Comment la zone euro a tué la Grèce

Ce qu’on appelle par euphémisme la crise grecque est d’abord le résultat de l’intégration de l’économie grecque à l’Union européenne et à l’Union européenne monétaire, dans un contexte de degré élevé d’inégalité de son niveau de développement comparativement aux autres Etats membres.
Le coût de l’intégration à l’UE

Ce qu’on appelle par euphémisme la crise grecque est d’abord le résultat de l’intégration de l’économie grecque à l’Union européenne et à l’Union européenne monétaire, dans un contexte de degré élevé d’inégalité de son niveau de développement comparativement aux autres Etats membres.
Le coût de l’intégration à l’UE
Des branches importantes de l’industrie ont été mises sur la voie du déclin après avoir fait les frais d’une forte pression concurrentielle et subi des restructurations (ex : textile, habillement, métallurgie, construction navale et fabrication d’autres moyens de transport). Conséquence : augmentation rapide des importations depuis l’UE et accroissement du déficit de la balance commerciale. La Politique agricole commune (PAC) a mené la balance des paiements agricole de la Grèce d’un surplus de 9 milliards de drachmes en 1980 à un déficit de 3 milliards d’euros en 2010, faisant de ce pays un importateur de denrées alimentaires. Le déficit commercial est passé de 4% du PIB en 1975-80, à 5% en 1980-85, à 6% en 1985-1990, 7% en 1990-95, 8,5% en 1995-2000, et a explosé à 11% du PIB dans la décennie 2000-2010.Son tissu productif national ayant été affaibli et fragilisé, la Grèce importe plus qu’elle n’exporte : le déficit commercial de la Grèce a contribué au gonflement de sa dette extérieure publique et privée La détérioration du déficit commercial a été suivie par celle de la balance des paiements «externe» (la balance des comptes courants), c’est-à-dire que le «bilan annuel» général du pays avec les autres pays est passé d’un surplus d’1,5% en 1975-1980 à un déficit de 0,9% en 1980-1990, le déficit est passé à 3% du PIB sur la période 1990-2000. Ce déficit a explosé avec l’entrée du pays dans la zone euro jusqu’à atteindre une moyenne annuelle dépassant les 13% du PIB dans la décennie 2000-2010, conduisant à une augmentation des emprunts publics pour payer le déficit de la balance des paiements extérieure.
Le coût de l’adhésion à l’Euroland, la zone monétaire unique
La zone monétaire unique instaurée par le Traité de Maastricht, cela signifie une seule politique monétaire et une seule banque centrale. Tout Etat membre est tenu de respecter 4 critères de convergence qui concernent (1) l'évolution des prix, (2) l'évolution des finances publiques, (3) l'évolution des taux de change et (4) l'évolution des taux d'intérêt à long terme. Le premier critère de convergence concerne l'inflation, un État membre a un degré de stabilité des prix durable et un taux d’inflation bas. Selon les critères de convergence, les pays de la zone doivent tous avoir un niveau de dette inférieure à 60% du PIB et un déficit public maximum de 3% du PIB. Au total, une politique monétaire statutairement rigoureuse, des politiques budgétaires nationales limitées par les règles prudentielles établies et toutes sortes d'autres mécanismes et des politiques salariales nécessairement restrictives, dans un esprit de «compétition et de rigueur».
Le coût des alliances
Les dépenses militaires grecques en 2009 s’élevaient à 4% du PIB, comparées au 2,4% de la France et au 1,4% de l’Allemagne. C’est la résultante des dépenses massives dans les programmes d’armement et les missions (ex : Bosnie, Afghanistan) dans le cadre des plans de l’Otan.
Le coût du transfert de souveraineté : les politiques nationales sont guidées par Bruxelles
Les Etats membres ne sont plus libres d’agir dans des domaines clé de la souveraineté tels que ceux de la monnaie, du budget, du taux d’intérêt, de la fiscalité. Si un pays a besoin d'une politique monétaire plutôt restrictive (hausse des taux d'intérêt), afin de combattre l'inflation, ou inversement d'une politique monétaire expansive (baisse des taux d'intérêt) pour relancer la croissance et stopper la déflation, c'est totalement impossible car il y a une seule banque centrale, c'est la BCE. Les Etats ne peuvent pas emprunter auprès de la BCE, au nom de l’orthodoxie monétaire qui prévaut dans la zone euro, ils doivent se financer sur les marchés financiers, à des taux incertains, ce qui va entrainer l’augmentation du poids de la dette [1]. L’Etat grec s’est ainsi dessaisi au profit des autorités de Bruxelles des instruments de politique économique : les instruments les plus puissants de la politique économique au soutien de l'activité, en particulier la politique monétaire, la politique budgétaire, la politique des revenus, le contrôle des prix et le contrôle des changes. Il n’est pas en mesure d’opérer les ajustements que la conjoncture intérieure requiert. Ainsi, pour résorber ses déséquilibres, la Grèce ne peut plus dévaluer sa monnaie, elle est prisonnière de l’euro.
Le coût de la crise financière mondiale de 2007/2008
Le déclenchement de la crise en 2008 a contribué à l’accroissement du déficit public annuel et à l’inflation de la dette publique. D’une part, à travers la diminution des recettes fiscales due à la contraction de l’activité économique (ex : diminution du chiffre d’affaires, fermeture d’entreprises, augmentation du chômage etc.) et d’autre part à cause des nouveaux plans de renflouement publics pour les banques et les autres groupes monopolistes.
Le piège de la dette
Un cercle vicieux s’enclenche : il faut emprunter pour payer la dette ; réduire ses déficits pour emprunter ; tailler dans les dépenses publiques pour réduire les déficits ; abaisser les salaires, les prestations sociales et «réformer» les retraites pour réduire les dépenses publiques. Autant de mesures qui appauvrissent les ménages, obscurcissent les perspectives économiques et incitent les agences de notation à dégrader les titres de la dette souveraine…
D’abord présentée aux Etats, la facture adressée par les banques pour le prix de leur propre impéritie échoit alors à son destinataire final : les salariés.
Le gouvernement grec annonçait en 2009 un déficit autour de 6 % du PIB. D’après un article du New York Times, c’est Goldman Sachs qui aurait aidé la Grèce à «maquiller» ses comptes depuis 2001 (le maquillage des comptes du pays en juin 2001 aurait rapporté 600 millions de dollars à la banque d'affaires américaine) et aurait joué un rôle de conseil jusqu’en 2009. L’actuel Premier ministre grec avait pris part à ce maquillage des comptes de la Grèce quand il était gouverneur de la Banque de Grèce, puis vice-président de la Banque Centrale Européenne. En 2009, le gouvernement grec aurait refusé un outil financier permettant de repousser à une date plus lointaine le poids de la dette. Le leader du PASOK, George Papandréou, arrivé à la tête du gouvernement en octobre 2009 ? décide de dévoiler la réalité des chiffres : un déficit de 12,7 % du PIB et une dette publique de 300 milliards d’euros fin 2009, soit 113 % du PIB. L’annonce du Premier ministre grec a alors donné le signal à une première vague de spéculations sur la dette grecque, détenue dans une large mesure par des investisseurs étrangers.
La facture de l’UE
Sous pression de l’UE, le gouvernement grec a augmenté la TVA et d’autres taxes sur la consommation, repoussé de deux ans l’âge de la retraite, baissé les salaires des fonctionnaires et arrêté de remplacer ceux qui partent à la retraite. Il s’agit de réduire drastiquement le déficit public, qui atteint près de 13 % du PIB en 2009.
La mise sous tutelle de la Grèce
Les créanciers de la Grèce se sont mis d'accord pour effacer plus de 100 milliards d'euros de dette grecque et la ramener à 120,5% du PIB d'ici 2020 grâce à un nouveau programme de prêts publics de 130 milliards d'euros et à une restructuration de la dette détenue par les créanciers privés.
En échange, Athènes est placée sous tutelle par l’UE, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international qui auront un véritable droit de véto budgétaire sur toutes les mesures et réformes adoptées par le gouvernement grec.
La Grèce est mise sous tutelle immédiate dans les domaines clés que sont la gestion des différentes administrations et les finances .Des fonctionnaires de la Commission européenne prendront en charge l'administration fiscale et la commission chargée des privatisations. Une Équipe spéciale est chargée de surveiller les réformes en Grèce. Bien sûr, en cas de refus d'Athènes, les paiements réguliers dont bénéficie Athènes seraient stoppés.
Le coût social
Depuis près de deux ans, la troïka procède à une véritable saignée sociale en Grèce. Ce pays vit un nouveau plan d’ajustement structurel digne de ceux menés en Asie et en Amérique du Sud au cours des années 1990.
Un nouveau plan d’austérité : le train de mesures adopté par la majorité gouvernementale PASOK-droite-extrême droite prévoit une baisse de 22% du salaire minimum (ainsi ramené autour de 586 euros bruts sur 14 mois). D'autres sources font état d'une réduction de 22% du salaire de base de chaque branche professionnelle, de coupes dans les retraites complémentaires, et de 15 000 suppressions d'emplois dans l'année dans le secteur public.
L’'Autorité des statistiques grecques (ASE) a annoncé que le cap du million de chômeurs, pour 11 millions d'habitants, avait été dépassé en novembre, portant le chômage au niveau record de 20,9%, jamais atteint depuis l'entrée du pays dans la zone euro en 2000. Près d'un jeune sur deux de 15 à 24 ans est sans emploi (48%), partageant avec les femmes, frappées à 24,5%, le statut de principales victimes du chômage.
Baisse des minima sociaux, 
des salaires et des retraites, hausses de la TVA, 15 000 suppressions de postes dans la fonction publique dans l’année… le prix à payer par le peuple grec pour débloquer le deuxième «plan de sauvetage» de la troïka est mortel. Ce nouveau tour de vis dans un pays qui entame sa cinquième année de récession est qualifié de «tombeau 
de la société grecque» par 
les syndicats.

Madjid Salmat
 

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