Le Qatar lance une nouvelle chaîne de télévision pour pallier la perte d’audience d’Al-Jazeera

Une nouvelle chaîne de télévision à capitaux qataris dénommée Al-Arabi Al-Jadeed vient de voir le jour. Elle a commencé à émettre depuis la capitale britannique et ambitionne, à court terme, de supplanter la chaîne mère Al-Jazeera, dont l’audimat s’est dramatiquement dégringolé au cours de ces trois dernières années, à cause de son orientation politique très marqué en faveur des mouvements de subversion islamiste et de l’idéologie salafiste. Pour redorer son blason, le nouvel émir du pays, Tamim Ben Hamad, sur proposition de l’ex-Premier ministre Hamad Ben Jassem, qui veut lui aussi faire son retour, a eu cette idée de lancer une nouvelle chaîne d’information en continu qui puisse reprendre la propagande qui a fondé Al-Jazeera, sous une autre forme plus subtile et plus efficace. C’est ainsi qu’il a confié la direction du projet à son conseiller attitré, le Palestinien et ancien député de la Knesset, Azmi Bishara. Présenté comme un partisan de «la force douce», voire comme un anti-islamiste, Bishara était, au contraire, un des maîtres à penser de la communication officielle du Qatar, au temps déjà de Khalifa Ben Hamad Al-Thani, et c’est lui qui, en intellectuel organique, assurait la meilleure promotion du «printemps arabe» à travers ses chroniques à connotation académique. La présence, comme responsable de la rédaction de cette nouvelle chaîne, de l’ancien directeur d’Al-Jazeera, Wadhah Khanfar, connu pour ses accointances avec le mouvement des Frères musulmans – et aussi de la CIA – achève de confirmer le retour, en douceur, à la ligne radicale qui a toujours caractérisé Al-Jazeera. Tout ce directoire travaillera, bien sûr et comme à Al-Jazeera, sous les ordres de Hamad Ben Jassem, l’indétrônable idéologue de l’émirat. Pour lancer ce projet, la direction d’Al-Arabi Al-Jadeed a fait appel à une myriade de journalistes maison, mais aussi à d’autres travaillant pour le compte de certaines chaînes d’information d’expression arabe, comme BBC Arabic – qui fut la pépinière dans laquelle avait puisé Al-Jazeera à sa création, en 1995. D’un point de vue stratégique, le lancement d’un tel projet permettrait aux dirigeants qataris d’atténuer, un tant soit peu, l’ardeur des autres monarchies du Golfe qui ont accentué, ces derniers mois, leurs pressions sur Doha pour l’amener à se défaire de ses alliances avec la mouvance des Frères musulmans et, en même temps, de garder intacte leur influence idéologique sur le public acquis à la doctrine salafiste et de repartir à la reconquête de l’opinion arabe. C’est pourquoi la direction de la nouvelle chaîne a pris soin, dès le début, de promouvoir une autre image, celle d’une chaîne voulant se distinguer, en tout, d’Al-Jazeera, et aider, surtout, l’émir Tamim à se créer «une nouvelle personnalité» qui puisse lui permettre de «sortir de l’ombre de son père». Ce groupe de droit britannique vise également à reconquérir l’influence médiatique du Qatar, face à une concurrence saoudienne de plus en plus forte, grâce notamment à Al-Arabiya qui ne cesse de gagner en audience, pendant qu'Al-Jazeera continue à se faire des ennemis dans l’ensemble du monde arabe.
R. Mahmoudi

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