Une union superficielle
Par Kamel Moulfi – L’hétérogénéité du mouvement d’opposition, qui s’est cristallisé autour du slogan «non au quatrième mandat», lui donne des contours confus qui l’empêchent de constituer un pôle sérieux de rassemblement de tous les partisans de la démocratie. Une illustration en a été fournie lors d’un débat sur une chaîne de télévision privée sur l’élection présidentielle, mettant en présence trois membres du mouvement Barakat. Alors que l’un citait le nombre croissant de divorces parmi les aspects négatifs de la gestion de Bouteflika, l’autre expliquait ce phénomène par la liberté accordée aux femmes après la révision du code de la famille, critiquant implicitement le droit qui leur est reconnu de demander elles-mêmes le divorce, le troisième préférant se taire, bien qu’il soit connu pour être un fervent adepte de l’abrogation du code de la famille et pour l’égalité en droits entre la femme et l’homme. Les islamistes qui se sont intégrés au mouvement, dans l’un ou l’autre camp d’ailleurs, n’abandonnent pas leur approche idéologique rétrograde. Quant à la masse des gens, si prompts habituellement à barrer les routes pour exprimer leur mécontentement autour de revendications sociales (logement, conditions de vie, salaires, etc.), ils se montrent prudents, voire méfiants, et s’abstiennent de participer à ces manifestations de rue, visiblement à cause des risques de manipulations et de provocations liées à leur contenu politique trop flou. L’expérience vécue à la charnière des années 1980 et 1990, quand les places étaient occupées par les islamistes, est encore dans les mémoires, et tout le monde sait ce qui en a résulté dans la décennie qui a suivi. La même confusion marque la scène politique comme le montre le groupe hétéroclite du boycott constitué par le MSP, le RCD, Ennahda, le Front de la justice et du développement, Jil Jadid et jusqu’à Benbitour. Le boycott de la présidentielle a estompé toutes leurs différences qui ne portent pourtant pas sur des détails et sont même fondamentales, comme si la notion de projet de société avait été effacée par l’union superficielle contre le scrutin du 17 avril. Evidemment, cette confusion diminue l’effet de la riposte au clan au pouvoir pour l’empêcher de réaliser son objectif de quatrième mandat et ce qu’il y aura après. Mais il n’est pas trop tard pour clarifier les positions.
K. M.
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