Sortir de l’indifférence

Le champ politique, duquel devraient émerger les hommes et les idées, fonctionne à respiration minimale, au bord de la suffocation. En resterait-il quelque chose, juste assez pour permettre à quelques partis le maintien des appareils de réanimation ? D’où vient qu’on ne s’enthousiasme plus pour une élection, celle-ci fut-elle présidentielle ? D’où vient que les populations ont appris maintenant à ne pas trop s’enthousiasmer, même suite à l’annonce de réformes, même à la révision de la constitution ? Réformes, élections, des concepts qui passent au-dessus, qui n’attirent plus, et qui suscitent presque de l’indifférence. Il en est de même quand on nous annonce des changements dans le gouvernement, ou alors corps des walis ou des chefs de daïra, également dans le secteur de la magistrature. Autrefois, c’était des événements. Ils ne le sont plus. Il faudrait bien se demander pourquoi aujourd’hui les populations et même la presse reçoivent ces informations dans pratiquement l’indifférence. Autrefois, il y avait la conviction que les walis pouvaient être des acteurs du développement. Ils pouvaient ramener des budgets pour construire des logements, créer des emplois, réparer les routes, faire de nouvelles routes. Il y en a qui croient encore. Il y en a qui n’y croient plus. Dès lors qu’on n’y croit plus, on devient opposant dans la tête sans intégrer un parti d’opposition. Dès lors que l’on n’y croit plus, qu’on ne croit plus qu’on va améliorer notre situation socioéconomique, on cherche alors à vouloir la destruction d’un tel système qui semble ne pas nous permettre pas de sortir de cette crise. Il y en a qui ont fini de croire que l’intégration de quelques nouveaux partis au gouvernement sera un signe de changement de ce que va devenir l’acte de gouverner, et donc, fatalement, de décider. De décider de quoi ? De la façon avec laquelle doit être appliqué un programme ? Une question se pose toujours dans les rédactions de presse, quand plane dans l’air l’impression d’un remaniement. Il s’agit de savoir si les nouveaux nommés, Premier ministre, ministres, walis disposent d’une marge de manœuvre. Tous ces hauts responsables entrent en fonction sans que les populations et même les élites ne puissent réellement être convaincues que ces nouveaux ramèneront quelque chose de positif. Si nous savons bien qu’ils sont chargés de faire appliquer le programme présidentiel, leurs idées à eux ne sont pas connues. Normalement, un ministre de l’Economie est connu pour ses idées bien en avant qu’il ne soit désigné à cette fonction. Idem pour tous les départements ministériels. Prenons un exemple. Si un expert économique intervient souvent dans la presse rédige sa vision en en faisant un livre, un document, les populations et les élites savent à quoi s’attendre si cet expert est désigné à de hautes fonctions dans son domaine d’études. D’une marge de manœuvre, pourquoi ? Pourquoi ne pas plutôt dire que cette marge de manœuvre dépendrait de la perception que peut avoir le Premier ministre des orientations du Président ? Ceci reviendrait à dire qu’il ne s’agirait pas d’une marge de manœuvre, mais d’un certain écart qu’il y aurait entre la vision présidentielle et celle que prêterait le PM au Président. A supposer donc que puisse exister cette différence qui proviendrait d’un écart entre ce que veut le Président et ce que son Premier ministre croit que le Président veut, le Premier ministre pourrait-il imposer au gouvernement sa propre perception de ce qu’il est chargé de faire appliquer ? Si réellement le Premier ministre n’est plus le chef du gouvernement (avec tout le contenu du concept de chef), et qu’il ne peut rien imposer au gouvernement, chaque ministre pourrait tenter de faire valoir sa propre compréhension de ce que le Président voudrait. Eh oui, puisque le changement de chef du gouvernement en Premier ministre a été montré comme procédant d’une importance particulière, de façon à faire savoir que cette nouvelle appellation dénudait celui-ci de toutes les attributions hors celles relevant de la coordination. Belkhadem lui-même se considérait comme seulement un coordinateur des activités des ministres, alors qu’il était encore chef du gouvernement. Son prédécesseur, Ouyahia, donnait l’impression qu’il disposait d’une grande marge de manœuvre (sauf pour les augmentations de salaires qui avaient eu lieu), mais prenait soin à chaque fois de citer comme référence le programme du Président… Désormais, à chaque décision du Premier ministre, les compteurs d’évaluation des conformités au programme du Président se mettraient en marche, ainsi que le compte à rebours pour changer le Premier ministre.
Bachir Medjahed
 

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