Khalifa Laroussi : des grands faits de guerre aux petites misères de l’existence (II)

Khalifa n’est pas né riche. Un an après sa naissance en 1966, son père avait l’âme chevillée au corps. Né à Aïn Beïda, dans l’est du pays, Khalifa Laroussi s’est d’abord marié dans l’Hexagone avec une ressortissante française. Dans les années 50, il occupait déjà l’inaccessible poste de sous-préfet en France (à Versailles). A la même période, il s’offre même le luxe de faire partie du cabinet de Bernard Lafay, alors ministre de la Santé. En 1957, il rejoint le Maroc, en compagnie de sa femme et se met à la disposition de la Révolution. Il réussit à prendre contact avec le très discret Abdelhafid Boussouf qui l’accueille non sans l’interroger. Les présentations étant faites et l’examen d’admission passé avec succès, Boussouf enjoint à Laroussi de divorcer d’avec sa femme parce que française. Laroussi s’exécute. Boussouf le met en clandestinité et s’attelle à mobiliser les jeunes pour les enrôler dans les futurs services secrets algériens. Dans le courant de cette année charnière, Boussouf introduit à Oujda, dans l’est du Maroc, des dizaines de jeunes qu’il fait former par un enseignant d’arabe, Lahbib Benyekhlef. Boussouf charge Laroussi de diriger une école destinée à former les cadres de la Révolution, l’ancêtre de l’ENA en quelque sorte. L’école dispensait un enseignement politique et administratif. Les étudiants y recevaient des cours d’histoire et de géographie notamment, d’où Le manuel du militant, publié par Laroussi au lendemain de l’Indépendance. A ses côtés, professaient Belaïd Abdesselam, Abdelaziz Maâouni, Mustapha Moghlem et autre Noureddine Delci. Le cycle était court, entre quatre et cinq mois, et les cours intensifs – ils duraient jusqu’à vingt heures par jour. Un major de promotion de cette école des cadres deviendra, longtemps plus tard, un des plus proches collaborateurs du président Bouteflika : Hamid Temmar. Laroussi était ainsi à la tête d’une école qui comptait 72 futurs cadres mobilisés. Ces étudiants avaient suivi un stage militaire à la Moulouya, près de Berkane, au Maroc, dans une ferme appartenant à un Algérien, Mustapha Belhadj, dont les enfants Bouabdallah ont soutenu corps et âme la candidature de Bouteflika à la présidence de la République. L’enseignement militaire y était dispensé par Mohamed Larbaoui (dit Nehru). Ce dernier, après un exil forcé à Moscou, occupera le poste de secrétaire d’Etat à l’Hydraulique sous Boumediene. Lorsque Laroussi finit d’accomplir sa mission de formateur, il reste avec Boussouf auprès de qui il occupe la fonction de secrétaire. La confiance entre les deux hommes est telle que Boussouf le nomme à la tête de son cabinet à Tunis, dès qu’il prend place au sein du Gouvernement provisoire de la République algérienne, en 1958, comme ministre des Liaisons générales et de la Communication (MLGC). Deux ans plus tard, la mission de l’armement sera intégrée à ce portefeuille pour devenir, en 1960, le ministère de l’Armement et des Liaisons générales (MALG). Laroussi ne quitte pas Boussouf, dont il dirige un cabinet composé d’une dizaine de personnes, jusqu’au cessez-le-feu. Boussouf voue à Laroussi une confiance sans bornes et une amitié qu’il croit indestructible. Il nourrit envers lui une estime telle qu’il lui choisit pour nom de guerre son propre prénom, Abdelhafid. Mais Laroussi, dévoré par l’ambition, lâche son chef dès après l’indépendance. Il s’empare des archives de la Révolution et du MALG qui étaient jalousement gardées à la base Didouche-Mourad, une ancienne caserne romaine désaffectée implantée au cœur du désert libyen, au sud de Tripoli. Toutes les actions entreprises par le MALG se tramaient là-bas. Agissant sous main, Laroussi réussit son coup sans difficulté car réputé proche du très influent Boussouf. Il se rend dare-dare chez le chef de la base, Abdelkrim Hassani, dit El Ghouti, et lui signifie qu’il est chargé par le ministre Si Mabrouk lui-même (*) de transférer les archives vers l’Algérie. Ce fut chose faite. Des cartons remplis à ras bord de centaines de documents sont embarqués dans des camions qui traverseront tout le Sahara pour atteindre la base d’Arcole, à Oran, PC de Houari Boumediene. A cette époque, l’état-major général et le GPRA sont en froid. Boumediene préside une réunion dans l’Oranie qui consacre la division entre les Wilayas historiques qui sont en faveur de l’état-major et celles qui lui sont farouchement opposées. Les Wilayas III et IV se dressent contre les Wilayas I, V et VI et les unités des frontières. Les armes tonnent jusqu’à ce que des négociations mettent fin à la guerre civile.
M. Aït Amara
(*) Nom de guerre d’Abdelhafid Boussouf
Demain : Khalifa Laroussi change de camp
Algeriepatriotique revient sur la saga Khalifa depuis l’indépendance jusqu’à la chute de l’empire (I)

Comment (11)

    Anonyme
    4 avril 2013 - 8 h 30 min

    Je ne vois pas l’utilité de
    Je ne vois pas l’utilité de faire la saga des Khalifa à cause des faillites causées au groupe.Faillites provoquées volontairement par les politiques.Oui on peut accuser Moumène d’avoir  »volé » l’argent du contribuable mais avec la bénédiction de QUI?Je ne qualifie pas ça de VOL:le bonhomme a créé plus de 90.000 emplois dans les banques ,l’aviation,le batiment…….En finance l’argent sort par une porte et reviens par l’autre.Mais ,détruire ce qui a été bâti est du ressort et de la responsabilité de ceux qui se cachent derrière le rideau. Mounène n’est qu’une poupée de baudruche..

    amyne
    3 avril 2013 - 22 h 54 min

    ….mais pourquoi on nous
    ….mais pourquoi on nous raconte ca maintenant….c est de la psychiatrie ..pauvre algerie on continues à régler l istoire 50 ans lindépendence comme alhane et chababe aprés….et le pire c est qu on risques à travers cela de reproduire le meme shémas..

    affriwha une fois pour toutes….djibouh ce kaliffa… qanoon taa rahma taa zmar et HENOUNA…marradtoona…un bahlool qima hada maradh gaa l algerie…c est pas possible…sinon aqotloh…..haniwna barq…c est pas possible… ma khlasoch errredjel….. QUAND MEME….haniwna

    Baginga
    3 avril 2013 - 19 h 54 min

    Bouabdallah NDLR
    Bouabdallah NDLR

    Baginga
    3 avril 2013 - 19 h 53 min

    Dans votre article vous citez
    Dans votre article vous citez le nom de .l’une des familles les plus secrètes mais aussi l’une des plus puissantes qui traverser les temps les âges et les régimes
    Une sorte de Kennedy a l’algérienne

    abdelkader wahrani
    3 avril 2013 - 19 h 36 min

    normalement la justice doit
    normalement la justice doit enqueter d´ou provient l´argent de Khelifa Banque!!! l´argent du trésor du GPRA???.

    JAZ
    3 avril 2013 - 14 h 04 min

    Merci pour cet article,une
    Merci pour cet article,une lumière de plus,qui nous éclaire sur l’histoire,de l’Algérie.
    On comprend bien,que la révolution Algérienne a subit un holdup ,en règle.
    Quant à Nacer,un agitateur au plus ,arretez de le glorifié,il a miné l’Algérie,c’est lui qui a dit: »Lguazair takfina ou takfikoum ».Quant à son peuple,pour un match de foot,on comprend,comment il nous considère.L’Egypte est loin d’etre un pays frère,il nous considère juste comme des imbéciles et une vache à lait.
    Il faut arretez la soumission,on a notre personnalité,on doit la construire et la confirmer.On a rien à gagner avec les pays arabes,surtout de l’orient.Naturellement,je me sens plus proche des marocains,que des égyptiens.L’avenir de l’Algérie ,c’est avec ses voisins,dans son continent,qui est l’Afrique.
    AHHHH!!!!les Algériens ne veulent pas etre eux meme,ils sont plus arabes que les arabes,plus français que les français,plus islamistes que les musulmans etc…jusqu’à quand???

    raselkhit
    3 avril 2013 - 14 h 00 min

    Juste un tout petit
    Juste un tout petit détail.Arbaoui de son prénoms « Abdellah « et non Mohaned.et d’autres part il n’était pas en  » un exil forcé à Moscou » mais envoyé comme nombre d’autres moudjahidine faire des études à Moscou en préparation des futures cadres de la nation.Oui je sais que ce n’est poas un article historique mais voir être précis pour ne pas tomber dans la désinformation que nous subissons quotidiennement.Pour beaucoup de lecteurs AP est une véritable source crédible Alors autant éviter les erreurs

    syriano
    3 avril 2013 - 13 h 13 min

    La photo me fait rappeler le
    La photo me fait rappeler le grand NASSER
    Ce Nasser etait un grand leadeur,malheureusement a sa mort,le harki Anouar al saddate a fait exactement le contraire du grand Nasser,il s’est précipité de reconnaitre la colonie d’israel et de s’allier avec eux alors qu’on etait en pleine guerre.Le panarabisme,qui soudé tant les arabes et qui pouvait faire une union forte et respectable,nous donnant un poids mondial non négligeable,a finalement sonné le compte a rebours pour nous diviser et nous affaiblir au point d’etre une grande faiblesse.
    Nasser,lui qui nous a envoyé une couverture aérienne et quelques hommes lors de la guerre des sables contre le maroc,organisé par la CIA et la MI6
    Ce que nous avons vécu a l’epoque de Nasser est en train de se passer maintenant en amérique latine grace a Hugo Chavez,alah y rahmou.Ce continent devient de plus en plus soudé au point de parler presque d’une seul voie.

    AnonymeKELAM
    3 avril 2013 - 12 h 29 min

    c’est passionnant et
    c’est passionnant et percutant.les dessous de la révolution doivent rester confidentiel car la peur a besoin de soleil.

    Anonyme
    3 avril 2013 - 11 h 19 min

    Pourquoi ne faites vous pas
    Pourquoi ne faites vous pas un travail plus poussé et nous dire qui sont les gens qui sont derrière khalifa,de toute façon vous ne duperez personne car tous les algeriens savent que derriere chaque u n khalifa il y’a un general,c’est comme l’import import si vous n’etes pas affilié à quelqu’un de la junte vous etes out d’office.

    Continuez à taper sur les exécutants et vous perdrez le minimum de crédibilité qui vous reste.

    abdelkader wahrani
    3 avril 2013 - 11 h 10 min

    Laroussi Khelifa était passé
    Laroussi Khelifa était passé de la clientéle de Si Abdelhafid Boussouf Si Mabrouk a celle de Houari Boumediene, l´épouse de Khelifa, directeur du cabinet de Boussouf Si Mabrouk jusqu´en 1961, était francaise. elle quitta son mari, des rumeurs, coururent qui l´accusaient d´être une agente francaise, son époux en fut affecté et en fit une dépression. Si Mabrouk renvoya Khelifa et nomma yadi comme nouveau directeur de cabinet. Khelifa retourna donc contre si Abdelhafid Boussouf Si Mabrouk parce qu´il été suplplanté. or, a la veille de l´indépendance, Khelifa Laroussi fit signer par le futur directeur du trésor Aoufi un chéque d´un milliard d´anciens francs – soit pas loin de 4pc du budget du GPRA. au profit de l´état-major général, c´est a dire Houari Boumediene. la banque surprise du montant insolitement élevé du chéque, demamda son avis a un des hommes de confiance, le consul de grande-Bretagne a Tunis. le consul eut a ce sujet une conversation avec (el marhoum) Ben Youcef Benkhdda qui,averti, chargea Mohamed Harbi de faire opposition a ce chéque. il avait été signé sous la pression de Khelifa, dont on se rendit compte alors qu´il avait définitivement quitté si Abdelhafid Boussouf Si Mabrouk pour Houari Boumediene : un détournement des derniers de l´état était devenu un événement politique.

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