Le président de Green Cross à Algeriepatriotique : «Les guerres aggravent les problèmes environnementaux»

L’organisation environnementale indépendante suisse Green Cross, associée à l’institut américain Blacksmith, a publié, il y a quelques jours, un rapport à travers lequel elle tire la sonnette d’alarme sur les problèmes environnementaux et leur impact sur la santé publique, notamment dans les pays en développement. Plusieurs sites très pollués sont répertoriés et étudiés par l’organisation afin d’en évaluer la dangerosité pour l’environnement et la population. Sollicité par Algérie patriotique pour avoir quelques détails sur les résultats obtenus, ainsi que sur d’autres sujets sensibles liés à l'environnement, le Dr Stephan Robinson, président de l'ONG suisse, affirme notamment que 20% de l'incidence du cancer au niveau mondial peuvent être attribués à des expositions environnementales. L’expert s’appuie notamment sur une étude épidémiologique parue dans les annales de l’oncologie en 2009 intitulée «L'épidémie émergente de cancers environnementaux dans les pays en développement» ainsi que sur les statistiques établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Celle-ci estime, en effet, que les cancers imputables à l’environnement sont responsables de 1,3 million de décès chaque année. Plus de 70% de tous les décès par cancer ont lieu dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, signale l’Organisation qui estime qu’il faut s’attendre à une augmentation de ce chiffre. L’OMS préconise notamment de diminuer l’exposition aux agents cancérogènes afin de réduire les coûts des soins de santé et participer au bien-être général des communautés. De manière globale, l’Organisation estime que le cancer est l’une des principales causes de décès au monde, avec 7,6 millions de décès et 12,7 millions de nouveaux cas en 2008. Selon l'OMS, pas moins de 15 millions de décès sont dus au cancer dans le monde chaque année. Si rien n'est fait, le cancer tuera 84 millions de personnes entre 2005 et 2015 dans les pays riches comme dans les pays pauvres, affirme l’OMS qui estime que les interventions environnementales et professionnelles telles que la réduction d’exposition aux cancérigènes peuvent réduire l’incidence du cancer et contribuer au bien-être général des collectivités.
Le plomb contenu dans les batteries : un danger
A une question sur les liens directs établis par l’OMS entre la mortalité dans les pays en développement et les polluants environnementaux et sur la possibilité d’avoir des cas précis pour alerter l’opinion et organiser la prévention, le Dr Stephan Robinson cite des données recueillies à partir de l’un de ses projets au Sénégal situé dans la commune de Thiaroye-sur-Mer, à l’est de Dakar. «C’est l’un des sites les plus pollués dans le monde», déclare l’expert qui souligne qu’en avril 2008 «un collectif de femmes a commencé à faire fondre, de manière informelle, du plomb utilisé dans les batteries (ULAB), contaminant gravement toute la communauté». Après la mort de dix-huit enfants en l’espace de deux semaines, le ministre de l’Environnement du Sénégal a demandé l’aide de l’ONU pour cette région contaminée. «Le niveau de plomb signalé dans le sang des enfants contaminés sur ce site est sans précédent dans l’histoire récente, dépassant les 100 microgrammes par décilitre et certains avaient plus de 350 mg/dl de plomb dans le sang», signale l’expert alors que l’OMS estime qu’«un niveau de plomb qui dépasserait les 10 mg/dl est associé à des effets irréversibles sur la santé, et des cas de décès peuvent en résulter». Suite à ce grave accident, note le Dr Robinson, Green Cross et l’institut Blacksmith, ont mis en place avec d'autres partenaires un projet de nettoyage des lieux, des maisons et des sols contaminés. Une action éducative et l’appui à l'élaboration d'un cadre juridique pour formaliser le recyclage de l’ULAB ont été entrepris, ce qui a permis depuis d’éliminer les cas de décès et les problèmes de santé importants ayant un lien avec ce poison. «Le taux de plomb dans le sang a diminué de 59% environ -34% entre 2008 et 2010 et, cinq ans après, les niveaux sont probablement encore plus faibles ; seulement, nous n'avons pas encore fait un troisième cycle de tests», signale le Dr Robinson.
De nouveaux sites très pollués répertoriés chaque année
Il est à noter que lors de ses investigations, l’organisation suisse a répertorié de nombreux sites très pollués dont une dizaine considérée comme les plus pollués au monde en 2013 à cause de la présence de plusieurs polluants dont le plomb, le chrome, le mercure, les pesticides, le pétrole, les métaux lourds et les radionucléides. Les sites se trouvent en Argentine, au Bangladesh, au Ghana, en Indonésie, au Niger, au Nigeria, en Russie, en Zambie et en Ukraine (Tchernobyl). Le Dr Robinson précise que certains sites répertoriés en 2006 et en 2007 ne figurent plus sur la liste établie par les deux organisations environnementales grâce aux solutions d’assainissement mises en œuvre, mais souligne qu’en revanche le rapport intègre de nouveaux sites issus de la base de données TSIP (Toxic Sites Identification Program), en constante évolution. L’expert explique que compte tenu de l'ampleur du défi, il faudra des années pour que ces zones fortement polluées soient assainies. Il faut, également, selon lui, plusieurs «ingrédients» pour faire avancer un projet dont un cadre juridique national ou international pour l’initialisation des efforts de nettoyage, donc des moyens financiers, et l’implication des gouvernements et des régulateurs, mais aussi des propriétaires d'usine qui, parfois, comprennent qu'ils ont besoin d'améliorer les pratiques de production et sont prêts à chercher les investissements nécessaires. Questionné au sujet du site de Fukushima, considéré par l’OMS comme un site très pollué, mais ne figurant pas parmi les sites répertoriés par Grenn Cross, l’expert explique notamment que «la catastrophe de Fukushima est encore en évolution et (qu’) il est tôt pour évaluer son impact sur la santé». «Cela pourrait être plus clair lorsque nous publierons le prochain rapport du Top Dix, dans quelques années», nous dit-il.
Soutien aux victimes de l’agent Orange en Asie
A une question sur le Superfund, un fonds spécial américain mis en place, avec la contribution des pollueurs afin de traiter des cas graves de sites pollués, sous l'autorité directe de l’Etat fédéral, le Dr Robinson explique que le fonds est un programme environnemental spécialement créé pour s'occuper des sites de déchets dangereux et abandonnés, suite à la découverte de décharges de déchets toxiques à Love Canal et Times Beach dans les années 1970. La structure permet depuis à l'Agence américaine de l’environnement (EPA) de nettoyer ces sites et d’obliger les responsables à effectuer des nettoyages ou de rembourser le gouvernement pour les nettoyages de plomb effectués par l’EPA. A propos de l’impact de l’agent Orange pendant la guerre du Vietnam, étudié par l’organisation dans le cadre d’un rapport consacré au lien entre guerre et environnement, le Dr Robinson nous informe que Green Cross Suisse a, depuis de nombreuses années, un projet visant à soutenir les communautés au Vietnam, au Laos et au Cambodge, touchés par l'impact de l'agent Orange. Les travaux comprennent la mise à disposition des appareils d'orthèse et de prothèse pour les enfants et les jeunes, le soutien aux mères et aux familles et la fourniture de microcrédits pour soutenir le développement des sources alternatives de revenus. Green Cross Suisse a également été impliqué depuis 1995 dans la facilitation de la destruction des armes chimiques en Russie et aux Etats-Unis. «Un de mes collègues a reçu pour notre travail, cette année, le prix Nobel alternatif», souligne le Dr Robinson.
Meriem Sassi et Kamel Moulfi
 

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.