Les élucubrations du département d’Etat américain sur l’esclavage moderne en Algérie

Dans son rapport annuel sur la traite des êtres humains, le département d’Etat américain vient de classer l’Algérie dans la catégorie 3, la pire catégorie où se trouvent des pays considérés comme ne respectant pas les normes internationales et ne faisant pas d’«efforts importants» en matière de lutte contre l’esclavage moderne. Ce qui est absolument curieux dans ce rapport, c’est que le Maroc, le Qatar et l'Arabie Saoudite, réputés champions de l'esclavage, sont mieux classés que nous. La couleur orange, qui couvre l’espace de notre pays dans la carte qui accompagne le rapport américain, est censée signifier que les Algériens ne font pas grand-chose pour lutter contre l’esclavage moderne. Cette couleur orange suggère que si ça continue, nous tomberons dans le rouge, c'est-à-dire un pays esclavagiste. Comme par hasard, on lit dans la même catégorie que l’Algérie, les noms des pays du fameux «axe du mal», tel que défini par les Etats-Unis, comme la Corée du Nord ou la Syrie et même l’Iran, ou bien «assimilés» parce que perçus par les dirigeants de la Maison-Blanche et les services secrets américains qui pilotent ce genre d’évaluation comme un danger pour les intérêts des Etats-Unis, à l’exemple du Venezuela, de la Russie, et d’autres. Pour donner les bons points et infliger des blâmes aux autres, comme il se croit permis de le faire, le département d’Etat ne craint pas d’être outrancièrement partial et se laisse guider par les impératifs politiques, loin de toute objectivité. Tout est bon pour servir les visées géostratégiques de la Maison-Blanche ; le rapport sur l’esclavage moderne n’échappe à cette démarche qui touche de la même façon la question des droits de l’homme ou de la démocratie. Prenons le Qatar, ménagé par les Etats-Unis pour le rôle qu’il joue dans leur stratégie au Moyen-Orient, en particulier dans la déstabilisation de certains pays arabes et dans l’aventure criminelle en Syrie, tout le monde connaît la situation dramatique des travailleurs migrants dans ce petit Emirat, exploités sur des chantiers ou comme domestiques dans les demeures des riches. Voici ce qu’un site africain d’information écrivait il y a quelques jours sur le Qatar : «Le travail forcé serait monnaie courante, les salaires seraient payés en retard et les passeports des travailleurs migrants seraient souvent confisqués.» Il avance le chiffre de 1 200 ouvriers immigrés, décédés sur les chantiers du Mondial de football prévu en 2022 au Qatar. Prenons le Maroc, où des dizaines de milliers de fillettes, toutes issues de milieux pauvres, sont exploitées comme domestiques. Ce royaume fait d’ailleurs beaucoup parler de lui, en matière d’esclavage moderne, par ses «petites bonnes», des jeunes, parfois même des enfants, exploitées sexuellement et qui sont embauchées dans des réseaux de prostitution en Arabie Saoudite et dans les pays du Golfe. Et l’Arabie Saoudite ? La pratique de l’esclavage y est «normale». On retrouve dans ce pays, les «petites bonnes» marocaines qui sont obligées de faire tout ce que veulent leurs maîtres saoudiens. Elles sont achetées et vendues dans des transactions via la Toile dans le cadre d’un marché, c'est-à-dire une vraie traite d’humains. Les «experts» en traite du département d’Etat américain n’y voient aucun scandale. Ils ferment également les yeux sur le sort des travailleurs domestiques, eux aussi soumis à une pratique d’esclavage, à la tâche sans arrêt, sans repos, très souvent sans être payés, mais constamment humiliés, insultés et frappés. Seulement, l’Arabie Saoudite est un allié précieux des Etats-Unis, les monarques qui le dirigent ne doivent pas être froissés par un classement infamant, quel qu’en soit l’objet. Contrairement à notre pays. Heureusement, au plan officiel, aucune suite n’a été réservée par l’Algérie aux élucubrations du département d’Etat américain.
Houari Achouri

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