abandonne l’obsession de la faute palestinienne comme passe universel ; qu’il remette le droit au centre, non comme ornement mais comme charpente. A défaut, qu’il assume : il ne «raconte» pas, il oriente ; il ne «débattit» pas, il trie ; il ne «neutralise» pas, il hiérarchise.

La catastrophe palestinienne n’est pas l’œuvre d’une faction mais l’aboutissement d’un projet colonial couvert, armé, subventionné, normalisé. On peut – on doit – juger toutes les exactions, quelle qu’en soit la source. Mais on ne peut pas faire d’un arbre tordu la cause de la forêt abattue. En persistant à draper l’évidence dans des homélies culpabilisantes, Le Monde s’est mué en office du mensonge éhonté. Que ses actionnaires aient mis en place des écrans d’indépendance ne change rien au produit : la ligne penche, les mots dédouanent, les victimes sont sommées d’être pédagogues de leur propre malheur. Voilà la honte d’un journal qui a choisi la domestication du regard. Et puisqu’il aime tant le lexique des «responsabilités», qu’il commence par la sienne : celle d’avoir troqué la rigueur pour l’excuse, l’histoire pour la moraline, la justice pour le confort. Le reste n’est que rubriques et cache-misère.

K. B.

Comment (16)

    Anonyme
    4 septembre 2025 - 2 h 21 min

    C’est curieux cette mise au pilori des journaux français par ceux même qui n’ont aucune éthique démocratique chez eux !

      Anonyme
      4 septembre 2025 - 14 h 24 min

      Ce qui n est pas Curieux , pour nous Algériens , c est la Paresse intellectuelle mixée au Racisme crasse ( qui est la manifestation avérée d un Cretinisme congenital ) qui «  autorise » la Projection de vos Tares , de vos Abjections sur Nous .
      Vous voulez vraiment que l on vous Série vos ZzzzEchtiques Démo………..crasses ?? Vous n écoutez pas vos Merdias ? Vous n êtes pas au fait des déclarations de vos Dirigeants » Dirigés ?? Vous ne suivez pas l Actualité de votre Pays Donneur de Leçons qu excècre presque toute la Planète ( y compris l Entite Nazisioniste qui vous colonise ) ??

    Anonyme
    3 septembre 2025 - 18 h 22 min

    « ……….Rappeler Haj Amin Al-Husseini pour assigner la cause palestinienne à une tache originaire, c’est le procédé préféré des paresseux……… »
    Quelle Tache ??!!! Pourquoi reprendre la Hasbara des Criminels Nazisionistes Antisemites Exemplaires , collaborateurs et Maîtres à penser des Déchets Hitler , Himmler , et Consorts qu ils ont AIDÉ , depuis les années 1920 , à PRENDRE LE POUVOIR en 1933 et ……………………Félicité OFFICIELLEMENT par Lettre en janvier 1933 SUIVIE du Fameux Accord HAAVARA d Août 1933 .!!!!!!!
    Je Défie quiconque de chercher , sur Internet , trace de Cette Lettre qui , pourtant , EXISTE dans les Archives des HISTORIENS OCCIDENTAUX , et était accessible jusqu en début des années 2000 sur Internet !!!!!;!;;;;;

    Cette Hasbara a ÉVIDEMMENT PASSÉ SOUS SILENCE , l Arrestation en 1943 , du Déchet Shamir ( futur premier Sinistre de l Entite Nazisioniste , dans les années 1980 ) par l Armée Britannique et condamné pour TRAHISON ET COLLABORATION AVEC …………………………l ENNEMI ( et qui était donc l ennemi des Anglais en 1943 ??!!!!!!! )

    « ……..brandir l’autorité du signataire : Jean-Pierre Filiu, professeur, historien, connaisseur du terrain, auteur de colonnes où il arrive même qu’il égratigne Tel-Aviv ……….. »
    Quelle Autorité ??!!!!!!!
    Ce Scribouillard peut il encore prétendre au titre d Apprenti Faussaire et de Touriste / Camelot d Historiette ???
    Oui !!!! Absolument !!!!!! Il le mérite comme tant d autres Zzzzzhistoriettistes fafaéens qui ont SOUILLÉ l Aura de l Académie française pour Contenter les OUKASES de la Secte CRIFIENNE qui s est habituée à ce que la FRANCE se PLIE à ses MENSONGES ÉHONTÉS dans un RÉFLEXE ……………… « VICHYSTE » .
    Ce COLLABO version 2025 ne sait il pas lui , le « ZZZZZHISTORIEN » de …………COMPTOIRS »( en guise de ……. » Terrains » ) que El Husseini a rencontré l Ennemi de son Ennemi , le 28 Novembre 1941 ?,,,
    Ne sait il pas quand a été décidé , par Hitler et son Conseiller …………………..ROSENBERG ( tiens….tiens…!!! ) , la mise en œuvre des Camps de la Mort ??!!!!!
    Faudra que cette «  Voix de son maître » nous explique le « blanc » entre les 2 séquences dans sa tentative de transformer le Bourreau en Victime , sans Honte , sans dignité , pour justifier l Ignominie .
    Quand on est qu un Simple MINUS carriériste , il est vrai que la seule voie vers les Titres Pompeux se réduit à un Psittacisme Assumé comme celui de Reprendre , ’,la déclaration éhontée de la Truie enragée Netanyahu : «  ……..Hitler n a pas voulu Brûler les Juifs ……!! C est El husseini qui l a poussé….. » .
    Étant un Faussaire , mercenaire , et surtout « P’tit Blanc » raciste Crasse , la déclaration n a pas éveillé , en lui , le moindre soupçon sur les raisons qui ont poussé un Nazisioniste ( soi disant représentant des «  victimes » de la Shhhoooowwwwwahhhh !!! ) à faire sinon l Éloge d un………….Nazi , le disculper !!!

    Anonyme
    3 septembre 2025 - 17 h 49 min

    Une chose est certaine la Palestine est occupée par des juifs sionisés non hébreux qui ne se contentent plus des territoires qui leur ont été octroyés injustement par des nations colonialistes qui en leur temps ne se souciaient pas du malheur qu’elles causaient aux peuples autochtones. Les pays qui ont colonisé et causé des actes barbares sur les populations pour leur voler leurs terres ne différent absolument pas de ceux qui s’accaparent la Palestine, ce sont les mêmes . Leurs appuis inconditionnel aux génocidaires de Tel-Aviv ne laissent aucun doute quant au but recherché, ils sont complices dans l’anéantissement du peuple palestinien.

    Ferid Racim Chikhi
    3 septembre 2025 - 17 h 29 min

    Le temps d’Hubert Beuve Meury est terminé depuis longtemps. Fondateur de ce presigieux quotidien était professeur de journalisme et exerçait une critique permanente de la politique gaullienne. Il en fait un journal de qualité qui oblige au recoupement des informations, il protege les sources d’information des journalistes. Alors, pourquoi s’étonner ?

    Denia
    3 septembre 2025 - 15 h 43 min

    Par Chris Hedges

    Traduction MCT

    Il existe deux types de correspondants de guerre. Les premiers n’assistent pas aux conférences de presse. Ils ne sollicitent pas d’interviews auprès des généraux et des politiciens. Ils prennent des risques pour couvrir les zones de combat. Ils renvoient à leurs téléspectateurs ou lecteurs ce qu’ils voient, ce qui est presque toujours diamétralement opposé aux récits officiels. Dans chaque guerre, ces premiers constituent une infime minorité.

    Il y a ensuite le second type, ce groupe incomplet de correspondants de guerre autoproclamés qui jouent à la guerre. Malgré ce qu’ils disent aux rédacteurs en chef et au public, ils n’ont aucune intention de se mettre en danger. Ils se réjouissent de l’interdiction israélienne imposée aux journalistes étrangers de se rendre à Gaza. Ils implorent les autorités pour des points de presse et des conférences de presse. Ils collaborent avec leurs conseillers gouvernementaux qui imposent des restrictions et des règles qui les tiennent à l’écart des combats. Ils diffusent servilement tout ce que leur racontent les autorités, souvent des mensonges, et prétendent que c’est de l’information. Ils participent à de petites virées organisées par l’armée – des spectacles de cirque – où ils se déguisent, jouent les soldats et visitent des avant-postes où tout est contrôlé et chorégraphié.

    L’ennemi mortel de ces poseurs, ce sont les vrais reporters de guerre, en l’occurrence les journalistes palestiniens de Gaza. Ces reporters les démasquent comme des flagorneurs, discréditant presque tout ce qu’ils diffusent. C’est pourquoi ils ne ratent jamais une occasion de remettre en question la véracité et les motivations de ceux qui sont sur le terrain. J’ai vu ces serpents faire cela à plusieurs reprises avec mon collègue Robert Fisk.

    Lorsque le reporter de guerre Ben Anderson est arrivé à l’hôtel où campaient les journalistes couvrant la guerre au Liberia – selon ses propres termes, se « soûlant » dans des bars « à frais cachés », ayant des aventures et échangeant « des informations plutôt que d’aller réellement chercher des informations » – son image des reporters de guerre a été durement touchée.

    « Je me suis dit que j’étais enfin parmi mes héros », se souvient Anderson. C’est là que je rêvais d’être depuis des années. Puis, avec le caméraman qui m’accompagnait – et qui connaissait très bien les rebelles –, nous avons passé environ trois semaines avec eux. De retour à Monrovia, les gars au bar de l’hôtel nous ont demandé : “Où étiez-vous passés ? On pensait que vous étiez rentrés.” On a répondu : “On est partis couvrir la guerre. C’est pas notre boulot ? C’est pas ce qu’on est censé faire ?”

    “L’image romantique que j’avais des correspondants étrangers a été soudainement anéantie au Liberia”, a-t-il poursuivi. “En fait, je me suis dit que beaucoup de ces types racontaient des conneries. Ils ne sont même pas prêts à quitter l’hôtel, et encore moins à quitter la sécurité de la capitale pour faire un reportage.”

    Vous pouvez voir une interview d’Anderson ici.

    Cette ligne de démarcation, présente dans toutes les guerres que j’ai couvertes, définit le reportage sur le génocide à Gaza. Ce n’est pas une ligne de démarcation professionnelle ou culturelle. Les journalistes palestiniens dénoncent les atrocités israéliennes et font éclater les mensonges israéliens. Le reste de la presse, lui, ne le fait pas.

    Les journalistes palestiniens, pris pour cible et assassinés par Israël, le paient – ​​comme nombre de grands correspondants de guerre – de leur vie, bien qu’en bien plus grand nombre. Israël a assassiné 245 journalistes à Gaza selon un chef d’accusation et plus de 273 selon un autre. L’objectif est d’obscurcir le génocide. Aucune guerre que j’ai couverte n’atteint un tel bilan. Depuis le 7 octobre, Israël a tué plus de journalistes « que la guerre de Sécession, les deux guerres mondiales, la guerre de Corée, la guerre du Vietnam (y compris les conflits au Cambodge et au Laos), les guerres en Yougoslavie dans les années 1990 et 2000, et la guerre d’Afghanistan après le 11 septembre réunies ». Les journalistes en Palestine laissent des testaments et des vidéos enregistrées qui seront lues ou visionnées à leur décès.

    Funérailles du correspondant de Palestine TV, Mohammed Abu Hatab. Hatab a été tué, ainsi que sa famille, lors d’une frappe aérienne contre son domicile de Khan Younis, à Gaza. (Photo d’Abed Zagout/Anadolu via Getty Images)

    Les collègues de ces journalistes palestiniens de la presse occidentale diffusent leurs reportages depuis la barrière frontalière avec Gaza, équipés de gilets pare-balles et de casques, où ils ont autant de risques d’être touchés par un éclat d’obus ou une balle que par un astéroïde. Ils se précipitent comme des moutons aux points de presse des responsables israéliens. Ils sont non seulement les ennemis de la vérité, mais aussi les ennemis des journalistes qui font le véritable travail de reportage de guerre.

    Lorsque les troupes irakiennes ont attaqué la ville frontalière saoudienne de Khafji pendant la première guerre du Golfe, les soldats saoudiens ont pris la fuite, paniqués. Deux photographes français et moi-même avons observé des soldats affolés réquisitionner des camions de pompiers et filer vers le sud. Les Marines américains ont repoussé les Irakiens. Mais à Riyad, la presse a appris que nos vaillants alliés saoudiens défendaient leur patrie. Une fois les combats terminés, le bus de presse s’est arrêté à quelques kilomètres de Khafji. Les reporters du pool en sont sortis, escortés par des gardes militaires. Ils ont fait des stand-ups avec le bruit lointain de l’artillerie et de la fumée en arrière-plan, et ont répété les mensonges que le Pentagone voulait raconter.

    Pendant ce temps, les deux photographes et moi-même avons été arrêtés et battus par la police militaire saoudienne furieuse d’avoir documenté la fuite paniquée des forces saoudiennes alors que nous tentions de quitter Khafji.

    Mon refus de respecter les restrictions imposées à la presse pendant la première guerre du Golfe a poussé les autres journalistes du New York Times en Arabie saoudite à écrire une lettre au rédacteur en chef des affaires étrangères, affirmant que je ruinais les relations du journal avec l’armée. Sans l’intervention de R.W. « Johnny » Apple, qui avait couvert le Vietnam, j’aurais été renvoyé à New York.

    Je ne reproche à personne de ne pas vouloir se rendre en zone de guerre. C’est un signe de normalité. C’est rationnel. C’est compréhensible. Ceux d’entre nous qui se portent volontaires pour aller au combat – mon collègue Clyde Haberman du New York Times a dit un jour avec humour : « Hedges se parachutera dans une guerre avec ou sans parachute » – ont des défauts de personnalité évidents.

    Mais je reproche à ceux qui se font passer pour des correspondants de guerre. Ils causent des dégâts considérables. Ils colportent de faux récits. Ils masquent la réalité. Ils servent de propagandistes, conscients ou non. Ils discréditent la voix des victimes et exonèrent les tueurs.

    Lorsque j’ai couvert la guerre au Salvador, avant de travailler pour le New York Times, la correspondante du journal régurgitait consciencieusement tout ce que l’ambassade lui avait raconté. Cela a eu pour effet de pousser mes rédacteurs en chef – ainsi que ceux des autres correspondants qui ont couvert la guerre – à remettre en question notre véracité et notre « impartialité ». Il était donc plus difficile pour les lecteurs de comprendre ce qui se passait. Le faux récit neutralisait et souvent étouffait le vrai.

    La calomnie utilisée pour discréditer mes collègues palestiniens – les accusant d’être membres du Hamas – est malheureusement bien connue. De nombreux journalistes palestiniens que je connais à Gaza sont, en réalité, très critiques à l’égard du Hamas. Mais même s’ils ont des liens avec le Hamas, qu’importe ? La tentative d’Israël de justifier le ciblage des journalistes du réseau de médias al-Aqsa, dirigé par le Hamas, constitue également une violation de l’article 79 de la Convention de Genève.

    J’ai travaillé avec des reporters et des photographes aux convictions très diverses, notamment des marxistes-léninistes en Amérique centrale. Cela ne les a pas empêchés d’être honnêtes. J’étais en Bosnie et au Kosovo avec un caméraman espagnol, Miguel Gil Moreno, qui a ensuite été tué avec mon ami Kurt Schork. Miguel était membre du groupe catholique d’extrême droite Opus Dei. C’était aussi un journaliste d’un courage exceptionnel, d’une grande compassion et d’une probité morale, malgré ses opinions sur le dirigeant fasciste espagnol Francisco Franco. Il ne mentait pas.

    Dans chaque guerre que j’ai couverte, j’ai été accusé de soutenir ou d’appartenir à un groupe que le gouvernement, y compris américain, cherchait à écraser. J’ai été accusé d’être un instrument du Front de libération nationale Farabundo Martí au Salvador, des sandinistes au Nicaragua, de l’Unité nationale révolutionnaire du Guatemala, de l’Armée populaire de libération du Soudan, du Hamas, du gouvernement musulman de Bosnie et de l’Armée de libération du Kosovo.

    John Simpson de la BBC, comme de nombreux journalistes occidentaux, affirme que « le monde a besoin de témoignages honnêtes et impartiaux pour aider les gens à se faire une opinion sur les grands enjeux de notre époque. Cela a jusqu’à présent été impossible à Gaza. »

    L’hypothèse selon laquelle la présence de journalistes occidentaux à Gaza améliorerait la couverture médiatique est risible. Croyez-moi, ce ne sera pas le cas.

    Israël interdit la presse étrangère car il existe en Europe et aux États-Unis un parti pris en faveur des reportages des journalistes occidentaux. Israël est conscient que l’ampleur du génocide est trop vaste pour que les médias occidentaux puissent la dissimuler ou l’occulter, malgré tout le crédit et le temps d’antenne qu’ils accordent aux apologistes israéliens et américains. Israël ne peut pas non plus poursuivre sa campagne systématique d’anéantissement des journalistes à Gaza s’il doit composer avec la présence de médias étrangers.

    Les mensonges israéliens amplifiés par les médias occidentaux, dont mon ancien employeur, le New York Times, sont dignes de la Pravda. Bébés décapités. Bébés cuits au four. Viols collectifs du Hamas. Roquettes palestiniennes errantes qui provoquent des explosions dans des hôpitaux et massacrent des civils. Tunnels et centres de commandement secrets dans des écoles et des hôpitaux. Journalistes qui dirigent les unités de roquettes du Hamas. Des manifestants antisémites et partisans du Hamas protestent contre le génocide sur les campus universitaires.

    J’ai couvert le conflit entre Palestiniens et Israéliens, principalement à Gaza, pendant sept ans. S’il est un fait incontestable, c’est qu’Israël ment comme un poisson dans l’eau. La décision des journalistes occidentaux d’accorder de la crédibilité à ces mensonges, de leur accorder le même poids qu’aux atrocités israéliennes documentées, relève du cynisme. Les journalistes savent que ces mensonges sont des mensonges. Mais eux, et les médias qui les utilisent, privilégient l’accès – en l’occurrence l’accès aux responsables israéliens et américains – à la vérité. Les journalistes, ainsi que leurs rédacteurs en chef et leurs éditeurs, craignent de devenir la cible d’Israël et du puissant lobby israélien. Trahir les Palestiniens n’a aucun prix. Ils sont impuissants.

    Dénoncez ces mensonges et vos demandes de briefings et d’interviews avec des responsables seront rapidement rejetées. Vous ne serez pas invité par les attachés de presse à participer à des visites orchestrées d’unités militaires israéliennes. Vous et votre média serez violemment attaqués. Vous serez laissés pour compte. Vos rédacteurs en chef mettront fin à votre mission ou à votre emploi. Ce n’est pas bon pour les carrières. C’est pourquoi les mensonges sont consciencieusement répétés, aussi absurdes soient-ils.

    Il est pathétique de voir ces journalistes et leurs médias, comme l’écrit Fisk, se battre « comme des tigres pour rejoindre ces “pools” où ils seraient censurés, restreints et privés de toute liberté de mouvement sur le champ de bataille ».

    Lorsque les journalistes de Middle East Eye, Mohamed Salama et Ahmed Abu Aziz, ainsi que le photojournaliste de Reuters, Hussam al-Masri, et les pigistes Moaz Abu Taha et Mariam Dagga — qui avaient travaillé pour plusieurs médias, dont Associated Press — ont été tués lors d’une frappe de type « double frappe » — visant à tuer les premiers intervenants arrivant soigner les victimes des premières frappes — au complexe médical Nasser, comment les agences de presse occidentales ont-elles réagi ?

    « L’armée israélienne affirme que les frappes contre un hôpital de Gaza visaient ce qu’elle présente comme une caméra du Hamas », a rapporté l’Associated Press.

    « Tsahal affirme que la frappe contre l’hôpital visait la caméra du Hamas », a annoncé CNN.

    « L’armée israélienne affirme que six « terroristes » ont été tués lors de frappes contre un hôpital de Gaza lundi », titrait l’AFP.

    « Une enquête préliminaire indique que la caméra du Hamas était la cible d’une frappe israélienne qui a tué des journalistes », a déclaré Reuters.

    « Israël affirme avoir vu la caméra du Hamas avant l’attaque meurtrière contre l’hôpital », a expliqué Sky News.

    Pour mémoire, la caméra appartenait à Reuters, qui a déclaré qu’Israël était « pleinement conscient » que l’agence de presse filmait depuis l’hôpital.

    Quel a été le compte rendu de la mort du correspondant d’Al Jazeera, Anas Al Sharif, et de trois autres journalistes le 10 août dans leur tente de presse près de l’hôpital Al Shifa ?

    « Israël tue un journaliste d’Al Jazeera qu’il présente comme le chef du Hamas », a titré Reuters, malgré le fait qu’al-Sharif faisait partie d’une équipe Reuters lauréate du prix Pulitzer 2024.

    Le journal allemand Bild a publié en première page un article intitulé : « Un terroriste déguisé en journaliste tué à Gaza.»

    Le déluge de mensonges israéliens, amplifié et crédibilisé par la presse occidentale, viole un principe fondamental du journalisme : le devoir de transmettre la vérité au spectateur ou au lecteur. Il légitime les massacres de masse. Il refuse de demander des comptes à Israël. Il trahit les journalistes palestiniens, ceux qui couvrent et sont tués à Gaza. Et il révèle la faillite des journalistes occidentaux, dont les principaux attributs sont le carriérisme et la lâcheté.

    Abou Stroff
    3 septembre 2025 - 15 h 21 min

    « La catastrophe palestinienne n’est pas l’œuvre d’une faction mais l’aboutissement d’un projet colonial couvert, armé, subventionné, normalisé. » souligne K. B..

    je pense que cette sentence cerne, avec précision, la porblématique concernée, à savoir que le conflit palestino-sioniste s’intègre parfaitement dans une problématique de colonisation qui ne peut être dépassée que par un processus (violent ou non violent, peu importe) de décolonisation.

    ceci étant précisé, je persiste et signe:

    le projet sioniste continuera à s’imposer tant que les régimes arabo-musulmans (des vestiges coloniaux doublés de régimes racistes basés sur la religion) et l’entité sioniste (un régime colonial doublé d’un régime raciste basé sur la religion) ne seront pas « déconstruits » par les peuples (quelle que soit leur religion) qui subissent l’asservissement et l’exploitation du Grand Capital dont le régime sioniste et les régimes arabo-musulmans ne sont que les « représentants régionaux ».

    en termes crus, je pense que, pour neutraliser le projet sioniste, les peuples (quelle que soit leur religion) de la région doivent commencer par neutraliser les régimes arabo-musulmans (maillon faible du ………… réseau) compradores qui justifient, directement ou indirectement, l’existence même de l’entité sioniste en tant que telle.

    wa el fahem yefhem.

    KP10
    3 septembre 2025 - 14 h 49 min

    On pourrait en dire autant de l’enquête en 6 épisodes sur le Maroc en date de la semaine dernière ou il n’est à aucun moment, abordé le cas de l’occupation du Sahara Occidental en violation des lois internationales.
    A ce rythme, le Monde suit la même pente que Charlie Hebdo avec Philippe Val et la décadence morale de la politique française.
    Une perte de crédibilité pourtant affirmée et assumée.
    Pôvre Le Monde.

    🇩🇿 Fodil Dz
    3 septembre 2025 - 12 h 42 min

    Ça fait bien longtemps que ces journaleux n’informent plus. Leurs mensonges ne changeront rien du tout. Personne n’est dupe. Les occidentaux qui n’ont déjà pas de figure se comportent de la sorte car ils ne veulent pas perdre la face. Peine perdue. C’est évidemment par réflexe pavlovien que ces arrogants agissent.

    HANNIBAL
    3 septembre 2025 - 12 h 41 min

    Ce torchon qu’est devenu le monde doit se faire retourner son fondateur Hubert Beuve Méry dans sa tombe
    tellement enrichissant kad un canard qu’il faut classer comme hara kiri tout autant dégueulasse
    bon les $ionistes sont a la manoeuvre attaquer les Palestiniens et les zarabes c’est la mode !
    On dit tout le reste c’est de la littérature non c’est pas de la littérature c’est du Vomit !

    icialG
    3 septembre 2025 - 11 h 38 min

    Les media-torchons ça sert à se torcher comme le papier Q
    Mais nous on n à pas peur
    Nous sommes une référence

    🇩🇿 Fodil Dz
    3 septembre 2025 - 11 h 33 min

    Quand le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier. Même si elle met plus de temps, la vérité finit toujours par arriver !

    La Chèvre
    3 septembre 2025 - 11 h 29 min

    Comme le dit si bien Khaled Boulaziz, « le trucage rhétorique est enfantin ». Les occidentaux et leurs médias sous contrôle tentent vainement d’inverser les rôles alors que tout le monde sait que l’entité criminelle sioniste a déjà perdu la bataille de l’image.
    Ils essaient de modifier le narratif d’une histoire en cours car avec le génocide en cours à Gaza c’est tout leur monde qui s’effondre !
    Quand l’idiot sioniste montre sa plume, le pertinent n’ignore pas que les doigts qui l’accompagnent versent dans le mensonge de bas étage. Une diversion ridicule.

    Luca
    3 septembre 2025 - 11 h 22 min

    J’ai un copain qui s’en sert comme fond de cage pour son élevage de canaris de chant et de postures, et aussi pour allumer le barbeuk …., moi j’en voudrais même pas pour le refiler à mon voisin cornard français, et surtout pas surtout pas surtout pas, pour fond de cage pour mes tarins du venezuela

      Hamma
      3 septembre 2025 - 12 h 47 min

      Votre ami peut bien l’utiliser comme il veut après l’avoir lu… cela prouve au moins qu’il l’achète (ou confondez vous avec 20 minutes ?)

    Anonyme
    3 septembre 2025 - 10 h 15 min

    le journal le monde a renié toute la doctrine qui l’a créé il est devenu du papier recyclable en papier de toilette

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