Ali Benflis et le «front bis»

Le front du boycott, constitué de 5 partis politiques et d’Ahmed Benbitour, continue son combat politique en vue d’un élargissement de ce front à toutes les forces saines du pays, élargissement qui pourrait peut-être contraindre le pouvoir actuel à admettre la nécessité d’aller vers une transition politique susceptible de déboucher sur la naissance de la deuxième République. C’est ainsi que ce front, qui a, entre-temps, changé d’appellation pour devenir la «Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique» a déjà eu à recevoir et à s’entretenir avec d’anciennes personnalités politiques tels Mouloud Hamrouche, Sid-Ahmed Ghozali et, dernièrement, le candidat malheureux à la présidentielle du 17 avril 2014, M. Ali Benflis. De ces entretiens, je n’en ai, personnellement, aucune idée, rien n’a filtré jusqu’à maintenant ou en tous les cas la presse n’en a pas rapporté grand-chose. Celle-ci se contente juste de relayer l’information disant que «le front s’est réuni ce jour avec x ou y» sans donner plus de détails. Il est vrai qu’au stade actuel des discussions, rien n’est encore acquis, par conséquent, la CNLT ne peut crier victoire. Le chemin qui mène vers le consensus est encore long et semé d’embûches, sachant que le pouvoir, dont le chef de file, A. Bouteflika, vient tout juste de tenir le serment constitutionnel, est connu pour être un fin manœuvrier pouvant, à n’importe quel moment, faire capoter les choses. De ce fait, il est conseillé à cette coordination d’être très prudente sur le choix des personnalités à contacter et avec lesquelles elle doit établir un dialogue sérieux. Prendre langue avec des gens qui, dans un passé pas très lointain, étaient les partisans farouches du système qu’on voudrait voir disparaître n’est pas dénué de risques. Une taupe peut être facilement infiltrée dans ce front pour le torpiller de l’intérieur. Le pouvoir algérien est très fort dans ce domaine. Il a la capacité et les moyens humains et matériels pour le faire, et il n’hésitera pas à le faire au moment opportun, c’est-à-dire le jour où il verra que sa survie en tant que telle est sérieusement mise en danger. Quant au cas Benflis, à la place de cette coordination, je ne l’aurai même pas convoqué. Ma position pourrait paraître extrémiste et non diplomatique, mais je l’assume. Et cela pour au moins deux raisons principales :
Primo, M. Benflis, en tant qu’homme politique qui a fait ses classes au sein du système, savait dès le départ, dès le début de la campagne électorale, que les jeux étaient déjà faits et que le candidat qui allait être plébiscité ne pouvait, en aucun cas, être un candidat autre que A. Bouteflika. Il a surestimé ses chances et a fait naïvement confiance à ses «60 000 hommes» qui, le jour du vote, se sont éclipsés pour différentes raisons. Les mauvaises langues diraient qu’ils ont été «corrompus» par le système pour qu’ils ferment les yeux sur les magouilles ayant entaché, comme d’habitude, cette élection. Par ailleurs, autant Ali Benflis a été agressif lors de sa campagne électorale, agressif dans le sens où il a mis le doigt sur les tares de ce système, autant son agressivité a fondu comme neige au soleil après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle. On attendait une réaction beaucoup plus musclée de sa part, mais pas au point d’envoyer ses partisans au maquis tout de même, il parle de publier un livre blanc sur ces élections. Mais à quoi cela servirait-il ? Qu’a-t-il à nous apprendre que nous ne sachions pas déjà ? Un livre, qu’il soit blanc ou noir, n’aura aucune influence et aucun impact sur la suite des événements, qui, comme tout un chacun le sait, sera la reconduction pure et simple des hommes du Président qui auront pour tâche de perpétuer pour au moins cinq ans encore le système avec ses tares et… pourrai-je dire aussi ses avatars ? Avatar dans le sens où l’on va encore assister à une transformation, une métamorphose de ce système qui deviendra encore plus répressif envers tous ceux qui voudraient sortir du rang et moins tolérant sur les aspects liés à la pratique de la démocratie.
Secundo, Ali Benflis, grisé peut-être par le taux de 51% de vote en sa faveur (selon ses dires et non selon les chiffres officiels du Conseil constitutionnel), et cela contrairement à 2004 où il n’avait récolté que des miettes, pense qu’il peut se passer de l’opposition et, qu’à lui seul, il constitue déjà une opposition. Erreur de calcul. Erreur d’appréciation politique. Son erreur est donc, au lieu de se joindre au front de l’opposition qui existe déjà et qui réunit, pour la même cause et pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie indépendante, aussi bien les démocrates que les islamistes et les laïcs, il nous annonce la constitution d’un front bis. Un front bis réunissant des micro-partis politiques sans véritable ancrage populaire. Belle manière de diviser l’opposition. A force de tirer la couverture dans tous les sens, celle-ci finit par se dilacérer qu’à la fin elle tombe en haillons. Et que peut-on comprendre de la position de Benflis qui «a émis des réserves sur l’initiative de la coordination» si ce n’est qu’il voulait tirer la couverture vers lui ? Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour comprendre cela. M. Ali Benflis, qui avait, par le passé, occupé des postes ministériels, croit probablement qu’il a une longueur d’avance sur les autres présidents de parti qui composent cette coordination. Par conséquent, même s’il ne le dit pas de façon claire et nette, la lecture que l’on pourrait faire de «ses réserves» c’est qu’il attend, certainement, que l’opposition se joigne à lui et se mette sous ses ordres. Complexe de supériorité ? Seul un psychanalyste pourra nous le dire.
Abdelaziz Ghedia
 

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