Le bannissement de Belkhadem comme révélateur d’une dictature aux abois

Il se peut que Belkhadem ait été tout simplement banni du pouvoir pour trahison. La dictature ne pouvant tolérer en son sein un dissident qui pactise avec son opposition. Car ce dernier s'était rendu complice de l'activisme du Front du changement, qui milite pour une transition démocratique, en participant directement à ses rassemblements politiques. Mais avant cela, avant cette sortie hasardeuse et compromettante, que l’on pourrait qualifier de faux pas décisif, Belkhadem agaçait déjà par son ambition démesurée à vouloir succéder ouvertement à Bouteflika depuis son AVC et qui s’est confirmé la veille de la dernière présidentielle, en déclarant vouloir se porter candidat si ce dernier désisterait à se représenter pour un 4e mandat. Tout en restant convaincu que la question de sa succession est irréversible et n’est qu’une affaire de temps, malgré son élection à la présidentielle de 2014, et sachant que pour prétendre accéder à la magistrature suprême, il lui fallait d’abord asservir et instrumentaliser le parti du pouvoir, le FLN, ce qui va le mener à s’engager dans une bataille de Titan au sein de ce parti contre son principal rival, Amar Saïdani. Mais les choses ne se sont pas passées comme il le souhaitait, avec sa marginalisation progressive du parti et la victoire écrasante de son rival. A ce moment précis, il voyait déjà El-Mouradia lui échapper et s’éloigner de plus en plus de l’horizon de ses ambitions. Alors, perdant tout espoir de briguer le pouvoir suprême et mû par une ambition aveugle, il va commettre l’irréparable en se ruant vers de nouvelles alliances avec l’opposition. En espérant rattraper le train par le dernier wagon, surtout que l’opposition ne cesse de gagner du terrain et apparaître de plus en plus comme l’alternative la plus plausible à la succession de Bouteflika, dont l’état de santé ne cesse de se dégrader. C’est ce qui va faire paniquer les tenants du pouvoir et décréter dans la précipitation son éviction de son poste de ministre d’Etat et de conseiller spécial de la présidence de la République. Au point que le décret en question stipule qu’il lui est même interdit de s’approcher du siège du FLN, y compris de stationner dans son parking. Comme le ferait un juge pour éloigner un membre de la famille devenu une menace pour sa quiétude et sa sécurité. Eloigné par une telle mesure draconienne, son dossier sera considéré comme clos, et au moment opportun, si la succession de Bouteflika s’imposait, pour une raison ou une autre, le système pourrait lui survivre comme à l’accoutumée et envisager son remplacement en puisant dans sa réserve. A ce propos, ce ne sont pas les hommes ayant fait allégeance au système et qui lui demeurent loyaux qui manquent. L’opposition continuera toujours à être écartée de l’ordre du jour, avec une surveillance aussi draconienne sur ses rassemblements, et si nécessaire de leur interdiction brutale. L’épisode Belkhadem ressemble trop à la chute d'un fruit pourri qui risquait de contaminer tout l’arbre et qu’il fallait jeter le plus loin possible de tout le verger. D’un autre côté, cet épisode fracassant ne fait que révéler la nature profonde de la dictature algérienne.
Youcef Benzatat
 

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