L’islam politique ou comment détruire l’islam de l’intérieur (II)

Les relations entre les officiers libres et les Frères musulmans étaient au début normales, voire cordiales, surtout quand il fut décidé de dissoudre tous les partis politiques, sauf la confrérie des Frères musulmans qui était considérée comme une association pour la daâwa (prêche) musulmane. En 1953, le guide des FM, Hassan El-Hodaibi, décida de dissoudre l’organisation secrète sous prétexte qu'elle prenait des décisions sans consulter le bureau officiel de la confrérie. En fait, cette manœuvre avait pour objectif de distinguer l'organisation mère de cette organisation aux yeux des masses populaires et surtout aux yeux des politiques. Le chef El-Senadi, qui était en prison pour l’assassinat du ministre de l’Intérieur, a même ordonné du fond de sa cellule l’assassinat de son second, chose qui fut faite, et ce sont des membres de cette organisation qui l’ont écrit dans leurs livres. Après la «dissolution» de l’organisation secrète, il n’y eut plus de relation ente El-Hodaibi et Djamel Abdel Nasser qui était en désaccord avec le président Naguib, accusé d’être du côté des Frères musulmans et contre la révolution, car ses derniers le soutenaient. En 1954, la décision d’Abdel Nasser de dissoudre la confrérie était le résultat des tentatives des Frères musulmans d’imposer leur tutelle à la révolution ; ce fut la fin de la lune de miel entre les Frères musulmans et les nouvelles autorités de l’Egypte. Ils commencèrent par prendre contact avec l’ambassadeur américain Henry Alfred Byroade au Caire pour lui proposer de faciliter le voyage hors d’Egypte d’une juive égyptienne, amie du ministre des Affaires étrangères sioniste, en contrepartie d’une «pression» sur Djamel Abdel Nasser. Ils lui ont même assuré par le biais de Mahmoud Makhlouf, leur porte-parole, que s’ils arrivaient au pouvoir, ils pourraient envisager de faire la paix avec l’entité sioniste. Le 26 octobre 1954, lors d’un meeting à El-Menchiya, en Alexandrie, Abdel Nasser a été la cible de huit coups de feu qui l’ont raté. Suite à cet attentat, le guide Hassen El-Hodaibi et les chefs de l’organisation secrète furent arrêtés, ainsi que le tireur Mahmoud Abd El-Latif et beaucoup d’autres. Ils furent jugés et sept d’entre eux furent condamnés à mort, dont El-Hodaibi qui a vu sa peine commuée en emprisonnement. Parmi les nombreuses personnes arrêtées à cette époque, se trouvait celui qui deviendra le responsable idéologique des FM, Sayed Qotb, dont le mentor n’est autre qu’Abou Ala El-Mawdoudi, fondateur de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de l’islam politique. Sayed Qotb profita de la débandade au sein de la direction des Frères musulmans pour s’imposer et imposer sa doctrine takfiriste que beaucoup adopte aujourd’hui. Pour faire court, dans sa doctrine, il déclare mécréants tous ceux qui n’adoptent pas sa vision, et il prétend qu’ils doivent se reconvertir à l’islam. Après la chute des FM, beaucoup de leurs leaders sont retournés à leur abri habituel, l’Arabie Saoudite, qui a même donné à certains d’entre eux la nationalité saoudienne tels que Sheikh Menâ El-Kattan. Sayed Qotb finit par être relâché et devint le père spirituel, l’idéologue et l’organisateur de la nouvelle génération des FM takfiristes. Il a même préparé de nombreux attentats en vue d’un coup d’Etat, qui n’eurent pas lieu. Mais il a mis sur pied des cellules dormantes bien formées qu’on peut appeler des cellules de reprise et récupération, au cas où. Elles étaient connues sous le nom d’organisation 65, ou encore l’organisation de Sayed Qotb. En 1968, une des factions des Frères musulmans se retira ; elle sera connue plus tard sous le nom d’«Etakfir wa el-hijra». Dans les années 70, beaucoup de groupes, sous plusieurs noms, apparurent affichant leur non-appartenance au Frères musulmans. Ce fut le commencement de l’apparition de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de djihad en Afghanistan, pour s’étendre plus tard aux pays musulmans : coïncidence ou bien c’est la main invisible connue ? A l’époque de Sadate, les Frères musulmans apparurent comme des innocents immaculés, victimes du pouvoir despotique et tyrannique. Pourtant, ils n’ont pas cessé de financer toutes les factions djihadistes sous couvert d’associations qu’ils contrôlaient et contrôlent encore. En 1984 furent relâchés les chefs de groupes islamistes, qui se mirent directement à polariser les jeunes en les embrigadant pour avoir une large base, afin de les utiliser pour avoir la maîtrise de la rue lors des manifs, entre autres. Les FM, entretemps, ne s’affichaient pas avec tous ces groupes islamistes, mais s’infiltraient dans la société lentement et efficacement. Ils avaient infiltré tous les syndicats des travailleurs en Egypte pour constituer une base solide en prévision des élections. Ils ont même été les fondateurs de plusieurs caisses de solidarité pour les soins, etc. qui fonctionnent encore maintenant. Ils lancèrent le slogan «l’islam est la solution» pour gagner la sympathie des masses lors des élections, et ils sont même allés jusqu’à négocier leur participation avec d’autres partis politiques. Chose que leur reprocha Aymen El-Zawahiri dans son livre intitulé Hassad El-Chouk (la moisson des épines). En 1984, lors des élections parlementaires, ils eurent huit sièges, l’Assemblée fut dissoute par décision de la Cour constitutionnelle. En 1987, lors des élections parlementaires, ils eurent 37 sièges, l’Assemblée fut dissoute encore une fois par décision de la Cour constitutionnelle. En 1990, ils n’eurent aucun siège lors des élections parlementaires ; aucun incident ne s’est produit, car ils sont adeptes de la politique dite d’El-Takiya (duplicité). Attitude qui fut clairement dévoilée lorsque les services secrets égyptiens mirent la main, dans les années 90, sur des documents ayant pour titre khoutat etamkin (plan de la maîtrise) mis au point par Khayret Echater, qui était communiste au départ. Ce plan consiste en :
1- l’infiltration au sein des travailleurs, les artisans, les hommes d’affaires, et les institutions étatiques ;
2- la tentative de se débarrasser des autres organisations islamiques ou les assimiler en mobilisant leurs membres.
Les différents groupes islamistes qui n’ont rien à voir avec les FM (pouvez-vous croire cela ?) dans les années 90 ont réussi à s’imposer sur non pas des quartiers, mais des villes entières telle El-Minya. Les gens sont jugés et les jugements exécutés loin de toute autorité étatique, c’est-à-dire qu’il y avait un Etat dans l’Etat avec la complicité des autorités de l’ère Moubarak. Des arrestations massives furent effectuées dans le milieu des années 90, à la suite de nombreux attentats commis contre des intellectuels et des journalistes, d’ailleurs, même Moubarak échappa à un attentat qui le visait. En cette période, commença ce qui est appelé el-mouradjaât (révision des positions) des islamistes dans les prisons concernant le djihad et les autres activités. Les Frères musulmans, entre 1996 et 2000, apparurent comme un interlocuteur fiable et modéré aux yeux du monde entier par rapport aux autres groupes qu’ils n’ont pas arrêté de financer sous la table.En 2000, ils participèrent aux élections parlementaires et eurent 17 sièges, première victoire du plan de Khayret Echater. En 2005, ils eurent 88 sièges cette fois, grâce à une entente secrète entre eux et El-Hizb el-watani, le parti au pouvoir, entente qui fut dévoilée par la suite par le bras droit de l’ancien guide, Mohamed Habib. Une entente secrète effectuée par le biais de Khayret Echater et Mohamed Morsi. A cette même époque, l’aile armée des Frères musulmans «internationale» en Palestine, le Hamas, gagne les élections à Ghaza, mais dès qu’elle eut le pouvoir, les choses ont très vite changé. La première chose que Hamas a faite après les élections, c’est de s’attaquer aux infrastructures du Fatah en les détruisant et en chapardant leur contenu, ils ont tué des centaines de personnes appartenant au Fatah en une seule journée, selon certains. Sans parler du niqab imposé, etc. Ces faits sont bien documentés sur le Net pour ceux qui veulent faire leur propre recherche. Ce qui arriva à Ghaza après la victoire du Hamas amena des citoyens égyptiens à se poser des questions sur la probabilité qu’un jour les Frères musulmans prennent le pouvoir en Egypte.
Karim Sansous
 

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