Assemblées citoyennes : ma position, mon rôle et mes réserves

J’ai personnellement œuvré à l’idée de l’appel à la résistance citoyenne, mais aussi sur sa rédaction après avoir abandonné l’idée de faire appel au général Liamine Zeroual à se présenter comme candidat à la présidentielle au nom des Algériens pour opérer un changement pacifique par un homme connaissant l’armée et aimé des officiers. Dès les premières lignes de l’appel à la résistance citoyenne, j’ai créé à cet effet un site avec pour nom de domaine «algerie-assemblee-citoyenne» devant recueillir les signatures des adhésions et les commentaires et mettre à la disposition des Algériens tous les documents de stratégie et d’organisation dont ils auraient besoin. Mais je fus surpris de voir le document publié après modification, à mon insu, sur le Quotidien d’Algérie et sur Algérie Watch. Il y a atteinte antidémocratique et sectaire à l'encontre de mes idées et de ma collaboration qui fut sincère et loyale. Musulman, je ne peux tolérer ce que le Prophète (QSSSL) a interdit : la trahison, la perfidie, l'abus de confiance… Je me dois donc d’informer les Algériens qui suivent la politique et qui se posent la question sur la stérilité de nos efforts et à qui j’avais promis qu’il allait y avoir bientôt un projet nouveau, sérieux et crédible : la montagne a accouché d’une souris, car les jeux étaient pipés par des calculs, des précipitations et toujours cette hautaine suffisance de se croire les seuls à comprendre, et que le discours islamique est vide de sens, niais et incompétent à gouverner, car il n’est pas apte qu'à comprendre le Coran. Si je ne suis ni un homme des médias ni un homme en quête de notoriété, je suis, par contre, intransigeant sur les principes tout particulièrement dans un travail collaboratif qui engage ma responsabilité morale et religieuse. J’ai donc exprimé des réserves sur la reformulation de l’appel en proposition et tout particulièrement sur :
– le refus de faire un clivage entre islamistes et non-islamistes, et ses implications idéologiques et politiques dans le présent et à l’avenir. Le clivage réel est entre partisans du statu quo avec le recours à l’étranger et partisans du changement radical sans recours à l’étranger. Dans chaque camp, l’Algérie a montré qu’on y trouve des islamistes, des nationalistes et des laïcs. Le drame de l'Algérie est dans la confusion, l’absence de décantation idéologique, la mise sous tutelle des partis et des mouvements, l’absence de vision civilisationnelle et d’appartenance à une identité clairement configurée. J'ai traduit et mis en ligne des positions islamiques anti-impérialistes comme celles de Sayed Qotb, de Mohamed Al-Ghazali et d'Al-Ibrahimi pour montrer que le discours coranique est le plus antinomique avec la nature du capitalisme et de l'impérialisme. Tous mes écrits personnels vont dans ce sens et j'estime que coller aux musulmans cette étiquette de connivence avec l'impérialisme est malhonnête d'autant plus que j'ai désavoué la fatwa de Qaradhawi et j'ai dénoncé l'alliance du CNT libyen avec l'Otan. Le CNT libyen ne peut être qualifié d'islamiste au sens noble, c'est le même ramassis de voyous que ceux qui siègent à l'Assemblée nationale algérienne ;
– le refus de faire référence au 11 janvier 1992 et encore moins de faire correspondre l’appel (la proposition) avec le 11 janvier 2012. Cette référence est dangereuse idéologiquement et politiquement, car elle pose d’une manière sournoise l’équation de la tragédie algérienne entre le FIS et l’armée, alors que le problème fondamental est entre le peuple et le pouvoir civil et militaire, politique et économique. Cette référence avec ses sous-entendus occultent l’axe Makhzen marocain et cercles français qui gouvernent l’Algérie et qui sont fortement présents dans l’opposition algérienne par la nature hégémonique du colonialisme qui met plusieurs fers au feu.
La vérité doit être dite et redite : l’arrêt du processus électoral et janvier 92 ne sont pas la cause de la crise algérienne, mais un des éléments les plus marquants, car le curseur médiatique et politique s’est focalisé sur cet événement. L’Algérie depuis 1962 n’est qu’une suite de tragédies, d’errance et de complots, car l’indépendance a été confisquée et le pays remis aux mains de ses anciens maîtres et de ses anciens serviteurs qui ont eu l’intelligence de se reproduire d’une manière élargie et intensifiée. Je ne banalise pas les 250 000 morts, les 17 000 disparus, les dénis de droit, ce serait un crime, une indifférenciation. L'arrêt du processus électoral et ses conséquences sont un paroxysme dans la crise algérienne d'essence politique et idéologique. La crise est l'explication, le paroxysme est l'effet le plus dramatique.
Pour l'instant les pseudo-réformateurs du gouvernement Hamrouche ne veulent toujours pas assumer leurs responsabilités, car le plus grand mal qui a été fait à l'Algérie était de confier les réformes à des anti-islamistes et de confier les médias lourds et privés à des éradicateurs qui ont trouvé ensuite l'espace libre après janvier 92. Jusqu'à ce jour ceux qui dénoncent les «islamistes» sont otages du FFS et jouent sa carte. L'Algérie n'est pas en train de basculer dans un état islamique et l'esprit revanchard qui ne veut pas voir ses fautes et ses erreurs de stratégie s'empresse de coller au FIS l'entière responsabilité de la tragédie algérienne. Ayant peur du retour du FIS sur la scène politique, ils n'osent pas l'attaquer de front, ils attaquent le deal des «islamistes» avec l'Amérique ;
– le slogan de la proposition «Face aux périls» n'était pas dans le projet collaboratif et il figure en chapeau dans la proposition avec sa signification symbolique et médiatique : contrer le péril islamique comme le disent les éradicateurs et les médias laïcs. J'ai travaillé avec des gens qui cherchaient à aller au-delà de la plateforme de Rome en lui donnant un contenu populaire citoyen transcendant les partis pour donner à ces partis le temps de se libérer de la peur, de la répression et des alliances avec l'étranger. Je me trouve confronté à un document qui frappe l'imaginaire tant occidental que l'Arabe laïc par les périls, sous-entendant le péril islamique se conjuguant au péril américain. Je ne suis pas d'accord sur cette vision et encore moins sur l'art de manœuvrer ;
– la formulation de la proposition ne laisse pas voir la possibilité de manœuvre de la France pour contrer l’influence grandissante de la CIA en Algérie. Dans l’empressement à se faire publier, nous n’avons pas eu le temps d’y inclure les garde-fous pour que nous ne soyons pas instruments, à notre insu, de la France où nous vivons. Le peuple algérien ne nous accordera jamais sa confiance malgré la noblesse et la pureté de nos intentions si nous agissons à partir de la France ou si nous ne faisons pas étalage des mesures de protection contre la manipulation. Le régime algérien et l’ensemble des partis inféodés à la rente distribuée par ce régime – par notre présence à tous en France et par leur engagement dans l’axe du statu quo, avec ou sans les Américains – ont toute la latitude de nous accusez de hizb fança et de faire avorter le projet. Il ne s’agit pas de dégager nos responsabilités en lançant l’appel ou la proposition comme une bouée lancée à la mer, mais de les assumer pleinement dans leurs moindres détails et l’étendue de leurs conséquences. Il fallait partir de la réalité du terrain et de ses contradictions pour mettre en place, avant de lancer l’appel, le système de précaution qu’exige l’étape historique. Ce n’est pas un livre que nous vendons ou une conférence où nous étalons notre rhétorique c’est un peuple que nous voulons remettre en marche ;
– on ne remplace pas une inertie par une proposition de structures même si elles sont appelées à être une communauté citoyenne, c'est-à-dire une communauté de devoirs sans définir les mécanismes de l'appropriation sociale de son identité face aux grandes broyeuses d'identité : l'impérialisme, le sionisme et le Vatican. Ne pas parler du Vatican c'est tronquer la nature des problèmes et escamoter les solutions et l'ampleur de la lutte. Nous avons l'exemple type au Nigeria et malgré le caractère flagrant, nous avons des intellectuels musulmans qui croient encore au dialogue des religions et qui jouent sur les contradictions secondaires entre musulmans tolérants et fondamentalistes, oubliant les néo-Croisades contre l'islam ;
– nous aurions dû continuer à approfondir notre réflexion sur l'acte révolutionnaire lui-même, c'est-à-dire l'acte de résistance dont les assemblées citoyennes sont l'émanation et non l'inverse avant de publier le document. En effet, il est difficile d'imaginer dans la réalité des assemblées citoyennes ayant toute la latitude de se constituer et de travailler dans une société dominée par la méfiance et la défiance du tout sécuritaire, la dramatisation du terrorisme résiduel, la gestion des pénuries, la perte de confiance en soi. Les assemblées citoyennes dans la formation de l'Etat de droit sont une idée que j'ai partagée, car je l'ai déjà développée dans mon livre «Le dilemme algérien et les dix commandements américains». Là où je suis offusqué, c'est de mettre la charrue avant les bœufs et de s'empresser à publier un travail inachevé comme s'il y avait rivalité idéologique. Cet esprit est malsain, infantile et je le dénonce, car cette manière d'agir a tué dans l'œuf quelque chose qui aurait pu être un espoir s'il y avait un mode opératoire et surtout un travail préalable d'incitation idéologique dans une société en panne d'idées politiques, mais en ébullition sociale. On ne règle pas un problème en faisant l'impasse sur les paradoxes et en ne faisant pas appel à ceux qui ont une longue expérience du terrain. On ne lance pas les assemblées sans offrir une vision globale sur les contradictions et la manière de les surmonter ;
– tout processus comme tout projet ne peut se faire sans être précédé, accompagné et suivi par une communication. Ce travail délicat qui exige du talent, des moyens financiers, un timing précis n'a pas été respecté par des gens versés dans la politique et la communication depuis de longues années. Pourquoi cet empressement à jeter le bébé alors qu'il n'est pas encore mûr ?
– d’évoquer le régime parlementaire et ses implications sur la Constituante et les risques de dérapage en se plaçant sur le terrain des sensibilités religieuses, culturelles et linguistiques qui touchent à l’identité nationale ;
– mon insistance d’évoquer la France comme partenaire de Washington comme en Libye a été contrebalancée par le rajout du Royaume-Uni. Est-ce une manière diplomatique pour ne pas heurter la sensibilité française comme si les Algériens ne savent pas que l’ingérence étrangère concerne les Etats-Unis et la France ? A ma connaissance, nous ne sommes pas au Machreq, mais au Maghreb et dans le partage colonial des zones d’influence, nous ne relevons pas de l’Empire britannique, mais de l’Empire français ;
– la suppression, sans me consulter, de la référence de la Politique européenne de voisinage (PEV) chère à la France pour ne laisser que le projet du Grand Moyen-Orient cher aux Etats-Unis. La PEV pour celui qui est jaloux de l’indépendance nationale est un projet qui vise à renforcer la sécurité européenne, à définir un partenariat qui favorise la domination de l’Europe latine sur le Maghreb musulman, l’intégration poussée dans tous les domaines dans un rapport de dominant à dominé, et qui vise aussi la normalisation avec Israël. L’Algérie doit se libérer de toutes les entraves, de toute forme de vassalisation et s’inscrire en priorité dans son aire civilisationnelle. Ma lecture géopolitique est celle de constituer à moyen terme le grand Maghreb sioniste laïc socialo-islamo-nationaliste version maçonnique après avoir opéré la dislocation des mentalités, des histoires, des géographies, des économies et de la grammaire sans laquelle rien ne peut être compris. Faire l'impasse sur ce PEV c'est faire une concession au FFS et à l'internationale socialiste !
– la publication de la proposition en langue française alors que son caractère solennel et son public exigent la publication d’abord en langue arabe, au moins par respect au peuple destinataire qui est en Algérie et non en France, mais aussi par respect à la Constitution algérienne. Nous sommes contre l’absence de l’Etat de droit, mais nous ne sommes pas contre l’Algérie ;
– l’erreur stratégique est de s’empresser de faire cette publication à partir de Paris alors que l’idée initiale était de s’inspirer de l’appel du 1er novembre 54 ainsi que de l’analyse de feu Boudiaf à partir de la lettre publiée par son fils Nacer dans laquelle il décrit la situation de l’Algérie avant le déclenchement de la Révolution qui ressemble politiquement et socialement à l’Algérie de ces dernières années. Il était de notre devoir de faire porter l’appel ou la proposition par les gens de l’intérieur en Algérie. Des milliers de jeunes anonymes auraient été fiers d’en être les premiers signataires et ainsi nous aurions consacré le principe du primat de l’intérieur sur l’extérieur dont le non-respect a créé pour la France ce que Malek Bennabi appelle les «interlocuteurs valides» de la France. Nous qui vivons à l’étranger, loin de la répression féroce, nous aurions apporté le regard objectif que permet la distanciation et l’expertise. Les premiers signataires ont, par une sorte de lapsus freudien, confisqué la révolution algérienne en latence et se sont mis dans la posture de tuteurs. Nous sommes en déficit de représentativité populaire et nous n’en sommes pas conscients, nous voyons ce peuple comme une abstraction même si nous savons parler de lui et à sa place ;
– la mise en public de cette proposition sans que je sois consulté et sans que mon nom y soit mentionné comme si mon attachement à l’islam était un handicap ou que cet attachement soit perçu comme une menace.
Je suis vu comme une menace, car mon discours religieux et lucide pourrait devenir une passerelle pour «islamiser» les assemblées citoyennes ; et si telle est l’idée de mes partenaires, ils sont en faute, car ils ont manqué, au premier pas, à l’esprit convenu de laisser ces assemblées sans tutelle. Je serais une menace, car j’ai exprimé légitimement et dans la transparence ma crainte de voir ces assemblées devenir un instrument aux mains du FFS. Je ne suis pas opposant au FFS, l'Algérie nous appartient à tous, mais je me suis engagé à travailler sur un clivage centré sur la résistance contre l’étranger, le despotisme intérieur et l’absence de tutelle partisane. Ma crainte est légitime : voir le FFS prendre le contrôle, car il dispose d’une possibilité de manœuvre en Algérie du fait qu’il est le mieux organisé par rapport aux islamistes, toujours sous la répression et l’éradication. J’ai le sentiment que c’est cette crainte lucide exprimée qui a poussé mes partenaires, premiers signataires à s’empresser de m’occulter.
{Certes, Allah prend la défense de ceux qui sont devenus croyants. Certes, Allah n’aime pas celui qui persiste dans la traîtrise, qui persiste dans la mécréance. Il a été permis à ceux qui sont combattus de se défendre, en raison de l’injustice qu’ils ont subie. Certes, pour leur donner victoire, Allah est sûrement omnipuissant.} Al Hajj 38
Je suis convaincu que la décision de m’exclure était prise au début, car en en fin stratège, on a pensé me faire jouer le rôle de lapin ou de rabatteur des islamistes, sinon celui qui leur apporte la détraction et les «confond». Le manque d’intelligence et de subtilité ainsi que le mépris n’ont pas compris que mon discours sévère envers les islamistes algériens, égyptiens ou tunisiens n’était pas un dénigrement venant d’un ennemi, mais la colère venant d’un ami. Pour ne pas devenir la proie d’un processus où je risquais d’être le canard, j’ai tenu à clarifier en publiant l’article «Quelle est la date du coup d’Etat : janvier 1992, juin 1990, mars 1962, 1957 ?». Ce fut un coup de tonnerre : les «réformateurs fédérateurs» se sont empressés de fermer tout débat avec moi et de me mettre devant le fait accompli au nom du principe «pas d’exclusion ni exclusive» qui a confirmé la justesse coranique sur l’homme de droiture que je suis face aux manœuvriers qu’ils sont. Ils ne se rendent pas compte de leur paradoxe ni de ma vie consacrée à lutter dans la solitude qui me permet de réagir vite et d'instinct à ce que ressent comme agression contre le peuple dont j'ai partagé les souffrances au ras des Pâquerettes :
{Cela, en raison de ce qu’ils ont suivi ce qui suscita la colère d’Allah et haïrent Son agrément, alors Il Rendit vaines leurs œuvres. Ou bien ceux qui ont une malveillance aux cœurs ont pensé qu’Allah ne Dévoilerait pas leurs rancunes ? Et si Nous Voulions, Nous te les Montrerions, alors tu les aurais reconnus à leurs traits ; et tu les reconnaîtras sûrement à leurs écarts de langage. Et Allah Sait vos actions.} Mohamed 30
Musulman affiché dans ma pensée et mon discours, je ne suis ni rancunier, ni envieux, ni juge à la place d’Allah ; je refuse de jeter l’anathème, car moi-même je ne sais pas ce qu’Allah fera de moi, mais en arrivant en France, j’ai eu l’occasion de voir certains démocrates et réformateurs enfermés dans les débats byzantins dans les bars de Paris sur le devenir de l’Algérie alors que les Algériens se faisaient assassiner, torturer, disparaître. Je me suis retiré dans ma solitude avec la certitude que ni la solution ni l’assistance ne viendraient de ces gens trop imbus d’eux et loin de la souffrance physique même s’ils savent en parler avec talent. Vingt ans après, j'ai fait le fol espoir de m’engager, pour le bien de l’Algérie, dans un projet que je croyais fédérateur qui apporterait une nouvelle perspective de lutte et d’organisation pour enfin construire un État de droit. Mais nous portons une maladie grave, la maladie des cœurs, nos langues et nos écrits sont beaux, mais nos actions sont laides, vilaines, perfides et dans ces conditions jamais Allah ne nous donnera victoire ni suprématie contre d’autres aussi perfides avec des mobiles différents. Les uns sont dans le narcissisme politique alors que les autres sont dans l’oppression, oppresseurs perdant toute humanité ou opprimés perdant le sens de la vocation humaine. Allah n’aime ni l’agression, ni l’arrogance, ni l’oppression, ni l’injustice, ni la perfidie.
Même si la bonhomie et l’humilité sont apparentes sur nos visages et nos langues, nous oublions la sagesse des Anciens : «La sincérité est l’épée de Dieu, elle finit toujours par trancher.» Elle a tranché entre moi et les signataires de la «proposition» non parce que mon ego a été malmené et trahi, mais parce que cet esprit de dissimulation et d’exclusion est un munkar (blâmable) qui risque de se manifester contre le peuple algérien et contre les partisans de la solution islamique lorsque les contradictions politiques et idéologiques profondes de l’Algérie viendront à se manifester. C’est de mon devoir de musulman de dénoncer publiquement et à voix haute ce munkar dont je suis victime, car il risque de se répandre sur cette jeunesse algérienne et tous ceux qui attendent véritablement un changement vers un mieux.
Musulman, je m’en remets à Allah comme les Algériens sans recours contre l’arrogance des gentils et des méchants. Je fais partie de ceux qu’Allah en a faits des ghourabas, ceux dont on ne remarque ni la présence ni l’absence, car ils sont pris par ce qui est plus important que le calcul mondain. Je n’ai pas de ressentiment, mais la confirmation de mon pressentiment. C’est de mon devoir de le dire. Je ne pense pas toucher la réputation ou la renommée des signataires, mais je les mets en défi de réaliser sans nous, sans notre foi, sans nos réseaux de solidarité, sans nos mosquées et sans notre connaissance du terrain ce projet de fédération et de résistance.
A cet effet, j’appelle les Algériens, tous les Algériens, et en particulier ceux qui n’ont ni tribune, ni étranger, ni «expérience» politique à investir les assemblées citoyennes et à se les approprier comme acte de résistance pacifique contre le régime en place, comme citadelle contre l’ingérence étrangère et comme rempart contre les tuteurs qui veulent obtenir carte blanche du peuple pour reconduire leurs réformes et leurs équipes faillitaires. Les Algériens disposent de compétences silencieuses et aptes à engager les véritables réformes qui construisent l’Etat de droit dans le cadre d’un projet civilisationnel et non dans le cadre d’une technocratie qui veut vider l’islam de son potentiel libérateur et civilisateur.
Je prends témoin Allah et les musulmans que j’ai mis en application ce que j’écris en cherchant tous les moyens de fédérer ou d’être fédéré pour le bien de notre pays. Mes écris avec leurs dates et leur contenu témoignent que cela fait des années que j’ai tenté d’œuvrer, hors d’un cadre partisan, pour participer à une plateforme autour de laquelle tous les Algériens peuvent se réunir après avoir mis le curseur du clivage selon les priorités. La priorité est, pour les années à venir, la construction d'un Etat de droit et d'une souveraineté du peuple. Nul ne doit mettre la souveraineté du peuple dans l'exercice politique et économique au-dessus, au-dessous, en comparaison ou hors de la Hakimiya d'Allah (swt). Le peuple algérien est musulman et dans les moments cruciaux il exprime son appartenance à l'islam et tout ce qui en découle. Quand je dis que je suis non partisan, cela ne veut pas dire que je n’ai ni positions idéologiques et politiques, ni cause suprême à défendre, ni compétence à discerner les véritables enjeux et les véritables clivages.
Mes écrits et mes livres sont là pour témoigner que j’ai travaillé en solitaire, sans relâche pour comprendre et dévoiler le complot qui se trame contre l’Algérie. Je rends grâce à Dieu qu’il m’ait permis de dévoiler la perfidie et la trahison qui se présentent à travers les Messies attendus de l’Algérie, mais qui en réalité sont porteuses d’un agenda de revanche ou d’un autre agenda qui a commencé à m’exclure, car je suis un rebelle qui ne se soumet qu’à Allah qui m’a donné l’intransigeance sur les principes, le courage de dire la vérité même si elle est amère, la lucidité et la compétence d’aller au Forqane, cette compétence de discerner et imposer rapidement les démarcations, pour en faire bon usage avec désintéressement. Mon nom fait peur ? Je suis une menace ? La question est posée et le temps apportera la réponse, et je reviendrai avec d’autres arguments, car il ne s’agit pas de ma personne, mais de la cause que je défends et que la majorité des Algériens défendent avec moi-même si je suis dans cette majorité un illustre anonyme.
Quoi qu'il en soit, je mets au défi les signataires de la proposition de changer le cours de l’Histoire ou de modifier l’âme du peuple algérien. Ils ont modifié quelques passages, ils ont occulté mon nom, ils ont transformé un appel qui se voulait restauration de celui du premier novembre 54 dans sa formulation, sa solennité et ses évocations, en une proposition, à prendre ou à laisser reconduisant l’idée des réformes «ça passe ou ça casse» envers et contre tous. Ils ne peuvent cependant transformer le caractère frondeur de l’Algérien et sa nature musulmane qui s’exprime dans les moments difficiles tant qu’il est vivant au milieu des siens hors des microcosmes qui croient que la révolution se joue sur un registre autre que la mentalité collective et la géographie de vie sociale.
L'Algérie est musulmane et le retour de l'islam est inscrit dans ses gènes. Ce qui doit davantage nous préoccuper est dans quelles conditions et par quels moyens se fera ce retour, avec quel projet de civilisation, avec quel modèle de gouvernance, avec quelle forme d'Etat. Si c'est celui du Coran et de Mohamed (QSSSL) avec le retour de la justice, des réformes, de la paix, de la prospérité, de l'indépendance, de la dignité humaine, de la solidarité et de l'assistance aux pauvres et aux opprimés, pourquoi s'y opposer ? A moins de porter une malveillance au cœur. Si c'est le maraboutisme construit par l'inculture politique, l'improvisation, les confréries de Sidi Abou Faracha et de Sidi Abdelkader Bouteflika, les apologues de la monarchie saoudienne, les spécialistes de «l'islam est la solution» sans programme, les tolérés par l'axe Paris-Londres- Washington, car ils tolèrent l'économie mondiale capitaliste ou, parce qu'ils sont fascinés par le modernisme type Dubaï ou Las Vegas, il y a matière non à débattre, mais devoir de refuser. De la même manière qu’il faut récuser les faux islamistes, il faut récuser les faux réformateurs qui ont le talent de cacher leur agenda et de vouloir s’imposer comme en 1991 comme l’alternative entre les islamistes et le pouvoir algérien. Ces faussaires veulent se vendre comme opposants à «l’islam américanisé» sous une hypothèse fausse et invérifiable selon laquelle tous les islamistes entrent dans cette étiquette. En réalité, ils agissent sous le couvert du nationalisme éculé tout en véhiculant les idées du FFS, l’Internationale socialiste et les idées altermondialistes qui ne connaissent pas l'âme musulmane, malgré le respect que je porte à leur lutte et que les musulmans, hélas, sont loin d'atteindre en matière de performances d'analyse, d'engagement militant et d'organisation. Dans un cas comme dans l'autre, l'efficacité et la fin ne peuvent s'accommoder du machiavélisme politique :
{Et ceux qui furent avant eux ont déjà rusé, mais le stratagème en totalité revient à Allah. Il sait ce que chaque personne acquiert.} Ar Ra’âd 62
{Qu’ils portent entièrement la responsabilité de leurs péchés, le jour de la Résurrection, et des péchés de ceux qu’ils ont fourvoyés sans aucune science. Qu’il est vil ce qu’ils pèchent ! Ceux qui furent avant eux ont déjà rusé, en fait, mais Allah vint à bout de leur machination, de leurs fondements, alors le plafond s’écroula sur eux, d’au-dessus eux, et le châtiment leur arriva d’où ils ne s’attendent pas.} An Nahl 17
Encore une fois, j’invite les Algériens de l’intérieur à adopter le processus qui est décrit dans la Proposition, car ce processus n’est pas inédit et n’est pas une marque déposée : il est l’expression des traditions arabo-berbères et musulmanes qui ont permis à l’Algérie de vivre, malgré la décadence musulmane et l’intrusion du colonialisme dans l’espace musulman, en solidarité, en partage de nourriture et en concertation sociale et politique dans un mode plus proche de la démocratie naturelle en harmonie avec la fitra qu’avec les polyarchies des oligarques occidentaux. Les Algériens ont deux exemples types dans l’histoire de la résistance au colonisateur : l’Emir Abdelkader et Hadj Salah Bey. Chacun en fonction de son territoire d’action s’est appuyé sur les assemblées citoyennes (mejless choura) pour restaurer l’Etat algérien et l’organisation du territoire, de la politique, de l’économie et combattre l’occupant. Après l'indépendance, l'autogestion et l'université populaire ont été la reproduction des assemblées populaires qui ont soutenu la révolution algérienne. Le système a corrompu et brisé l'esprit même de ces assemblées et l'idée même de se concerter. Il faut recréer cette idée dans le social, le politique, le syndicat et les coopératives de production et de services par la mutualisation des moyens et de l'argent dans un programme global de résistance. La culture d'assemblées citoyennes, l'idée de responsabilité sociale et le partenariat d'intérêt commun sont inscrits dans nos gènes d'Algériens et de musulmans. Il faut nous libérer de l'aliénation et du mimétisme et reconquérir notre identité, nos valeurs et nous remettre à les vivre comme khalifes de Dieu sur terre, comme oumma Wassat. Interrogeons l’histoire de votre pays, interrogeons notre âme musulmane ! Elles nous donneront toutes les clés de ce qu’il faut faire et ne pas faire.
Interrogeons le Coran et nous verrons que le fait révolutionnaire libérateur précède l'assemblée citoyenne symbolisée par la demeure qui est un moyen de ressourcement, de fédération, de fin de la dispersion et de la confusion, du rassemblement final qui va faire tomber le système taghoutique de Pharaon. Le récit coranique de Moise met en œuvre les 3 principales étapes : l'acte de libération comme processus vers la liberté qui reprend possession de soi et dévoile les idoles sous toutes leurs formes, la définition de la qibla comme cap, comme cadre d'orientation idéologique, comme ligne de direction spirituelle et enfin la demeure qui annonce l'assemblée commune, le rassemblement qui annonce la proximité de la liberté, la marche vers le cap et enfin la fin de la dictature. Il serait dangereux pour les jeunes de s'occuper uniquement du cadre sans mettre en place le processus et sans définir le cap :
{Mais ne crurent en Moïse que quelques jeunes, de ses gens, quoiqu’en ayant peur de Pharaon – qu’il ne les fourvoie – et de leurs élites. Pharaon est sûrement despote sur le pays, et il est sûrement du nombre des dissipateurs. Et Moïse dit : « O mon peuple ! Si vous avez vraiment eu foi en Allah, fiez-vous donc à Lui, si vous êtes musulmans. » Alors ils dirent : « Nous nous fions à Allah. Notre Seigneur, ne Fais pas de nous un fourvoiement pour les gens injustes, et Sauve-nous, par Ta Miséricorde, des gens mécréants. » Et Nous Inspirâmes à Moise et à son frère : « Prenez, vous deux, pour vos gens, des demeures à l’avant en Egypte. Et faites de vos demeures une Qibla, accomplissez la prière, et annonce la Bonne Nouvelle aux croyants ». Et Moïse dit : « Notre Seigneur, Tu As Accordé à Pharaon et son élite aisance et biens dans la vie terrestre, notre Seigneur, afin qu’ils se fourvoient de Ta voie ! Notre Seigneur, Supprime leurs biens et Endurcis leurs cœurs, de sorte qu’ils ne deviennent pas croyants jusqu’à ce qu’ils voient le châtiment douloureux ».Il Dit : « Votre invocation, à vous deux, est exaucée. Suivez alors, tous deux, la rectitude et ne suivez surtout pas la voie de ceux qui ne savent point. »} Younes 83 à 89
Celui qui a un cœur entendant comprend que ce n'est pas ma personne, qui ne pèse rien dans l'échiquier politique algérien, qui a été évacué mais le discours que je porte : le discours coranique qui est notre creuset idéologique, culturel, politique et économique.
Omar Mazri
 

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