Du capitalisme à l’impérialisme

Au début du capitalisme industriel – pendant sa phase concurrentielle –, la propriété privée des moyens de production et de commercialisation a induit l’accumulation primitive du capital qui a permis d’acheter la force de travail des ouvriers et des ouvrières à vil prix, d’en spolier le «surtravail», d’en accaparer la «plus-value» – unique source des bénéfices industriels, des profits commerciaux, des rentes foncières et des bénéfices spéculatifs –, d’assurer l’investissement du capital et le développement de la production industrielle marchande qui propulsait chaque nouveau cycle de circulation du capital (Capital argent –» Capital production –» Capital marchand –» Capital argent) et sa reproduction étendue.
Le stade ultime – impérialiste – de ce développement capitaliste se particularise par le mélange de huit caractéristiques que voici :
1) La concentration des moyens de production et de commercialisation des biens et des services et du capital productif parvenue à un degré si élevé qu’elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique, politique et social générale de la société.
2) L’interpénétration du capital bancaire (capital argent – épargne – rentes et bénéfices commerciaux) et du capital industriel (moyens de production, salaires, fonds de roulement, actions et obligations) et création, sur la base de ce capital financier gigantesque d’une oligarchie financière hégémonique. Ce «capital financier», en partie parasitaire, permet la titrisation inflationniste de tous les types d’actifs financiers et cela en dehors des circuits industriels productifs sans qu’aucune valeur d’usage ni aucune valeur marchande équivalente ne soit produite ou commercialisée.
Ce «capital financier», devenu en partie fausse monnaie inflationniste illégitime, concurrence puis phagocyte le capital «industriel productif» en offrant des rendements spéculatifs alléchants qui drainent l’épargne, les rentes et les bénéfices vers les placements boursiers illicites, sans compter le transfert d’une quantité importante de ces capitaux vers des paradis fiscaux hors la loi où ils fusionnent avec l’argent sale – mafieux.
S’ensuit une succession de crises financières, boursières, monétaires entraînant la disparition d’avoirs fictifs, superfétatoires, provoquant crises de surproduction, dépression économique, chômage endémique et marasme de l’économie impérialiste.
3) L’exportation de capitaux en concomitance à l’expansion des exportations et des importations de marchandises d’une façon toute particulière sous l’impérialisme. Sous l’impérialisme les monopoles écoulent leurs marchandises sur les marchés à des prix sous-évalués (coton américain par exemple) afin de détruire toute concurrence (des producteurs de coton égyptien par exemple) – après cette phase de «dumping», ayant accaparé le marché ils fixent ensuite des prix monopolistes. De plus, le développement impérialiste accentue l’exportation massive de «capital financier» qui asservit l’économie des pays dépendants (néo-colonies). Qui plus est, très souvent ces «investissements» ne correspondent nullement au développement de nouveaux moyens de production ou à l’utilisation de nouvelles forces productives dans les pays dominés, parfois même il n’y a aucun transfert de biens ou de services de ou vers ces pays néo-colonisés «bénéficiaires» de ces investissements asservissants.
Qu’y a-t-il d’étonnant à constater que depuis 1960, deux mille milliards de dollars, au titre de «l’aide au développement», ont été internationalement dilapidés et se sont soldés par davantage de pauvreté dans les pays néo-colonisés ? Ces soi-disant investissements se réduisent souvent à une opération comptable (aux livres) où le pays débiteur se retrouve surendetté pour ne pas avoir remboursé un emprunt précédent. S’ensuit un déséquilibre important de la balance des paiements nationaux de ces pays néo-colonisés et dépendants et la mise en péril de leur monnaie nationale.
A titre d’exemple une quinzaine de pays de la France-Afrique sont toujours soumis à la structure monétaire, bancaire et financière du franc CFA dont la gestion et les réserves monétaires sont déposées à la Banque de France à Paris et dont la parité est artificiellement maintenue avec l’euro une monnaie déjà assujettie aux aléas économiques de 17 États européens sur le déclin. Les pays africains dépendants n’ont tout simplement aucun contrôle sur leur monnaie soi-disant nationale.
Les moyens de production et les «produits de base» que ces pays débiteurs fournissent sont de faible valeur marchande sur les marchés extérieurs alors que les produits ouvrés que lui vendent les pays créanciers sont hors de prix pour ces pays asservis. L’endettement de ces États souverains vis-à-vis du capital international se poursuit jusqu’à la déliquescence de l’appareil gouvernemental néocolonial où l’armée, forgée de flibustiers et de criminels militarisés que l’on a gratifié du monopole de la violence gouvernementale-légale (dont les officiers ont été formé dans les métropoles des oligopoles) demeure souvent la seule structure fonctionnelle sous contrôle de la métropole néo-colonisatrice.
L’effondrement de ces gouvernements aliénés, surendettés et spoliés, entraîne parfois leurs créanciers dans la faillite ; ainsi va la vie sous l’impérialisme. Sous des couverts intégristes-extrémistes en trompe-l’œil, la décrépitude de nombreux gouvernements d’Afrique et d’Extrême-Orient est le résultat de cette structure de domination économique, industrielle, financière et militaire internationale et de la misère qu’elle engendre partout en Afrique et en Asie.
4) Le développement inégal, combiné et par bonds des monopoles, des oligopoles, des multinationales et des États capitalistes et des régions sous domination des oligarchies financières internationales, amène la formation d’alliances internationales monopolistiques de groupes capitalistes se partageant le monde, ainsi que la création d’organisations internationales de gouvernance et de régulation économique, financière, politique, juridique et militaire à l’échelle continentale (Union européenne, Alliance de Shanghai, l’ALBA, l’ALENA, Communauté euro-asiatique, etc.) et à l’échelle mondiale (Otan, OCDE, OCM, Banque mondiale, FMI, CPI, ONU).
La doxa économique moderne identifiant des pays dits «non alignés» ainsi que d’autres catégories de pays capitalistes selon quelques singularités de leurs statistiques économiques conjoncturelles n’est que conjecture spécieuse. Le développement capitaliste s’est toujours réalisé par bonds et de façon inégale d’un pays à un autre et d’une région à une autre à l’intérieur même de chaque pays souverain. Pendant que de nouvelles puissances impérialistes apparaissent, d’autres amorcent leur détresse sous les coups de boutoirs des premiers et l’exploitation impérialiste mondiale se poursuit jusqu’au jour où la classe ouvrière y mettra fin.
5) Le triomphe de l’impérialisme contemporain marque la fin du partage territorial du globe en zones d’exploitation, de spoliation, de contrôle et en sphères de dépendance entre les grandes puissances impérialistes et leurs alliés. Le partage des terres à exploiter, des pays à spolier, des peuples à surexploiter ayant été complété, il ne peut en résulter qu’une succession de guerres larvées pour le repartage suivant les aléas du développement inégal, combiné et par bonds entre les différentes puissances impérialistes déclinantes et celles «émergentes», ascendantes et très gourmandes. La loi de l’inégalité de développement des pays impérialistes est grosse de luttes et de conflits financiers, monétaires, diplomatiques et militaires entre ces pays.
Les multiples guerres impérialistes locales et régionales, sous prétexte hier de confondre les guérillas communistes dans les pays dominés et aujourd’hui d’éradiquer les activités dites «terroristes» des mercenaires et des flibustiers engagés, payés, armés et entraînées par les puissances impérialistes, sont des expressions de ces combats pour le repartage des zones d’exploitation, d’oppression, de spoliation des ressources et de la plus-value dans le tiers-monde.
6) L’impérialisme se caractérise aussi par une hypertrophie des activités de service et par la tertiarisation de l’activité économique générale. Une part très importante de la force de travail est désormais occupée à offrir des services en tous genres (services tertiaires de restauration et d’hôtellerie par exemple et services quaternaires de gouvernance et de recherche-développement par exemple), alors que la portion congrue des forces productives reste attachée à la production de moyens de production – industrie lourde – (production de machines, d’outils, d’appareils, de systèmes de transports, de robots, de matière première et de produits de première transformation et d’énergie) et de biens de consommation courants – industrie légère.
Dans la plupart des pays impérialistes, plus des trois quarts des travailleurs œuvrent dans le secteur des services tertiaires et quaternaires (restauration, hôtellerie, commerce de détail, arts et spectacles, éducation, soins de santé, banque et finance, services-conseil, services gouvernementaux, etc.). Tous ces travailleurs se partagent une part ou une autre de la plus-value produite par les ouvriers des secteurs primaires (mines, agriculture, forêts et pêcheries) et secondaires (construction, transport, industrie lourde et légère).
Tout ceci démontre la très haute productivité des travailleurs et l’intensité infernale du travail dans les secteurs primaires et secondaires des pays impérialistes alors que les taux d’exploitation de la classe ouvrière et d’extraction de la plus-value de la force de travail ont atteint des sommets inégalés dans l’histoire de l’humanité. Les chantres des parcours de productivité visant à accroître la compétitivité n’ont plus qu’à se rhabiller la classe ouvrière a déjà trop donné pour sauver leur système dégénéré.
Par ailleurs, au même instant, l’armée de réserve des travailleurs (chômeurs à temps plein ou partiel ; désœuvrés à plein temps ou temporairement ; assistés sociaux et pauvres retirés de la recherche active d’un emploi, etc.) n’a jamais été aussi imposante en nombre et en proportion que pendant cette crise économique systémique de surproduction relative.
En corollaire, les activités primaires agricole, sylvicole et piscicole et de pêche hauturière sont, dans ces pays impérialistes avancés, devenues des activités très fortement mécanisées, avec usage massif d’une panoplie de produits chimiques industriels polluants (engrais, fongicides, insecticides, herbicides, ainsi que OGM, etc.) atteignant des taux de rendement par unité de surface, des taux de productivité, d’agression de la terre-mère et d’exploitation de la force de travail salarié jamais égalés dans l’histoire de l’humanité (environ 5% de la main d’œuvre active produit les matières premières forestières, minières, hauturières et agraires nécessaires à l’ensemble de l’économie). Dans ces pays impérialistes avancés, il ne reste plus aucune trace de la classe paysanne et des rapports sociaux féodaux. Dans quelques pays impérialistes ascendants – en cours de monopolisation-développement – les reliquats des rapports sociaux féodaux sont rapidement évacués en même temps que la classe paysanne est paupérisée – prolétarisée et chassée des campagnes vers les taudis urbains où elle s’agglutine dans l’attente d’un emploi aléatoire et misérable.
Robert Bibeau
 

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