Portrait – Benflis : dix ans de maturité et une éclipse propice à la remise en question et à la réflexion

Après dix ans d’éclipse de la scène politique, Ali Benflis a choisi de se représenter pour la seconde fois au scrutin présidentiel. On dit, certes, que «ce qui ne tue pas rend plus fort», mais peut-on réellement sortir indemne d’une débâcle aussi mémorable que celle qu’a subie Benflis face à Bouteflika en 2004 ? Si on en juge par l’assurance et la volonté affichées depuis le 19 janvier par le candidat, il semble que oui. Le verbe est haut, l’intonation affirmée et les arguments de campagne ajustés et prêts à être égrenés. Il reste à savoir si Benflis, en homme politique averti, tient compte de l’évolution réelle des rapports de force à la veille du scrutin d’avril 2014 et de ses chances de remporter le duel à venir. A 69 ans, Benflis joue certainement la dernière carte de sa carrière dans sa quête de la magistrature suprême. Durant sa longue carrière, entamée à 24 ans en tant que magistrat à la cour de Blida, avant de gravir les échelons au département de la justice, Ali Benflis s’était astreint à suivre avec exemplarité ses devoirs de cadre et de responsable discipliné. En 1999, il assumera la fonction de chef de campagne de Bouteflika pour la présidentielle, avant de songer en 2004 à se départir de sa réserve pour endosser l’habit de l’opposant prêt à en découdre avec un adversaire de taille. Un exercice qui ne lui a pas réussi, mais qu’il tente de renouveler aujourd’hui avec, en prime, dix ans de maturité et l’avantage d’une éclipse propice à la remise en question et à la réflexion. L’image du candidat reste tout de même plutôt lisse pour le commun des électeurs. Tout dans la posture et le look de Benflis fleure bon la sagesse et la retenue, propres au fils de bonne famille, issu de l’Algérie profonde et ayant gagné les galons de la réussite et de la notoriété un à un. Et dans les règles de l’art. Le portrait que l’on dépeint de l’homme fait ressortir, en premier lieu, son parcours exemplaire de brillant étudiant en droit, d’avocat intègre, de défenseur des droits de l’Homme, de militant convaincu au sein du FLN, de fonctionnaire appliqué, puis de ministre en charge de la Justice et, enfin, de chef de gouvernement. Un parcours ou rien ne dénote, bien au contraire. Sa parfaite maîtrise de l’arabe et du français, sa culture et son érudition finissent par parfaire le tableau. L’homme, bien que discipliné, est loin d’être effacé. Un point noir au tableau, néanmoins : sa position peu courageuse face au péril islamiste au début des années 1990, sous le couvert de la «défense des droits de l’Homme». Sa direction de campagne rappelle, dans la biographie qui lui est consacrée, son «attachement à l’Etat de droit, ce qui l’avait prédestiné à être membre fondateur de la ligue des droits de l’Homme en 1987», mais aussi sa démission pour «apposer son désaccord avec la procédure d’internement administratif mise en place par le décret portant état d’urgence en 1991». Un «acte de bravoure» que le candidat Benflis tient à mettre en avant pour glaner les voix des islamistes.
Meriem Sassi

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