Interview – Le président du MCAF : «La mort de notre compatriote à Roissy n’est pas naturelle»

Algeriepatriotique : Avez-vous des informations sur l’affaire de l’Algérien décédé à Roissy ?

Algeriepatriotique : Avez-vous des informations sur l’affaire de l’Algérien décédé à Roissy ?
Omar Aït Mokhtar :
Il y a un mort. Ce qui est dramatique. Notre concitoyen est décédé lors de son transfert du centre de rétention de Vincennes en région parisienne, ce centre de la honte, vers l’aéroport de Roissy. Des questions se posent. Il fallait s’y attendre. Nous avons prévenu tout le monde. Les sans-papiers refusent d’embarquer – ça, on le sait – et les policiers utilisent la force pour y parvenir. Donc pour nous, cette mort n’est pas naturelle ; elle a été provoquée. La justice que nous avons saisie nous le dira. Sachez qu’il faut qu’un consul adjoint reconnaisse un citoyen algérien et lui délivre un laissez-passer, pendant qu’un sans-papiers essaye de ne pas donner sa vraie nationalité…
Pouvez-vous nous décrire la situation des sans-papiers algériens en France ? Est-elle différente de celle des autres Maghrébins ?
Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Nous avons tenté d’agir pour éviter de réagir. Je vous joins justement les correspondances avec M. Valls, alors ministre de l’Intérieur, qui a été le premier à nous répondre en nous orientant vers son conseiller à l’immigration pour en débattre, contrairement à nos diplomates qui ne donnent aucune importance à nos concitoyens établis régulièrement, alors que dire des sans-papiers ? Nous avons demandé à plusieurs reprises des audiences ou des tables rondes à l’ambassadeur d’Algérie à Paris. Il n’a jamais répondu à nos sollicitations. Les sans-papiers algériens sont indésirables dans nos consulats, contrairement à nos voisins tunisiens et marocains. Il y a un vrai problème. Il faut voir comment sont traités les gens dans nos consulats. Savez-vous que les premières victimes sont les agents consulaires qui subissent la foudre des citoyens exaspérés ? Crachats et insultes sont leur lot quotidien, quand ils ne sont pas carrément agressés physiquement. La semaine dernière, un citoyen a failli mourir au consulat général d’Algérie à Paris, un agent consulaire a été roué de coups à Vitry-sur-Seine, un autre à Nanterre, la voiture du consul général à Paris a été saccagée… La police française intervient parfois pour calmer les esprits. Le MCAF a voulu agir, mais, hélas !, nous sommes obligés de réagir. Nous agissons du mieux que nous le pouvons, malheureusement, nous ne sommes pas écoutés. En passant dans des quartiers comme Barbès à Paris, Place du Pont à Lyon, Wazemmes à Lille…, il y a de quoi avoir honte. Il faut faire exprès pour ne pas voir cette situation honteuse. Est-ce que nos diplomates relèvent cette situation dans les rapports ? J’en doute. Donc, à travers vous, nous interpellons le Premier ministre, M. Abdelmalek Sellal, pour lui dire qu’il y a un gros problème et que nous avons des propositions concrètes pour y remédier.
Vous avez sollicité une audience auprès de Manuel Valls, quand celui-ci était ministre de l’Intérieur, pour lui faire part de vos suggestions concernant le problème des sans-papiers. Son chef de cabinet vous a répondu favorablement. Qu’allez-vous dire à vos interlocuteurs ?
Je vous joins sa réponse et le courrier que nous lui avons envoyé. Je dirais qu’il nous a écoutés et respectés. M. Valls a instruit son conseiller à l’immigration pour nous recevoir de sorte que nous lui fassions part de nos propositions pour améliorer la situation de nos compatriotes qui vivent illégalement sur le territoire français. Nous allons le rencontrer au courant du mois de septembre.
Avez-vous fait les mêmes démarches auprès des autorités algériennes ? Que vous ont-elles répondu ?
Il n’y a aucun dialogue, hélas ! Les responsables algériens se réunissent seuls pour chercher des solutions et ils ne veulent pas associer les principaux concernés. Ils resteront toujours des «chercheurs de solutions» et jamais ils n’en trouveront. Pourtant, il suffit de s’inspirer d’autres institutions. Prenons l’exemple de la préfecture de Seine-Saint-Denis à Bobigny qui gère plus de 40 nationalités. Avant, c’était un vrai souk. Mais, maintenant, cette institution a instauré le système de la réception sur rendez-vous et le problème a été définitivement réglé.
Quelles propositions allez-vous soumettre aux autorités françaises pour essayer de régler le problème des sans-papiers ?
La France est un pays souverain, mais des accords peuvent être trouvés. De toute façon, on parle du règlement d’un problème humain dramatique. Il s’agit donc de soumettre des propositions acceptables pour les sans-papiers avant tout, en essayant de faire en sorte que les autorités françaises et algériennes accordent leurs violons. L’Algérie n’est pas un village ; l’Algérie est un grand pays capable de s’occuper de ses citoyens où qu’ils se trouvent.
Nous recevons de plus en plus de messages concernant le traitement «humiliant» réservé aux Algériens résidant en France dans pratiquement tous les consulats algériens. Comment expliquez-vous l’inaction de l’Etat algérien face à ce genre de comportements qui ne cessent de prendre de l’ampleur ?
Il y a une situation dramatique et humiliante. Il n’y a pas d’autres qualificatifs. Nous sommes obligés de réagir ensemble. Nous demandons l’organisation d’une table ronde et d’un débat constructif sous l’autorité du Premier ministre. Il est inconcevable que nous continuions à perdre notre temps à parler des problèmes au lieu de nous soucier de la manière d’aider notre pays. La communauté algérienne établie à l’étranger n’est pas un poids ou une charge pour notre pays. Au contraire. Quand les riverains du consulat d’Algérie à Nice demandent son déménagement, je suis peiné et touché. Ne croyez surtout pas que c’est du racisme ; ces gens sont dérangés chez eux par les va-et-vient dès 3h du matin pour faire la queue devant l’entrée du consulat. Cette queue de la honte doit disparaître. J’ai réalisé une vidéo devant le consulat général d’Algérie à Paris qui est une illustration parfaite de cette situation intenable.
Propos recueillis par Houneïda Acil
 

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