Plus d’un demi-siècle d’indépendance : entre l’acceptable et ce qui ne l’est pas

Soixante années après le 1er novembre 1954, on ne fait que commémorer cette journée chaque année et l’oublier le lendemain. Dans ce Novembre, beaucoup sont morts, anonymes, au milieu des dizaines de milliers d’autres martyrs de la cause sacrée. Ceux qui ont traversé les rudes épreuves du colonialisme français, la plupart dans l’obscurité de leurs tâches quotidiennes ou sur le devant de la scène politique, toujours anonymes, poursuivent inlassablement la réalisation parfois de leur utopie d’hier. Ils n’ont jamais cherché deux témoins, parfois de faux témoins, pour établir la fameuse attestation communale qui est un facteur de division des Algériens : des avantages pour les uns et un marasme pour d’autres. Aussi, une nouvelle génération a tenté de prendre le relais et paie déjà le… tribut de la sueur. Aujourd’hui, il reste l’histoire à écrire ou à réécrire de cette heureuse génération à laquelle l’Algérie et le peuple algérien patriote (les années quatre-vingt-dix ont démontré entre les Algériens qui était patriote et qui était traître) restent éternellement redevables. Histoire d’un peuple et non celle d’individus. Novembre fut un commencement ou plus exactement le point de rupture entre deux moments d’une même histoire. Et le Premier Novembre n’a pas été seulement l’aube d’une des plus grandes luttes de libération véritable, qui après s’être servie des armes de la violence légitime pour détruire la tyrannie française, les a ensuite mises de côté, mais à portée de la main, pour prendre celles de la vie, afin de donner à l’indépendance sa signification entière et éditer les fondements d’une société libre, juste et pacifique. Une société où les richesses de ce pays puissent appartenir à tous ses fils intègres et dévoués, et pas à une minorité comme nous le constatons aujourd’hui après un demi-siècle d’indépendance. Une société où le sol national soit la citadelle des hommes libres et stimule, en la guidant, l’action des patriotes et de tous les nationalistes. Où en est aujourd’hui la révolution algérienne des idéaux de novembre ? Avons-nous récupéré nos archives nationales, détournées par le gouvernement français ? Non ! Avons-nous avancé dans l’écriture de l’histoire de notre révolution depuis l’Emir Abdelkader ou depuis la résistance de Lala Fatima N’soumer ? Non ! Avons-nous permis aux journalistes d’écrire l’histoire authentique ? Non ! Les éditeurs font obstacle avant les responsables concernés. Enfin, avons-nous fait un travail d’assainissement pour éradiquer les faux moudjahidine ? Non ! Les vrais moudjahidine ont-ils pris conscience des obstacles qui freinent la révision et l’écriture de notre marche révolutionnaire depuis le siècle dernier ? Non ! Ou faut-il encore attendre d’autres Novembre et d’autres générations pour accomplir cette mission ? Prenez conscience ! La nouvelle génération nous accuse d’avoir chassé la France de l’Algérie ! Les jeunes nous reprochent la folie d’avoir chassé un pays comme la France de l’Algérie. Ils nous accusent d’idiots, de malchanceux (tnahs), de misérables, d’accablés, d’éprouvés… Parce que pour eux, à ce qu’ils constatent aujourd’hui, on a fait une mauvaise affaire, on a misé sur le mauvais cheval. Ces jeunes d’aujourd’hui, qui crèvent dans les coins des ruelles des quartiers, qui la plupart exclus de l’enseignement parce qu’ils ont échoué au CF1, BEM, bac… et qu’ils n’ont pas trouvé de CET, comme dans le passé lointain. Ces jeunes qui n’ont pas eu la chance devant les guichets de l’Ansej. Et l’unique chance pour quelques-uns, c’est le nettoyage des accotements des routes, habillés comme ceux de Guantanamo. Ces jeunes qui n’ont pas eu la chance aussi de s’engager dans la vie militaire à cause du favoritisme et la priorité aux enfants de la «nomenklatura». Ces jeunes qui observent le long des journées comment le piston, le favoritisme et la corruption sont les maîtres qui règnent dans un pays qui se réclame d’être un Etat de droit. Ces jeunes qui n’hésitaient pas à cotiser la somme qu’il faut pour se procurer une embarcation ordinaire qui leur permettra de traverser la Méditerranée pour s’installer en France, avec tous les risques dans une aventure suicidaire. Ces jeunes qui n’hésitent pas aussi devant l’exclusion à s’immoler par le feu. Ces jeunes, dont les prisons sont pleines de leurs semblables écroués parce qu’ils ont commis l’irréparable, voler, agresser, cambrioler, faire les dealers pour les gros bonnets intouchables, parce qu’ils n’ont pas trouvé d’hommes responsables qui leur ouvrent les portent de la connaissance et des métiers à apprendre et un logement adéquat pour un être humain. Ces jeunes d’aujourd’hui, ont-ils raison ou tort de nous accuser d’idiots, de connards, de misérables et de tous les noms, parce que notre unique crime est celui d’avoir chassé la France de l’Algérie ? Les milliers de harraga nous accusent aujourd’hui parce qu’ils ignoraient totalement les méfaits du colonialisme, le terrorisme, les massacres et tous les crimes de guerre et contre l’humanité que la France coloniale a commis en Algérie. Pour ainsi dire, depuis 1962 à ce jour, nous demeurons dans l’auberge et on n’est pas près d’en sortir, car certains opportunistes se sont fait passer pour des moudjahidine, et ont trouvé refuge et avantage chez l’ancien colonisateur. Qu’ils aient pris le train en marche est une autre histoire. Mais arriver à manipuler l’histoire de la nation, c’est grave. Plus grave encore, devant le silence complice de vraies valeurs du pays. Les intellectuels sont muets. L’histoire est d’abord manipulée par la France qui veut étouffer toutes les étapes des Algériens indépendantistes : pour preuve, nous citons les obstacles dressés devant le projet de loi incriminant le colonialisme français en Algérie. Les services spéciaux français ont enregistré toutes les personnalités qui sont pour l’aboutissement de ce projet, des analyses de fond sont effectuées sur tous les auteurs et les politiques frappés du sceau de Novembre 1954. Novembre 2014, la lutte d’hier se poursuit encore et tant qu’il y a et qu’il existe dans ce pays des patriotes avec les exigences d’aujourd’hui pour les conquêtes de demain, l’Algérie ne sera jamais une chasse gardée de la France qui refuse de reconnaître ses crimes contre l’humanité.
Cheikh Hamdane
 

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