La distribution de la publicité via l’Anep n’a rien à voir avec le souci d’encourager le pluralisme

Une dépêche de l’APS vient d’annoncer que «l'Etat maintiendra les subventions accordées aux professionnels du secteur de l'information», citant un message du président Bouteflika, à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. La pratique, depuis quelques années, du financement de la presse algérienne par l’Etat démontre que le terme «subvention», ici, est absolument impropre ; ce qui est en vigueur pour l'instant est plutôt une rente distribuée selon des critères arbitraires. N’importe quel journaliste a pu le constater et peut en témoigner : des journaux sont créés en deux versions, arabe et française, et même avec une troisième édition consacrée au sport, uniquement pour la rente publicitaire qui les accompagne et qui, souvent, est versée sans contrepartie professionnelle imposée par un quelconque cahier des charges. La distribution de la publicité institutionnelle aux journaux – c’est pour le moment la forme d’aide qui prédomine – est entachée de considérations qui n’ont rien à voir avec le souci d’encourager le pluralisme médiatique et d’opinion. La preuve : la question de savoir où va cet argent qui appartient, en fait, aux contribuables n’est jamais posée. Le financement indirect que constituent les espaces de publicité couverts par l’Anep sert-il au recrutement de journalistes professionnels ? Sert-il à la formation d’un personnel qualifié destiné à la rédaction et aux services techniques du journal ? Est-il utilisé pour doter le journal de moyens indispensables à sa confection (abonnements aux agences d’information, connexion à internet, moyens de travail et de communication, véhicules pour les déplacements, budget pour les missions, réseau de correspondants…). Quel budget réserve le journal pour les frais d’impression ? Permet-il d’avoir un tirage suffisant qui lui assure une présence dans les kiosques et sur tout le territoire national ? Dans ces questions, il y a implicitement ce que devraient être, en partie, les conditions pour l’octroi d’une véritable subvention aux journaux qui en ont besoin et qu’il faut dissocier de la distribution d’une rente à partager entre «amis», pratique d’ailleurs à bannir. Dans un article mis en ligne le 9 août 2013, Algeriepatriotique révélait qu’«El-Adjoua, un organe de presse insignifiant, a empoché 113 milliards de centimes de janvier 2011 à septembre 2012», ajoutant, en s’appuyant sur un document de l’Anep, que «ce chiffre pourrait avoir atteint 180 milliards», à la date de la parution de l’article en question. Au lieu d'être sanctionné, après cette révélation, El-Adjoua a utilisé cet argent de l’Etat pour la création d'une chaîne de télévision qui a servi à la campagne électorale en faveur de Bouteflika. A la lumière de cet exemple, ce qui est attendu de l’Etat, en plus de bannir les pratiques de clientélisme, c’est de réviser les modalités de la contribution des pouvoirs publics au développement du champ médiatique. Il faut cibler les aides sur la base du critère de l’encouragement du pluralisme de la presse et de la liberté d’expression et d’opinion. L’Etat doit faire contrepoids au pouvoir de l’argent qui, à travers la publicité privée, parfois émanant de sociétés étrangères, tend à réduire la liberté des journalistes, voire assujettir les journaux.
Karim Bouali

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