Le pouvoir lâche l’ENTV et se réfugie dans des chaînes privées dédiées au quatrième mandat

Le pouvoir n’a pas changé, mais la stratégie adoptée pour son maintien, si. Sur le plan de la communication, du moins. Si les trois premiers mandats de Bouteflika ont été portés par l’ex-Unique, sans respect aucun aux règles éthiques et en complet déphasage avec le rôle qui est assigné à ce média lourd de l’Etat, censé service le pays et non pas le régime, ce quatrième sera «commercialisé» via des chaînes de télévision privées, financées de façon détournée avec l’argent public ou par des hommes d’affaires qui ont fait fortune grâce aux marchés juteux dont ils bénéficient depuis 1999. L’abandon de la télévision publique au profit de ces nouveaux venus a été dicté par un malaise larvé qui s’est fait sentir au 21 boulevard des Martyrs, suite à la participation de plusieurs journalistes aux manifestations contre le quatrième mandat, mais aussi au peu de crédibilité de cette chaîne et à sa baisse d'audience drastique. Pour faire face à cette fronde, pour le moment étouffée, le clan présidentiel a trouvé la parade en exigeant des hommes d’affaires qu’ils lui renvoient l’ascenseur pour sauvegarder leurs propres intérêts par le maintien du système actuel en place, et en créant une nouvelle chaîne de télévision, Al-Wiam (la réconciliation). Pour faire tourner ce nouveau média de circonstance, qui vient s’ajouter aux dizaines d’autres chaînes de télévision créées sur des initiatives personnelles suite au refus de l’Etat d’ouvrir le champ médiatique aux autres formes que la presse papier, le clan présidentiel s’est tout simplement tourné vers l’ENTV pour débaucher un certain nombre de journalistes et de techniciens. Les contours de cette nouvelle stratégie apparaissent clairement au travers des deux interviews «exclusives» qu’ont accordées les deux revenants au pouvoir, Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem, à Dzaïr TV, propriété d’Ali Haddad, patron du groupe de travaux publics ETRHB. Ce dernier tente vainement de cacher ses accointances avec le clan présidentiel, mais ce «mariage de raison» entre lui et les Bouteflika est un secret de Polichinelle. Ce remodelage du paysage audiovisuel crée une situation paradoxale. En effet, après avoir mis le paquet sur les appels au quatrième mandat, bien avant que le clan présidentiel n’annonce la candidature du président malade à sa propre succession par la voix du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, l’ENTV devra désormais jouer aux équilibres et s’astreindre ainsi au «cahier des charges» – une formule chère à l’ancien directeur flagorneur de l’ENTV, Hamraoui Habib Chawki, désormais excommunié et indésirable. Hormis Al-Adjwaa, les autres chaînes pro-Bouteflika s’adonnent tant bien que mal à l’exercice de l’opposition. Un ersatz pour tromper l’ennemi. Mais les Algériens ne sont pas dupes. S’ils ont résisté aux mastodontes de la propagande Al-Jazeera, Al-Arabiya et France 24, ce ne sont pas de petites chaînes amatrices locales, sans formation et sans expérience aucune, qui vont les endoctriner.
M. Aït Amara 

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