Le désespoir de l’artiste

Pourquoi les paroles sur la jeunesse algérienne de Safy Boutella, dimanche 20-07-14 au forum de Liberté, m’ont rappelé Bachir Hadj Ali, ce militant ce poète, mort handicapé par la torture ? «De la culture au civisme» est le thème qu’a choisi l’artiste pour un débat en nocturne avec le public en ce mois de Ramadhan.

Pourquoi les paroles sur la jeunesse algérienne de Safy Boutella, dimanche 20-07-14 au forum de Liberté, m’ont rappelé Bachir Hadj Ali, ce militant ce poète, mort handicapé par la torture ? «De la culture au civisme» est le thème qu’a choisi l’artiste pour un débat en nocturne avec le public en ce mois de Ramadhan.
Extraits du discours de Safy Boutella : «Chez nous, je constate qu’il n’y a pas de vivre ensemble, il n’y a pas réellement de fonction sociétale… Notre jeunesse se sent ignorée, rejetée, elle est résignée, démissionnaire comme la majorité de ses aînés d’ailleurs. Elle se réfugie dans cette exclusion dans des palliatifs de forte toxicité et, aujourd’hui, notre jeunesse, parce qu’elle est vulnérable, est captée par une violence banalisée : la drogue facile, l’intégrisme, l’individualisme, l’inculture et j’en passe. C’est le règne de l’arrogance de l’approximation, du vol, de la corruption et le h’sad pour couronner le tout. C’est beaucoup. Du coup, on peut se considérer dangereusement désarmé. Comme avec un système immunitaire sérieusement défaillant. La situation est critique… Les Algériens disent la même chose, mais on ne dit pas la même chose tous ensemble. Il n’y a plus de bonheur. C’était mieux avant. Tout le monde veut partir. Dire c’était mieux avant semble un propos réactionnaire alors que dernièrement je visionnais un concert d’Oum Kaltoum, avec ma frangine ici présente. On regardait toute la salle et dans toute la salle, il n’y avait pas une seule femme voilée. Tout le monde était le visage ouvert, clair en train d’apprécier l’fen, tranquille, pas de soucis donc. C’était bien mieux avant. Ce n’est pas pour dire que voilée ce n’est pas bien ; ce n’est pas le propos. On s’entend… Le péril de demain c’est la menace la plus grave. Les blessés d’aujourd’hui seront les fous de demain. Comme d’ailleurs déjà les fous d’aujourd’hui sont les blessés d’hier.» Je m’arrête là car je n’avais pas saisi ces deux dernières phrases de l’artiste. Ils sont la clé qui rappelle, en plus de la terreur, les raisons du manque de solidarité envers les victimes du terrorisme dans les années 90. Safy Boutella avec ses blessés d’hier et ses fous d’aujourd’hui revient sur une idée saugrenue qui a fait des ravages sur la scène politique. Les fous de Dieu des ONG, des réformistes en général et de l’Internationale socialiste en particulier étaient, avant le 11 septembre 2001 des militants en armes à qui l’Algérie avaient spolié la victoire des urnes. Des fous qui distinguent les plus intelligents de ce peuple pour les trucider. La conséquence de telles idées est de voir aujourd’hui un des chefs de ces «fous» se hisser au rang de personnalité nationale et de voir les adversaires d’hier faire l’union pour une transition sans aucune critique du passé. Dans ce cas, oui, de telles idées ne peuvent mener qu’au désespoir, à la fuite, aux pleurs, aux larmes et aux lamentations, à la démission. Pourquoi la culture, pourquoi le civisme dans ce cas ? On n’échappe pas toujours à l’influence de la société où de plus en plus d’Algériens invoquent le Bon Dieu à tout bout de champ. Il me semble qu’à chacune de leur invocation c’est l’Ange déchu qui s’invite et à force, il s’est incrusté pour faire tourner notre monde en bourrique. Le désarroi découle aussi de l’échec des révolutions du XXe siècle qui a donné des ailes aux réformistes. La cause de l’échec des révolutionnaires est le collectivisme qui a pris le pas sur les libertés individuelles. Du centralisme démocratique, il ne reste plus que le centralisme. L’échec des révolutionnaires a été attribué au collectivisme, à juste titre, ce qui a discrédité l’organisation politique, en général. Cela ne nous empêche pas d’apprendre de ces échecs, sachant que sans organisation politique démocratique, qui tient compte à la fois d’une discipline collective et des libertés individuelles, sans parti, sans association, le changement devient utopique. Il devient une aventure. Le printemps arabe en est une preuve la plus récente. Le changement est dans cinq ans prévoit l’artiste. C’est dans trois, affirme le dirigeant politique de la transition, présent au forum. Quelle organisation politique faut-il pour le changement ? Voilà la question qui se pose aussi à un artiste comme Safy Boutella. Si Bachir Hadj Ali incarnait une jeunesse pleine d’espoir, Safy Boutella accompagne le désespoir avec un travail qui exige de lui le bonheur comme source d’inspiration.
Saâdeddine Kouidri
 

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